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«La Jeunesse, elle, a encore les moyens de garder des joueurs qui ne jouent pas pour rien»


Pour Pascal Welter, un derby se joue aussi dans le portefeuille. (photo Editpress)

BGL LIGUE Pour Pascal Welter, le directeur sportif historique du Fola, lors du derby eschois, dimanche, l’argent sera au cœur de toutes les problématiques.

Un Jeunesse – Fola, c’est encore un choc ?

Pascal Welter : C’est le derby de la deuxième plus grande ville du pays et je sais que même les dirigeants de la Jeunesse disent qu’ils préféreraient encore descendre avec nous, si cela arrivait, pour pouvoir encore le jouer. Disons qu’aujourd’hui ce derby a une autre saveur qu’il y a quelques années, quand eux étaient en perte de vitesse et que, nous, on jouait le titre. Aujourd’hui… on a du mal tous les deux.

Arnaud Bordi, le coach de la Jeunesse, revient lui aussi souvent sur les problèmes de budget pour boucler un effectif performant.

Ah, mais le ratio est assez simple : eux, ils ont encore les moyens de conserver des garçons comme Drif, Lapierre, Larrière, Teixeira… qui ne jouent pas pour rien. Pas nous. Après, il suffit de regarder les bilans. Quand j’ai demandé à Julien Klein s’il ne pouvait pas essayer de faire venir des joueurs de Thionville, où il a beaucoup de contacts, sa réponse a été simple : il m’a dit « mais Pascal, eux ils paient, nous non ».

Quand est-ce que cela va s’arranger ?

C’est une question complexe. Nous avons encore des dettes envers des fournisseurs et il nous faudra patienter jusqu’à fin 2025 au mieux, après un patient travail, pour qu’on puisse se dire que le bilan est à l’équilibre et qu’on repart sur une base saine. Mais pour arriver à cela, cela nous aiderait de rester en DN plutôt que de descendre en PH. Pour les primes, les indemnités de solidarité… Là, en fait, on a le budget d’une Promotion qui jouerait le milieu de tableau. On a la chance d’avoir un nom qui donne envie à des joueurs de venir chez nous pour se lancer ou se relancer.

À l’extérieur, on me demande pourquoi, au lieu de prendre six joueurs qui coûtent 300 euros, je n’en prends pas deux bons à 900 euros

Est-ce plus dur de constituer un groupe qui a vocation à se maintenir sans argent ou un groupe qui doit jouer le titre avec de l’argent ?

Ce n’est pas le même travail de réflexion et de stratégie. Il faut être plus créatif quand on n’a pas d’argent. La première chose qu’un agent demande, dès le premier contact, c’est « vous donnez combien? ». Ça, qu’on ait un gros budget ou pas de budget du tout, ça ne change pas. Et une fois qu’on a dit qu’on ne payait pas, il regarde dans son catalogue ce qu’il a. Moi, dans cette configuration, j’ai l’impression d’avoir moins droit à l’erreur, alors que pourtant je pars du principe que l’on n’a rien à perdre. Parce que si vous faites venir un joueur qui vient pour se montrer, pour se lancer, c’est lui qui a quelque chose à vous donner. Alors que quand tu as des moyens et que tu fais signer un joueur qui va prendre un gros salaire, s’il se plante, tout le pays va en parler. Il y a un reproche qu’on me fait souvent, à l’extérieur. On me demande pourquoi, au lieu de prendre six joueurs qui coûtent 300 euros, je n’en prends pas deux bons à 900 euros.

Quelle réponse faites-vous ?

Que ce n’est pas le bon raisonnement maintenant que nous avons des feuilles de match à dix-huit noms. Parce que, sur vos deux bons joueurs, s’il y en a un qui manque… Il faut au moins avoir vingt-quatre joueurs pour qu’un entraîneur puisse fonctionner. Sinon, c’est ingérable.

Mais auriez-vous des joueurs qualitativement bien meilleurs en mettant 900 euros sur la table ?

(Il rit) Attention, c’est un exemple théorique que je vous ai donné, hein! Mais il faut bien admettre que le marché est submergé de joueurs. Du coup, quand l’un veut nous rejoindre, on demande à son agent de quoi il va vivre. Et où? Et comment il viendra aux séances? Certains pensent encore qu’on est pros ou même que la vie n’est pas chère au Luxembourg. Mais prendre en charge un loyer à 1 000 euros, nous, en tant que club, on ne peut plus.

Il nous faut dix points à la pause hivernale

Bref, pour survivre, le Fola a dû apprendre à devenir le club le plus créatif de DN? 

Pas le plus créatif, non. Mais on a beaucoup appris de notre époque européenne et on continue d’apprendre.

Il y a quelque chose qu’on ne peut pas vous enlever, c’est votre capacité à produire des entraîneurs de DN parmi vos anciens joueurs. Après Stefano Bensi, vous avez recruté Ronny Souto. Que change-t-il à la conduite de cette saison ?

Quand Stefano est venu nous voir pour évoquer sa fatigue mentale, on s’est demandé s’il fallait accepter sa démission, et puis, on a regardé ce qu’il y avait sur le marché. On a eu la chance que Ronny soit disponible : il nous apporte sa fougue, celle qu’il avait déjà sur le terrain. Aujourd’hui, je pense que c’est sa mentalité qui peut nous sauver. Stefano est un ancien attaquant, il voulait poser son jeu. Là, on est sur un autre ADN, qui pourrait faire la différence.

Je pose la question en ces termes, en ce moment : regardez le dernier Italie – France (1-3). Maignan a passé son temps à jouer long. N’est-ce pas le genre de style qu’on doit s’approprier ? C’est important. Là, on va jouer un derby pour rester en vie. Il est ultra-important. Il nous faut une prestation solide pour voir où on en est avec d’autres moyens financiers qu’eux. Pour avoir un vrai espoir de maintien, il nous faut dix points à la pause hivernale.

Avez-vous l’impression que Stefano Bensi savait déjà qu’il intéressait Strassen et que c’est pour cela qu’il a demandé à être libéré ?

Avec ce que j’ai lu dans vos colonnes, j’accepte l’idée que son style d’entraîneur correspond plus à l’effectif de Strassen. Je savais que l’UNA avait des problèmes avec Vitor Pereira et que Tom Schnell (NDLR : l’adjoint de Stefanio Bensi) est assez proche de Luc Hilger, le président strassenois. Disons que cela a été très vite, ce recrutement… (Il sourit)

Vous venez de battre Mondercange dans le duel de la peur. Le FCM reste bon dernier avec un seul point pris en treize journées. Est-ce fini pour eux ?

Je suis convaincu que ce n’est pas terminé. Parce que cela s’est joué sur des riens, sur des hors-jeux. On a bien vu que tout le monde sur ce match avait conscience de jouer sa survie. Mais je crois que le Fola, qui s’est déjà retrouvé dans cette situation, a déjà montré qu’on ne peut désormais plus jamais enterrer personne.