Après cinq ans de marasme, l’usine de Dudelange va-t-elle enfin pouvoir se libérer du joug de Liberty Steel ? Tandis que le groupe s’effondre en Europe, l’espoir d’un repreneur est ranimé.
Alors que tous les voyants virent au rouge pour Liberty Steel en Europe et que les dettes s’accumulent du côté de l’usine de Dudelange, les syndicats OGBL (majoritaire) et LCGB ont obtenu une entrevue au ministère du Travail lundi avec Georges Mischo.
«La situation se détériore et la faillite paraît inévitable. Liberty n’est plus en mesure de payer les salaires, avec bientôt deux mois de retard, et on lit dans la presse étrangère que le groupe est en train de s’effondrer partout en Europe», constate Stefano Araujo, secrétaire central de l’OGBL (Sidérurgie). «On voit difficilement comment l’entreprise va pouvoir honorer toutes ses mises en demeure.»
D’où l’urgence pour les syndicats de prévoir, de concert avec les autorités, une série de solutions concrètes pour limiter la casse, alors que les 150 employés sont pris dans un étau depuis l’arrêt de leur usine, il y a plus de deux ans maintenant.
«L’idée est de voir quels leviers on peut activer. Ce qu’on veut éviter, c’est que les gens se retrouvent plusieurs mois sans ressource, dépendants de la lourdeur administrative, des décisions de justice et de la réactivité du Fonds pour l’emploi. On a les moyens de se préparer et d’agir rapidement», avance le responsable syndical, confirmant au passage l’engagement du ministre.
«Il n’y a plus d’argent qui circule»
En parallèle, plusieurs procédures de recouvrement des salaires ont été lancées cette semaine auprès du Tribunal du travail de Luxembourg, et d’autres vont suivre. «Liberty est désormais convoquée toutes les semaines pour ses créances, tandis que la direction va devoir expliquer pour quelles raisons les salaires ne sont pas versés.»
Des audiences qui auront des conséquences, puisque le défaut de paiement sera clairement établi. «Légalement, les dirigeants et les membres du conseil d’administration sont tenus par ces obligations, leur responsabilité personnelle est engagée. On ne peut pas creuser des dettes et gagner du temps indéfiniment», dénonce le syndicaliste.
Alors, la flamme de Liberty serait-elle sur le point de s’éteindre, cinq ans après le rachat décrié du site dudelangeois à ArcelorMittal ? Stefano Araujo reste prudent, le géant de l’acier dirigé par Sanjeev Gupta ayant maintes fois prouvé son talent pour les tours de passe-passe : «Chaque fois que la fin semblait proche, Liberty a réussi à se retourner», rappelle-t-il.
Cependant, l’ampleur des déboires du groupe au niveau européen laisse, cette fois, peu de place au doute : «Il n’y a plus d’argent qui circule, les sites sont à l’arrêt, et je vois mal un pays leur accorder un prêt pour régler des dettes dans un autre», pointe-t-il.
À ce tableau noir s’ajoute, depuis mardi, le placement sous administration judiciaire d’une filiale britannique de Liberty Steel en raison d’une dette de 140 millions d’euros – liée au rachat de Dudelange à ArcelorMittal en 2019. À Londres, le juge a tranché, estimant que le groupe «n’est pas en mesure de payer ses dettes».
La bonne nouvelle pour Dudelange, c’est que la demande est là : des clients appellent régulièrement, il y a des repreneurs intéressés et aussi des offres pour relancer cette usine. Le seul blocage aujourd’hui se trouve dans le camp de Liberty, l’entreprise bloquant elle-même les négociations avec des exigences qui n’ont pas de sens, selon les syndicats.
Un employé à bout hospitalisé
En Belgique, où plus de 530 travailleurs sont au chômage sur les deux sites de Liège, deux repreneurs potentiels – un Italien et un Américain – se sont manifestés ces dernières semaines, et lorgneraient aussi du côté du Wolser.
«Ça pourrait avoir un impact au Luxembourg, car ce que Liberty propose à ces candidats, c’est un package incluant Dudelange. On ne sait encore rien de leurs intentions : réorganiser l’activité, la réduire, la modifier ?», rapporte Robert Fornieri, secrétaire général adjoint du syndicat LCGB. Mais il tempère : «Nous, cette piste Liège-Dudelange, on la rejette. On veut privilégier le rachat de l’usine de Dudelange seule.»
Pour lui, «il y a une responsabilité européenne et nationale dans ce dossier, car ce sont des règles et des lois qui ont amené cette situation. Et depuis plus de trois ans, on permet que ça continue. Tout doit maintenant être mis sur la table pour minimiser l’impact sur les salariés.»
Car pour ceux-ci, privés de salaire et de prime de fin d’année, le quotidien n’est plus tenable. «Ça dégénère. Un employé a même été hospitalisé. Psychologiquement, il n’arrivait plus supporter la situation. Il ne peut plus payer ses factures», déplore Robert Fornieri. «Le ministre s’est montré réactif et a formulé des propositions. On veut maintenant des actes.»