Kevin Geniets prend le temps de revenir sur sa saison 2024. Son succès dans le GP La Marseillaise reste un moment fort. Si l’actuel champion national ne connaît pas encore son programme qui lui sera délivré pendant le stage de décembre, il fait part de son envie de revenir aux classiques flandriennes et de découvrir, pourquoi pas, le Tour d’Italie.
«J’ai repris depuis deux, trois semaines à Annecy. Cela se passe bien.» Il ne faut pas bien longtemps pour comprendre que pour Kevin Geniets, comme d’ailleurs tous les cyclismes professionnels, les vacances sont déjà loin.
«Après Paris-Tours, j’ai coupé cinq semaines. Je suis parti à Tenerife, on voulait découvrir un aspect différent de l’île et on a fait de la randonnée. Un jour, on a monté le Teide, c’était pas mal.» C’est le moment idéal pour revenir sur sa saison.
En 2024, vous avez démarré très fort sur le GP La Marseillaise que vous remportez et vous avez terminé sur Paris-Tours à propos de laquelle votre 22e place ne résume pas du tout votre course très offensive…
Kevin Geniets : Oui, j’ai commencé fort comme c’était le plan. Avant de briser ma main (sur Paris-Nice, avec une fracture du pisiforme) alors que j’étais au top de ma forme. J’ai perdu un peu de temps là-dessus. Puis je me suis retrouvé au top pour le Tour. Mais il y a eu très, très peu d’ouverture.
Cette année, c’était particulièrement compliqué puisque peu d’échappées sont allées au bout. Le Tour s’est avéré très compliqué. Mais je n’ai pas de regret, ma forme était au top. Après, j’ai enchaîné avec la Vuelta où j’ai vraiment eu du mal avec la chaleur. C’était juste extrême et je n’ai pas pu récupérer de ça.
Je ne me suis pas démoralisé et j’ai continué à bosser pour bien finir la saison. Et sur Paris-Tours, j’étais à nouveau au top. Sur cette course, je pense que j’aurais dû courir plus pour moi. Il faudra que je le fasse sans doute un peu plus l’année prochaine. Je me sentais fort. J’ai manqué d’ouverture et de confiance.
Ce sera un enseignement pour 2025 ?
Oui, sans doute un peu.
Vous savez comment sera construite votre saison ?
Non, on saura en décembre lors de notre stage à Calpe (du 10 au 21). J’aimerais recommencer assez tôt la saison, comme cette année puisque cela a bien marché. J’aimerais avoir des périodes comme cette saison où d’avance, je peux tenter d’avoir de bons résultats.
Comme cette année après La Marseillaise, je marchais bien sur l’Étoile de Bessèges (10e), le Tour des Alpes-Maritimes (12e) et l’Ardèche Classic (11e). Avant de retourner sur un rôle d’équipier sur les grandes courses.
Au niveau des classiques, allez-vous retourner sur les flandriennes ?
C’est encore difficile à dire. Il a plusieurs options qui vont s’ouvrir. Peut-être que je fais le Giro. Peut-être que je vais retourner sur le Tour. Je n’ai encore jamais disputé le Tour d’Italie et j’aimerais le faire un jour. David (Gaudu), cela fait plusieurs années qu’il a envie d’y aller. Cela sera cette année, ou non, on verra bien. Il reste des incertitudes, on le saura prochainement.
Si vous aviez le choix entre les Ardennaises et les Flandriennes (NDLR : l’an passé, étant blessé à la main, il a zappé les classiques, mais il avait enchaîné classiques flandriennes et classiques ardennaises en 2023), vous choisiriez lesquelles ?
Les Flandriennes, c’est là où j’ai les meilleurs souvenirs. Je connais bien les parcours. Pendant que j’étais blessé, j’ai tout regardé à la télé. Initialement, j’avais prévu de les faire. J’ai envie d’y retourner.
Certes, ce n’est que La Marseillaise, ce n’est pas une course World Tour, mais cela reste un moment très fort
Vous allez composer avec un programme vous permettant d’avoir des responsabilités, puis vous retournerez à une mission d’équipier…
Oui, comme la saison passée. Mais j’aimerais courir encore un peu plus pour moi si l’occasion se présente.
Vous avez repensé à votre succès dans La Marseillaise ?
Oui, c’est clair, cela reste le moment fort de ma saison, et même de ma carrière. Certes, ce n’est que La Marseillaise, ce n’est pas une course World Tour, mais cela reste un moment très fort. Les émotions que j’ai ressenties là, c’est très difficile de les retrouver dans la vie.
Concernant les résultats de votre équipe, Groupama-FDJ, comment avez-vous jugé la saison ?
Ce qui m’a fait vraiment plaisir, c’est de voir David (Gaudu) revenir sur un niveau relevé sur la Vuelta et en fin de saison, après un Tour de France un peu plus compliqué. On était tous sur un mode offensif sur le Tour et en soi, on était tous très présents dans les échappées, mais comme il n’y a pas eu beaucoup d’ouvertures, cela n’a pas été payant. C’est dommage.
Vous parliez de la lutte pour aller dans les échappées sur le Tour de France. On a l’impression qu’au fil des ans, il y a de moins en moins de possibilités pour aller chercher une étape…
C’est ça. Avant, dans les échappées, on retrouvait des coureurs pas si forts que ça. Le dernier jour (20e étape entre Nice et la Couillole) où je suis allé dans l’échappée sur le Tour, je ne savais pas trop qui était devant. Quand je suis revenu, j’ai vu qu’il y avait (Romain) Bardet, (Richard) Carapaz, (Marc) Soler.
Tu te dis, c’est bien que je sois là, mais tu te dis aussi que ça va être compliqué. En même temps, derrière, tu as les mecs qui mettent en route pour aller gagner l’étape (Tadej Pogacar l’a emporté au sommet devant Jonas Vingegaard et Richard Carapaz…). On met beaucoup de volonté. Mais à un moment donné, il faut se contenter de ça.
Quand tu as des mecs comme (Matteo) Jorgenson qui disent dans des interviews qu’il n’y a pas grand-chose à faire contre lui (Pogacar), c’est qu’il n’y a pas grand-chose à faire…
C’est frustrant ?
Oui, ça l’est. Tu mets énormément d’énergie dans toute la préparation. C’est pareil pour beaucoup de coureurs. C’est aussi pour ça que de changer de temps en temps de grand Tour, c’est pas mal, même si le Tour reste la course phare avec tout ce public qui est incroyable. Mais si tu veux te construire un palmarès, parfois, c’est mieux d’aller sur un autre grand Tour.
C’est lié également à la domination de Pogacar, non ?
Oui, c’est clair, il est tellement fort. Même en visant une échappée ou une échappée, dans une étape dure, c’est mort. Et on voit des coureurs qui pourraient jouer le top 10 du classement général, aller en échappée. Et le niveau de l’échappée est si élevé, qu’il n’y a pas beaucoup d’ouverture.
C’est spécial, je regardais les courses italiennes en fin d’année où Pogacar était aussi impressionnant. Mais au Tour de Lombardie, l’échappée était forte. Mais avec Pogacar, c’est devenu impossible de viser la gagne.
Lorsqu’il remporte les Mondiaux en attaquant à 100 kilomètres de l’arrivée, derrière, il n’y a pas plus de course, cela a explosé. Lorsque tu vois la course à la télé, on ne remarque que 15 mecs dans la course. Tous les autres étaient inexistants. C’est un peu dur à accepter, mais la tendance est comme ça.
Quelles sont les solutions ?
Cela serait que Pogacar soit moins fort (il rit). Il reste hyper-fort, c’est très impressionnant.
Lorsqu’il est en course, les stratégies des autres équipes sont uniquement calquées sur lui ?
Oui, et en fin de saison, on a vu qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. Quand tu as des mecs comme (Matteo) Jorgenson qui disent dans des interviews qu’il n’y a pas grand-chose à faire contre lui, c’est qu’il n’y a pas grand-chose à faire…
Il n’a pas encore remporté Milan-San Remo et Paris-Roubaix. À votre avis, va-t-il y arriver ?
C’est aléatoire, surtout en ce qui concerne Paris-Roubaix. Après, c’est bien possible qu’il gagne lorsqu’il y viendra. Mais ses chances sont moins élevées. Pour San Remo, cela sera très intéressant, car le placement dans la dernière descente y fait beaucoup.
Lorsque je compare mes watts à mes débuts, ce qu’il fallait mettre pour être au niveau et aujourd’hui, il y a une grande différence
Revenons à votre équipe. Quel regard portez-vous sur l’effectif 2025 ?
On a fait un très bon recrutement, je pense, avec Guillaume Martin. Sinon, si nos leaders habituels sont tous de retour à leur niveau, alors on va pouvoir jouer la gagne et je pense que cela sera le cas.
Vous êtes devenu un cadre de Groupama-FDJ. Comment jugez-vous votre évolution ?
Je pense que je progresse physiquement d’année en année. On voit que le niveau global ne cesse de s’élever. C’est assez impressionnant. Cela ne fait pas dix ans que je suis là. Mais lorsque je compare mes watts à mes débuts, ce qu’il fallait mettre pour être au niveau et aujourd’hui, il y a une grande différence.
Pour quelles raisons ?
Toutes les équipes sont très professionnelles et envoient leurs coureurs en stage d’altitude et suivent un plan nutrition parfait. Avant cela ne concernait que les leaders. Aujourd’hui, tous les coureurs sont concernés. Tout est optimisé et les jeunes sont matrixés par le vélo. Ils ne font que ça, ils testent leur alimentation. Lorsqu’ils viennent, ils sont déjà compétitifs.
Cela vous conduit à toujours faire plus, notamment l’hiver ?
Oui, c’est vrai. Les hivers ne sont plus pareils qu’à mes débuts. On commence à optimiser plus tôt qu’avant. Par exemple, j’ai repris l’entraînement et j’ai déjà des programmes et des exercices structurés alors que nous sommes en novembre. Je suis presque content lorsqu’il neige un peu, cela me fait une excuse pour ne pas aller sur la route, alors je peux aller une séance de ski de fond (il rit). Cela me fait du bien à la tête.