Des dizaines de milliers de Libanais chassés par la guerre entre le Hezbollah et Israël sont sur le chemin du retour depuis mercredi, pour retrouver leurs villes et villages dévastés après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, malgré des avertissements de l’armée israélienne.
La trêve offre met en principe fin au conflit enclenché il y a plus de 13 mois entre l’armée israélienne et le mouvement islamiste libanais, qui a tourné en septembre à la guerre ouverte et fait des milliers de morts. Environ 900.000 personnes ont été déplacées au Liban et 60.000 dans le nord d’Israël.
Depuis mercredi avant l’aube, les habitants déplacés du sud du Liban, de la banlieue sud de Beyrouth et de la Békaa, dans l’est du pays, des bastions du Hezbollah, ont pris par milliers la route du retour, à bord de voitures et de minibus surchargés, matelas et valises entassés sur les toits.
Le porte-parole de l’armée israélienne Avichay Adraee a réitéré jeudi matin un avertissement aux habitants du Liban à ne pas pénétrer dans la zone jouxtant la frontière israélienne, et délimitée par une ligne allant des localités de Mansouri à l’ouest à Chebaa à l’est.
« Vous n’avez pas le droit de retourner dans vos foyers au sud de cette ligne, jusqu’à nouvel ordre », a-t-il déclaré. « Quiconque se déplace au sud de cette ligne s’expose à un danger », a-t-il ajouté.
« On se sent renaître »
Dans les ruines de la banlieue sud, des partisans du Hezbollah ont brandi jeudi les drapeaux jaunes du mouvement et des portraits de leur chef, Hassan Nasrallah, tué fin septembre par Israël.
« Cette banlieue héroïque » a « vaincu, nous sommes fiers », a affirmé à l’AFP Nizam Hamadé, un ingénieur.
Le mouvement chiite, décapité par les frappes israéliennes, a néanmoins proclamé sa « victoire », ajoutant que ses combattants « resteront totalement prêts pour faire face (…) aux attaques de l’ennemi israélien ».
De retour à Nabatiyé, dans le sud du Liban, Ali Mazraani s’est dit « choqué par la destruction massive » de cette ville, qui semble « désormais étrangère ».
« Malgré l’ampleur des destructions et notre peine, on est heureux d’être rentrés », a confié Oum Mohamed Bzeih, une veuve de 44 ans qui a retrouvé sa maison dévastée du village de Zebqine. « On se sent renaître. »
Le Hezbollah, allié de l’Iran, avait ouvert un front « de soutien » au Hamas contre Israël au début de la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée le 7 octobre 2023 par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien.
Après des mois d’échanges de tirs de part et d’autre de la frontière israélo-libanaise, Israël a lancé le 23 septembre une campagne de bombardements massifs sur les fiefs du mouvement, suivie d’opérations terrestres dans le sud du Liban, affirmant vouloir sécuriser sa frontière nord et permettre le retour des déplacés.
« Les enfants » du sud
Aux termes de l’accord parrainé par les Etats-Unis et la France, l’armée israélienne dispose de 60 jours pour se retirer progressivement du Liban. Le Hezbollah doit aussi se replier jusqu’au nord du fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres de la frontière, et démanteler son infrastructure militaire dans le sud du Liban.
L’armée libanaise a annoncé mercredi commencer, « en coordination » avec la force de paix de l’ONU, la Finul, le renforcement de sa présence dans le sud.
Selon les autorités libanaises, au moins 3.823 personnes ont été tuées dans le pays depuis octobre 2023, la plupart depuis fin septembre. Du côté israélien, 82 militaires et 47 civils sont morts en 13 mois, selon les autorités.
D’après le président américain Joe Biden, l’accord doit empêcher « ce qui reste du Hezbollah » et d’autres groupes de « menacer à nouveau la sécurité d’Israël ».
Washington et Paris se sont appuyés sur la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU qui a mis fin à la précédente guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, et stipule que seules l’armée libanaise et la Finul peuvent être déployées dans les régions frontalières du sud du Liban.
Israël se réserve « une totale liberté d’action militaire » au Liban, « si le Hezbollah viole l’accord et tente de se réarmer », a prévenu son Premier ministre, Benjamin Netanyahu.
Le mouvement chiite va coopérer avec l’Etat libanais pour renforcer le déploiement de l’armée dans le sud, a assuré mercredi à l’AFP un de ses députés, Hassan Fadlallah. Mais ses membres « sont les enfants des villages » du sud, d’où « personne » ne peut les chasser, a-t-il ajouté.
« Pas complètement rassurés »
Après plus d’un an à se précipiter aux abris dès que les sirènes retentissent, les habitants du nord d’Israël savouraient mercredi le calme retrouvé, mais restaient sur leurs gardes.
A Nahariya, une ville côtière à portée de roquette du territoire libanais, Baha Arafat, un homme de 44 ans, se disait soulagé. « Je me sens beaucoup mieux maintenant que je sais qu’il y a un cessez-le-feu », confiait-il. « Il n’y a pas d’abri dans le coin et ces derniers jours ont été tendus ».
« Il y a un sentiment de plus grande sécurité, nos enfants peuvent retourner à l’école », s’est réjoui Youri, 43 ans, déplacé de son kibboutz Yiron, près de la frontière, à Haïfa. Mais « nous ne nous sentons pas complètement rassurés », car « le Hezbollah a encore des forces », a-t-il ajouté.
Selon M. Netanyahu, la trêve permettra à Israël de « se concentrer sur la menace iranienne » et d' »intensifier » sa pression sur le Hamas.
Israël compte « faire tous les efforts nécessaires pour créer les conditions d’un nouvel échange d’otages », a assuré le ministre israélien de la Défense, Israël Katz.
A deux mois de la fin de son mandat, Joe Biden va renouveler ses efforts pour parvenir à un cessez-le-feu à Gaza, en associant « la Turquie, le Qatar, l’Egypte et d’autres acteurs de la région », selon son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, Un responsable du Hamas a affirmé mercredi à l’AFP que son mouvement était « prêt à un accord de cessez-le-feu » à Gaza.