Les partis situés aux extrêmes de l’échiquier politique, déi Lénk, à gauche, et l’ADR, à droite, n’ont pas la même vision des conditions à remplir pour acquérir la nationalité. Le débat sur l’avant-projet de loi du ministre de la Justice, Félix Braz, n’en est qu’à ses débuts.
Après avoir été reçus tour à tour au ministère de la Justice ces derniers jours pour exposer leur vision respective du texte au ministre, les députés déi Lénk et de l’ADR, ont officiellement pris position sur le projet de loi, jeudi, de façon antagoniste. En effet, si le parti déi Lénk se satisfait du texte actuellement sur la table et se dit « prêt à le signer de suite dans sa forme présente », l’ADR n’est sensiblement pas du même avis. Le parti réformateur profondément ancré à droite appelle à ce que le projet soit largement refondu sur divers points.
Cela dit, la divergence de vues entre les deux formations situées aux extrémités de l’échiquier politique luxembourgeois est plus particulièrement flagrante sur un point : celui de la connaissance de la langue luxembourgeoise en guise de prérequis à l’acquisition de la nationalité.
Pour déi Lénk, la chose est entendue et ne pourrait être sujette à aucune équivoque. « La nationalité n’a rien à voir avec la langue », ont déclaré en chœur le député Serge Urbany et le porte-parole de déi Lénk, Marc Baum. Le député Urbany va même plus loin dans ses propos en tapant du poing sur la table : « Cela me fâche de voir et d’entendre que la langue luxembourgeoise est instrumentalisée et que l’on en abuse pour des motifs d’acquisition de nationalité! »
«Le KKK de Keup, Kartheiser et konsorts»
L’ancien conseiller communal d’Esch-sur-Alzette Marc Baum s’attache alors à argumenter la position de déi Lénk. « Une langue doit avoir un rôle fédérateur et non être un critère d’exclusion. Le Luxembourg est multilingue », a-t-il défendu, avant de déplorer « la conception dépassée et anachronique » de l’initiative de Fred Keup (NDLR : plateforme Nee2015.lu qui avait milité contre le vote des étrangers au référendum de juin) qui inciterait, selon lui, à un « combat pour un idéal de société démagogique ».
Lancé sur ce terrain, Serge Urbany renchérit et va même jusqu’à sortir du chapeau une nouvelle signification au sigle «KKK (qui désigne originellement le Ku Klux Klan) en l’associant à « Keup, Kartheiser (député de l’ADR) et konsorts (pour « consorts »)». Les principaux intéressés apprécieront certainement.
Cela étant, l’ADR plaide, quant à lui, pour une acquisition de la nationalité inexorablement conditionnée à la maîtrise de la langue de Michel Rodange. « Un Luxembourgeois ne peut être luxembourgeois que si et seulement si il maîtrise la langue luxembourgeoise! », se sont positionnés, pour leur part, le député Roy Reding et le secrétaire général du parti réformateur, Alex Penning. Car le nœud de la problématique, selon l’ADR, est à considérer en fonction du droit de vote aux élections législatives nationales. « La cohésion sociale? Elle est déjà là, effective! Pour nous, la question de la nationalité est primordiale car elle touche au droit de vote aux législatives », a ainsi défendu Alex Penning.
Bref, ni déi Lénk ni l’ADR ne sont d’accord avec la proposition du CSV. Alors si gauche et droite ne sont pas sur la même longueur d’onde, la droite et le centre droit ont également des visions divergentes sur la question. Le consensus n’est donc pas tout à fait pour demain.
Claude Damiani