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Natasha Lepage à la COP29 : «Certains pays n’étaient pas encore prêts à discuter»


Natasha Lepage, 21 ans, a participé à la COP29 à Bakou en tant que déléguée au climat. (photo Natasha Lepage)

Alors que la Conférence des parties vient de se terminer, la Luxembourgeoise Natasha Lepage revient sur sa première expérience à Bakou en tant que jeune déléguée au climat.

Après deux semaines de négociations intenses à la COP29, la déléguée au climat a tiré de nombreux enseignements de cette opportunité. Si elle juge cette expérience «incroyable», elle a été aussi confrontée au manque de courage de certains pays en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Comment avez-vous vu vécu cette expérience à la COP29 ?

Natasha Lepage : C’était une opportunité très enrichissante de participer à cet évènement aussi impressionnant qui accueillait près de 60 000 personnes. Quand nous sommes entrés pour la fois dans l’enceinte de la COP, c’était quelque chose de très intimidant, voire d’effrayant.

La délégation luxembourgeoise accueillait pour la première fois des jeunes. Quel a été votre rôle durant cette COP ? 

Nous avons eu la possibilité d’échanger avec les négociateurs de l’Union européenne. C’était un peu plus complexe que je ne l’aurais pensé, puisque le Luxembourg a un rôle très limité dans les négociations. De manière générale, pendant les deux semaines, nous avons réussi, avec tous les jeunes délégués, à mettre en avant nos revendications qui avaient été discutées en amont avec nous tous. Nous avons pu également observer comment les négociations se passaient de l’intérieur. De ces différentes réunions auxquelles j’ai assisté, j’ai pu constater que certains pays n’étaient pas encore prêts à discuter ou à faire plus d’efforts pour lutter contre le réchauffement climatique.

Avez-vous trouvé que le Luxembourg avait un poids dans les négociations ? 

Le Luxembourg a un impact seulement au niveau des négociations de l’Union européenne, car il ne peut pas négocier en tant que pays seul. L’enveloppe déployée de 320 millions d’euros sur le « financement climatique international«  pour la période 2026-2030 est une promesse qu’il souhaite faire.

Cette année, la COP29 a subi de nombreuses critiques et polémiques. Certains ont parlé de « la pire COP de l’histoire«  quand d’autres ont évoqué une ambiance « chaotique« . Quelle était l’ambiance à Bakou ?

Il y a eu des tensions, oui. Mais je ne peux pas faire des comparaisons avec des autres COP, car c’était ma première. Ce que j’ai trouvé d’assez flagrant, c’est l’écart entre les négociateurs et la société civile. Les négociateurs n’ont pas pu participer aux évènements organisés par la société civile, qui se passaient pendant la COP. Leur agenda était trop chargé. Je pense que ce décalage a pu exacerber les désaccords.

De nombreux pays dont le Luxembourg ont été déçus des négociations de cette COP. Vous aussi ?

Il faut savoir que beaucoup de pays n’étaient pas prêts à négocier durant cette COP ou à faire des compromis. On faisait parfois face à un vrai match de ping-pong sans qu’aucune négociation ne soit vraiment aboutie. Nous avons été déçus de plusieurs points. Il faut juste savoir que l’article 6 sur les énergies fossiles de l’accord de Paris a été seulement conclu pendant cette COP. Alors que cela fait dix ans qu’il a été signé. Malheureusement, on voit que tout prend énormément de temps (…). Si un accord a été conclu, d’autres thématiques pourtant cruciales comme la réduction globale des émissions et l’abandon progressif des énergies fossiles, restent en suspens. Il y a eu des discussions pendant plusieurs semaines sur ces points, mais sans qu’il y ait aspects posés sur la table. C’est très décevant de voir qu’aucune négociation n’a vraiment abouti à des conclusions, alors que le temps presse.

Pensez-vous que la voix de la jeunesse a-t-elle été entendue ?

Au niveau international, beaucoup de jeunes ont participé à la COP, c’est une très bonne chose. Mais, d’un autre côté, très peu d’entre eux ont pu participer à la prise de décisions dans les négociations. Il faut trouver un mécanisme pour que cela change. Au niveau national, nous avons été entendus. Dans les semaines et mois à venir, nous allons essayer de mettre en place et d’améliorer la voix de la jeunesse au niveau national. Cette année, c’était une première, donc il y a encore des axes d’amélioration.

Quelle est la suite pour vous ?

Nous allons terminer notre programme. Normalement, nous ne participerons pas à la prochaine COP. Il y aura de nouveaux délégués. Nous sommes en train de voir avec le ministère la façon dont on peut améliorer ce programme ou pourquoi pas le prolonger à un peu plus d’un an. Notre rôle sera l’année prochaine, pour la COP30, d’aider et d’accompagner les prochains jeunes délégués pour le climat luxembourgeois.

Les cinq lycéens luxembourgeois à la COP29 de Bakou. Photo : lrsl_actionteam4future

«Chaotique»

Cinq lycéens du pays se sont rendus à la COP29 dans le cadre du projet «Youth for Climate Action». C’est le cas de Julien Lemmer Veloso, élève au lycée Robert-Schuman à Luxembourg. Avec ses camarades, leur rôle était de sensibiliser le jeune public pour rendre accessible le système parfois complexe d’une Conférence des parties. «Nous avons fait une campagne de social media sur les réseaux sociaux. Nous avons par exemple interviewé les membres de la délégation luxembourgeoise ou encore la vice-Première ministre des Pays-Bas. Notre but était de les motiver à s’intéresser à ces sujets qui peuvent paraître complexes», explique le jeune homme de 17 ans. Des jeunes, qui au travers des réseaux sociaux se sont intéressés aux thématiques du climat. «Nous avons eu pas mal d’interactions.» Si ces cinq lycéens ont pu participer en tant que spectateurs aux négociations climatiques, ils restent déçus par l’accord final de la COP. «C’était chaotique, même si pour nous l’expérience était extraordinaire.»

Greenpeace Luxembourg fustige les États du Nord

Dans un communiqué publié ce lundi, Greenpeace Luxembourg a dénoncé l’accord voté dans la nuit de samedi à dimanche lors de la COP29. Pour rappel, celui-ci prévoit une enveloppe de 300 milliards de dollars pour soutenir l’action climatique des pays du Sud. Pour l’ONG, cet accord «est un montant dérisoire au regard des besoins estimés à plusieurs milliers de milliards». Pour Xavier Turquin, directeur de Greenpeace, les «États du Nord adoptent une posture néocoloniale. En refusant de mettre à contribution les profits indécents des entreprises pétrolières et gazières, ces gouvernements font preuve d’un mépris insupportable : ils préfèrent préserver les intérêts privés, quitte à mettre en danger la vie des populations du Sud». L’organisation environnementale souhaite toujours l’abandon des énergies. Une discussion qui sera menée à la COP30 l’an prochain au Brésil.