Fils d’un Américain et d’une Française qui se sont rencontrés en Australie, c’est à Dudelange que le Californien Evan Rotundo tente de lancer une carrière qu’il n’envisage nulle part ailleurs que sur le Vieux Continent.
Les commémorations autour des 80 ans du débarquement de Normandie (le 6 juin 1944) y ont assez naturellement relégué la nouvelle très loin dans la hiérarchie de l’info, mais la France a aussi fêté en 2024 le 20e anniversaire de la mise en place du Programme Vacances-Travail entre elle et l’Australie. Grâce à ce sésame, ce sont pas moins de 330 000 jeunes Français (âgés de 18 à 35 ans) qui ont parfait leur anglais et cumulé les petits jobs aux antipodes depuis 2004, mais certains n’avaient pas attendu cette date pour partir à la découverte d’une île qui accueillait des «backpackers» depuis 1975 déjà.
Le milieu offensif dudelangeois Evan Rotundo le sait mieux que quiconque : né le 9 juillet 2004, il est le fruit d’une idylle débutée quelques années plus tôt en Australie entre un soldat américain en mission et une étudiante française venue au pays d’Oz, sac sur le dos. L’histoire ne dit pas quels ont été leurs points d’accroche, mais une chose est certaine : le football n’en faisait pas partie.
C’est en effet au contact de Madame et de sa famille normande que le paternel, plutôt branché baseball et sports de combat à la base, s’est pris de passion pour ce sport qu’on appelle plus volontiers «soccer» par chez lui. Et d’affection, toute personnelle, pour Manchester United.
Une passion forcément exacerbée par leur installation à La Mesa, à une vingtaine de minutes d’un Mexique dont la passion pour le football ruisselle sur la Californie. Et qu’il a ensuite lui-même transmis à son second fils Evan, tombé lui dans la marmite dès son plus jeune âge, à l’Albion SC San Diego, où il a frappé ses premiers ballons.
Mais c’est dans un autre club de San Diego, le Surf, avec qui il affrontait régulièrement les équipes de jeunes de clubs de MLS, que ses envies de professionnalisme ont véritablement pris forme, convocations chez les U15 (9 sélections en 2019) et les U17 (3 capes en 2020) des États-Unis à l’appui. Une version bien à lui du professionnalisme : sur le Vieux Continent, où il a multiplié les essais et tournois dès sa plus tendre son enfance, au gré des voyages familiaux, de Caen à Leverkusen en passant par… Arsenal ou Manchester City.
La vie étudiante dans les grandes facs américaines, ça ne m’a jamais intéressé
Une vision à l’exact inverse de ce dont rêvent nombre de jeunes sportifs américains ou européens. «J’adore les États-Unis, et la ligue progresse d’année en année, reconnaît-il, mais mon rêve, c’était d’aller tenter ma chance en Europe. Et puis, la vie d’étudiant dans les grandes universités américaines, ça ne m’a jamais intéressé.» La vie de footballeur, c’est à Schalke 04, qui l’a repéré lors d’un tournoi au Texas disputé en guest avec les jeunes du Los Angeles FC (le club actuel de Maxime Chanot), qu’il commence à l’expérimenter en 2020, à tout juste 16 ans.
Manque de pot, il atterrit à Gelsenkirchen en plein covid, et connaît une première année «vraiment difficile», entre lock down, rencontres annulées et l’internat pour seul cadre de vie. Ce qui n’empêche pas le milieu offensif de parfaire sa technique et sa culture tactique, et de s’améliorer dans le repli défensif et la sacrosainte transition.
Exister en Europe est à ce prix, mais après un premier exercice plutôt encourageant avec les U17 de Schalke qui se résume à une litanie de matches amicaux, il ne confirme pas lors de sa deuxième saison chez les U19 (12 apparitions seulement) et acte le besoin d’un «changement d’environnement».
Ce sera Genk, un club qui lui faisait déjà les yeux doux en 2020 et avec qui il dispute notamment la Youth League en 2022/2023 (la Ligue des champions U19), mais où l’histoire se répète. «La première année, j’ai eu du temps de jeu et au début de la deuxième année, j’étais dans les plans du coach en début de saison, mais certaines personnes haut placées dans le club ont pris la décision que je ne jouerais plus.»
Evan Rotundo est alors loin de s’imaginer qu’il connaîtra une saison 2023/2024 totalement blanche. En janvier dernier, il trouve une porte de sortie à Dudelange, mais Genk tarde à régler les formalités administratives et le Franco-Américain se retrouve bon pour rentrer en Belgique au terme de son essai, pourtant concluant, et poireauter six mois.
Pas de quoi décourager Claudio Lombardelli, l’entraîneur adjoint dudelangeois (promu «T1» durant toute la phase retour, entre le départ de Jamath Shoffner et la nomination de Marco Martino), qui maintient le contact avec le garçon et œuvre à son arrivée, durant l’été, au Luxembourg, dans un pays presque six fois moins peuplé que son comté d’origine (3 millions d’habitants) et dont il dit poliment qu’il ne savait «pas grand-chose» avant son arrivée en Europe.
Le voilà installé à Thionville, une ville certes «jolie», mais où les journées sont «parfois longues», à guetter ce rude hiver lorrain qui promet d’«être amusant». Que la West Coast, son thermomètre ne descendant presque jamais en dessous de 25 degrés, sa «nourriture incroyable» et son Mexique voisin sont loin… «Tout le monde me dit toujours : « De là où tu viens, tu as le soleil, la plage… comment tu fais pour vivre ici?« , s’amuse-t-il. Je leur réponds toujours : « C’est le foot!« » Un foot qu’il rêve, à terme, de pratiquer en France ou en Espagne, mais pas nécessairement, quand bien même il a parfois le mal du pays, aux États-Unis, qu’il voit plus comme «un truc de fin de carrière».
À 20 ans, la sienne ne fait que commencer, et elle a connu un premier coup d’éclat le 27 octobre dernier, lorsque son retourné acrobatique superbe a offert la victoire au F91 lors du choc de la 11e journée de BGL Ligue contre le Progrès (1-0). Le point de départ de son rêve européen?