Accueil | Police-Justice | Abus de faiblesse : un fils et sa mère ont-ils respecté les dernières volontés d’une mourante?

Abus de faiblesse : un fils et sa mère ont-ils respecté les dernières volontés d’une mourante?


«Il se réjouissait de cet héritage et s’en vantait», précise une enquêtrice à la barre.

Une mère et son fils en difficulté ont «hérité» de l’argent d’une vieille dame. La justice cherche à savoir s’il s’agissait de ses dernières volontés ou si elle a été influencée.

Le 26 mars 2019, Irène était lucide, selon les protagonistes de l’affaire. Deux jours plus tard, l’état de la vieille dame s’est considérablement dégradé jusqu’à son décès le 31 mars. Le 26 mars 2019, elle avait signé un acte notarié de vente de sa maison.

La majeure partie du bénéfice s’est retrouvée sur les comptes bancaires de Max, 41 ans, et d’Émilie. La mère et le fils avaient obtenu procuration sur les comptes d’Irène, sur lesquels ils auraient également ponctionné 26 000 euros à deux reprises. Ils sont accusés d’abus de faiblesse.

Irène était malade. Mourante même. Elle souffrait d’insuffisance cardiaque, d’un début de cancer du poumon et d’une maladie respiratoire qui la privait d’oxygène. Ses maladies et leurs traitements ont pu altérer son discernement et la rendre manipulable ou influençable, selon un expert judiciaire.

Pour le neuropsychiatre, les premiers signes de son déclin cognitif sont apparus fin 2018 et n’ont fait qu’évoluer. Ce qui n’empêcherait pas qu’elle puisse avoir connu une phase de lucidité au moment des faits. «Cela ne suffit pas à affirmer qu’elle avait pleinement conscience de ce qu’elle faisait et qu’elle avait eu le temps de bien y réfléchir.»

Max et Émilie ainsi que la notaire présente ce jour-là avaient-ils conscience de ce déclin? Irène leur a-t-elle donné accès à son argent en toute connaissance de cause?

L’affaire a éclaté dans le cadre d’une perquisition au domicile de Max dans le cadre d’un autre dossier. La police avait alors été interpellée par les moyens financiers du jeune toxicomane. Il avait fait un héritage, a-t-il répondu. Ses échanges par SMS avec ses amis et son père ont alerté les enquêteurs. «Il se réjouissait de cet héritage et s’en vantait», précise une enquêtrice à la barre de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Mère et fils travaillaient pour une société d’ambulances privée quand ils ont rencontré la vieille dame qui vivait dans un CIPA depuis 2016. Elle avait été la nounou d’Émilie et ne l’avait plus revue depuis cette époque-là.

«L’infirmier en chef nous a indiqué qu’Émilie venait de plus en plus souvent rendre visite à Irène, jusqu’à ce que ses visites deviennent quotidiennes à partir de janvier 2019», a témoigné une enquêtrice. «Elle se mêlait des traitements et des soins. Elle lui donnait ses repas.» Son comportement était «théâtral» et déplaisait au personnel du CIPA, selon des témoins qui ont constaté que la prévenue prenait de plus en plus de place dans sa vie au détriment de sa nièce.

«Elle voulait vendre rapidement»

Max et Émilie avaient intérêt à mettre le grappin sur l’héritage d’Irène, selon la policière. Tous deux croulaient sous les dettes au moment des faits et avaient du mal à renflouer leurs comptes en banque. La vente de la maison de la vieille dame à Angelsberg, dont l’acte a été signé le 26 mars 2019, serait arrivée comme une aubaine pour eux.

La maison a été cédée pour 580 000 euros, qui ont été versés sur le compte en banque de la victime pour lequel Émilie avait obtenu procuration un mois plus tôt. Trois cent mille euros ont été transférés sur le compte bancaire de la prévenue, qui a ensuite viré 70 000 euros à son fils.

L’agent immobilier qui s’est occupé de la vente a témoigné hier avoir eu mandat pour vendre la maison, d’Irène elle-même, le 13 février 2019. «Émilie est venue me trouver pour me charger de l’estimation. J’ai rencontré Irène. Elle était lucide. Je lui ai posé des questions sur la maison pour m’en assurer», a-t-il témoigné. «Je l’ai prévenue qu’elle vendait sous l’estimation. Elle voulait vendre le plus rapidement possible pour ne rien laisser à personne.» En une semaine, la maison était vendue. Le compromis de vente a été signé le 22 février 2019.

Émilie aurait précisé aux enquêteurs la volonté de la vieille dame de faire d’elle et de son fils ses héritiers. Mère et fils pourront donner leur version des faits et expliquer la nature de leur relation avec la vieille dame seule et isolée lors de la prochaine audience qui est fixée au 5 février.

Leur défense a demandé à pouvoir entendre la notaire comme témoin. Les avocats veulent connaître son impression quant à l’état cognitif de la vieille dame, cinq jours avant son décès, et ses observations éventuelles.