Alors que l’aéroport de Luxembourg s’apprête à accueillir son cinq millionième passager de l’année – un record –, nous avons échangé avec le CEO de lux-Airport à propos du remodelage qui s’opère au Findel.
La fréquentation de l’aéroport de Luxembourg n’en finit plus de gonfler, passant de 4,4 millions de passagers en 2019 à 4,8 millions l’an dernier. Et 2024 est sur le point d’exploser tous les compteurs avec 507 000 voyageurs pris en charge rien que sur le mois de mai, soit les chiffres les plus hauts jamais atteints depuis l’ouverture en 1945, tandis que la barre des cinq millions de passagers sera franchie avant Noël.
Une croissance XXL qui entraîne son lot de complications, entre manque de parkings, temps d’attente à rallonge et engorgement des accès routiers. Avec le directeur général de lux-Airport, Alexander Flassak, nous avons fait le point sur les mesures en place pour atténuer ces points noirs, sans oublier d’esquisser à quoi ressemblera le Findel de demain, desservi par le tram.
L’aéroport a accueilli cinq millions de passagers cette année, dépassant les 500 000 voyageurs mensuels en mai, juillet et août. À quoi attribuer ce succès ?
Alexander Flassak : D’abord, au nombre de nos destinations, 125 au total. Et puis, nous attirons de nombreuses personnes de la Grande Région qui viennent de plus en plus loin, reflétant un élargissement de notre zone de chalandise. Si bien qu’avec son emplacement central, lux-Airport incarne aujourd’hui l’aéroport de la Grande Région. Le marché luxembourgeois est, lui aussi, en pleine croissance, notamment au niveau du voyage d’affaires. Le nombre de passagers a doublé en dix ans, ce qui représente une augmentation beaucoup plus rapide que dans de nombreux autres aéroports européens! Et nous recevrons notre cinq millionième passager juste avant Noël selon nos prévisions, ce qui est une vraie fierté.
On retiendra aussi de 2024 le chaos du 28 août, lié à un trou formé sur la piste, qui avait engendré 11 annulations de vols et 49 retards, en pleines vacances. Les causes exactes de l’incident sont-elles établies ?
Oui, on avait dû fermer la piste quelques heures. Heureusement, nous avions réussi à réparer cela assez rapidement. Tous les travaux de suivi avaient été effectués de nuit, permettant de limiter les perturbations au minimum. À ce stade, on sait qu’il s’agit d’un détachement des deux couches supérieures de l’asphalte. Ça a été confirmé par des tests en laboratoire sur lesquels des entreprises spécialisées ont travaillé. Depuis, nous avons mené une série d’évaluations et effectué des forages préventifs sur l’ensemble de la piste.
Face au nombre record de passagers, le personnel est-il en nombre suffisant ?
Pour l’instant oui, nous avons 377 collaborateurs, mais nous continuons à recruter massivement pour préparer l’avenir. On aura bientôt 400 employés à lux-Airport et nous prévoyons de recruter encore en 2025, avec l’ouverture de nouveaux postes. Le nombre exact va dépendre de l’approbation du budget par notre conseil. En réalité, pour gérer ce flux important de passagers, ce ne sont pas tant les effectifs qu’il faut augmenter que les infrastructures qu’il faut adapter.
Justement, l’un des points les plus critiqués est le temps d’attente à l’aéroport. Quelles mesures mettez-vous en place ?
On a installé l’année dernière une sixième ligne de sûreté et nous effectuons régulièrement des mesures très précises des temps d’attente. Les statistiques montrent qu’ils ne sont pas mauvais par rapport aux aéroports européens : 95 % des passagers passent la sécurité en moins de quinze minutes, y compris en été, et 75 % en moins de cinq minutes. Bien sûr, aux heures de pointe, il y a un peu plus de stress, tôt le matin notamment, avec une énorme vague de départs de vols Luxair. Mais en général, tout se passe bien.
Y a-t-il des investissements en termes d’équipements spécifiques pour fluidifier le passage ?
C’est un sujet un peu complexe, mais évidemment nous souhaitons nous orienter vers du matériel de sûreté dernière génération. Il existe des scanners qui permettent d’effectuer des contrôles en 3D tout en laissant ses effets personnels dans son sac. Cependant, alors que de nombreux aéroports avaient investi dans ces équipements très coûteux, la certification de ces systèmes pose aujourd’hui problème. De notre côté, on ne veut pas se précipiter. La conception pour de nouvelles lignes de sécurité est déjà en cours, et nous espérons pouvoir y intégrer prochainement des équipements de pointe, mais nous devons d’abord nous assurer qu’ils sont correctement certifiés. Concrètement, il y aura des adaptations dans le terminal à partir de l’année prochaine, et puis, dans deux ou trois ans, nous investirons dans du nouveau matériel.
L’aéroport arrive-t-il désormais à ses limites ?
Non, il y a encore un fort potentiel de développement, même avec une seule piste. Je prends toujours l’exemple des aéroports de Londres Gatwick ou Londres City, qui ont une piste aussi et accueillent beaucoup plus de passagers que Luxembourg. Donc, ce n’est pas un facteur limitant. Par contre, aux heures de pointe, l’aérogare est de plus en plus encombrée : là, il nous faut plus d’espace pour les contrôles de sûreté, mais aussi pour la zone d’attente aux portes d’embarquement.
Nous devons donc en priorité adapter et optimiser le terminal existant et, dans un deuxième temps, l’agrandir. Ce qui est prévu. Je ne peux pas dévoiler de plans concrets pour le moment, mais ça a déjà commencé par les sanitaires, et nous poursuivrons ces prochaines années avec une extension. On veut créer une plateforme de sûreté supplémentaire pour augmenter le nombre de lignes, car si les six lignes sont suffisantes pour le moment, cela ne durera pas et nous devons être prêts.
La fréquentation record a de lourdes répercussions sur le trafic aux abords du Findel…
Il y a eu beaucoup de travaux, dont certains liés à l’arrivée du tram, et le trafic routier a dû être dévié, ce qui a provoqué beaucoup de bouchons, avec un impact sur l’entrée et la sortie du parking, le Kiss & Fly en particulier. Mais les différents chantiers sont maintenant presque terminés et la situation s’est déjà considérablement améliorée. Nous aurons bientôt un nouveau rond-point, et il y aura aussi le nouveau boulevard Höhenhof qui reliera l’aéroport au centre de fret. Les usagers disposeront alors de deux accès autoroutiers et plus seulement un, ce qui permettra de réduire les engorgements.
Nous allons recréer la terrasse de l’aéroport où les familles venaient voir les avions décoller
Que va changer l’arrivée du tram au printemps ?
Dès que la construction du tram sera terminée, nous récupérerons de nombreux parkings utilisés pour la logistique de ces travaux. Le tram va rapprocher l’aéroport du centre-ville et du Kirchberg, avec un effet bénéfique sur le trafic individuel aux abords de l’aéroport. En effet, une enquête auprès des passagers révèle que beaucoup d’entre eux sont des voyageurs d’affaires qui se rendent précisément dans ces quartiers de la capitale.
Autre problème : celui du stationnement. Combien de places sont disponibles et quels sont les projets pour améliorer la situation ?
Nous avons 9 250 places actuellement, ce qui est un progrès par rapport à l’année dernière. En 2024, nous avons créé environ 800 nouveaux emplacements, tout en optimisant les parkings existants, et notre nouveau parking L a ouvert cet été. Le système de préréservation a été bien accueilli par les passagers et nous prévoyons d’augmenter la part de places qui pourront être réservées. Bien entendu, le nombre de parkings devra augmenter en fonction de la croissance du nombre de voyageurs.
Ouvert en septembre, le Moxy Hotel est le premier occupant du Skypark Business Center, ce nouveau complexe qui a poussé à l’aéroport. Que va-t-on y trouver ?
Oui, l’hôtel a démarré son exploitation à la rentrée, et il affiche complet! Les premiers locataires des 65 000 m2 d’espaces bureaux doivent, quant à eux, emménager ces prochaines semaines. La première partie du bâtiment est terminée, mais la dernière est encore en construction. Les derniers s’installeront en 2026. En parallèle, on aura 10 000 m2 de surfaces commerciales pour soutenir le terminal. Je veux dire par là que beaucoup d’enseignes qui s’y trouvent vont déménager au Skypark, ce qui libérera de la place. On évoque aussi la possibilité d’y installer le business lounge. On trouvera dans ce complexe une pharmacie, une boutique de voyages, un centre fitness, une crèche, des restaurants et cafés. À terme, plus de 3 000 personnes travailleront sur ce site.
J’en profite pour préciser que l’accès au Skypark se fera par une route séparée. Donc, les passagers et les locataires de l’immeuble ne se croiseront pas. En outre, le bâtiment sera directement relié au terminal. Et puis, nous avons voulu recréer la terrasse emblématique de l’aéroport d’antan, où les familles venaient voir les avions décoller. Celle-ci sera installée sur le toit du Skypark, quasiment au même endroit que l’ancienne, mais 35 mètres plus haut, accessible à tous.
Le Skypark est une première étape vers Airport City. Pouvez-vous nous parler de ce projet ?
Airport City est un grand mot, mais c’est comme ça qu’on nomme les quartiers d’affaires qui poussent autour des aéroports. C’est ce que nous voulons établir au Findel : on projette de relier les immeubles de bureaux existants du côté de Niederanven avec ceux du côté de l’Irrgärtchen. Nous optimiserons pour cela la grande surface qui se trouve devant le terminal pour y mettre de nouveaux bâtiments et des parkings.
L’ambition est-elle de créer un second Kirchberg ?
Non, pas du tout (il sourit), mais Airport City sera un quartier à forte valeur ajoutée. La Deutsche Bank a annoncé son intention d’emménager en 2026, tout comme le restaurant étoilé La Distillerie. Un signe qu’ils apprécient le quartier de l’aéroport, qui est agréable, et n’a pas toujours été considéré comme tel par le passé.
Au volet développement durable, que fait lux-Airport ?
Comme nous sommes le seul aéroport du pays, nous avons un rôle en tant que carte de visite du Luxembourg. Lux-Airport est déjà neutre en carbone (avec compensation) depuis 2022, et d’ici 2030, nous nous sommes engagés au net zéro, c’est-à-dire sans aucune compensation. Nous avons encore quelques voitures à essence et des chauffages au fioul dans d’anciens hangars qui seront remplacés au fil du temps. Les domaines dans lesquels nous pouvons vraiment avoir un impact sont l’infrastructure, le personnel et l’équipement. Les émissions des avions relèvent, elles, des compagnies aériennes.
Cette année, on a déployé des dispositifs permettant de réduire la consommation d’énergie, en particulier pour le chauffage et le refroidissement du terminal A, avec une réduction de 49 % de notre consommation. Nous avons aussi remplacé l’éclairage de la piste par des LED. Nous achetons uniquement de l’énergie renouvelable et, bien sûr, nous portons une attention particulière à l’isolation. On teste en ce moment la possibilité de mettre sur le toit une combinaison de panneaux photovoltaïques et d’énergie éolienne avec des turbines ultrapetites.
Comme les déplacements des avions sont en baisse, cela fait-il de la place pour de nouvelles compagnies ?
Oui, vous avez raison, nous avons 15 % de passagers en plus par rapport à 2019, mais on enregistre moins de mouvements, tout simplement parce que les avions sont plus gros et peuvent transporter plus de passagers sur un vol. Donc oui, nous sommes ouverts, si une compagnie aérienne décide de rejoindre les 16 autres qui opèrent au Luxembourg. Il y a des créneaux disponibles. Nous sommes en contact avec différentes compagnies, mais rien de concret que je pourrais mentionner ici.
Quels sont les besoins de l’aéroport pour le futur ?
Les infrastructures vieillissent et nous devons constamment les rénover : c’est ce qui a été fait en 2022 avec la piste et plus récemment avec la caserne de pompiers. Nous avons aussi inauguré le nouveau hangar de maintenance de Luxair, et le prochain chantier se fera du côté du dépôt de carburant : sa capacité a atteint ses limites et des travaux commenceront l’année prochaine. On peut signaler qu’en parallèle, des travaux sont menés dans et autour du centre de fret, avec un nouveau poste de contrôle de sûreté notamment.
Enfin, la construction d’une nouvelle tour de contrôle est à l’étude, au même endroit, mais de l’autre côté de la piste, avec des normes très modernes. C’est déjà budgétisé pour démarrer ce chantier dès que possible, mais cela ne se fera pas en 2025, plutôt en 2026.
Repères
État civil. Alexander Flassak est marié et père d’un adolescent de 13 ans. Il vit actuellement à Trèves.
Parcours. Titulaire de quatre diplômes universitaires dans les domaines de l’économie et de l’immobilier, il travaille pendant neuf ans pour Ernst & Young à Francfort et Luxembourg, puis reprend un poste de professeur suppléant en finance à Mayence en 2012.
Lux-Airport. C’est en 2014 qu’il rejoint l’entreprise, d’abord en tant que directeur financier et responsable du développement immobilier, avant d’être nommé directeur général en 2022, au moment du départ de René Steinhaus.
Récompense. Auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la responsabilité et à la gestion des risques, il décroche le titre de «directeur financier de l’année» en 2016 décerné par une assemblée de professionnels, lors du Luxembourg Finance Summit.
Loisirs. Le travail du bois et la restauration de meubles anciens sont l’un de ses principaux passe-temps. Alexander Flassak aime aussi écouter de la musique et en joue lui-même depuis tout petit : son instrument de prédilection est la guitare basse.