L’art contemporain a de beaux jours devant lui. L’affluence à la Luxembourg Art Week, dont la dixième édition s’est terminée dimanche, en est la preuve. Alex Reding confirme la tendance.
Il y avait du monde et même du beau – la Grande-Duchesse Maria Teresa et un Chagall – dans les allées de la dixième édition de la Luxembourg Art Week au Glacis, hier. L’intérêt pour l’art ne faiblit pas, qu’on ait les moyens d’acquérir une œuvre ou qu’on vienne juste s’en mettre plein les yeux en découvrant de nouveaux créateurs ou de nouvelles techniques. Luxembourgeois, expatriés et frontaliers se retrouvent autour d’un même intérêt pour la création. Le galeriste Alex Reding, fondateur et directeur de la Luxembourg Art Week, revient sur ce vivier de talents lancé il y a dix ans.
La Luxembourg Art Week a fêté ses dix ans. Comment la foire a-t-elle évolué au cours des années ?
Alex Reding : Elle a progressé. Nous avons commencé par réunir 19 galeries, puis 36 et une cinquantaine. En 2019, nous avons atteint le nombre actuel de 80 galeries. Et nous sommes passés de la halle Victor-Hugo à cette tente au Glacis au moment de la pandémie. Nous retrouver entre le centre-ville et le Kirchberg, à côté d’un arrêt du nouveau tram, nous a donné une nouvelle visibilité et une facilité d’accès. Tout le monde nous voit et a envie de revenir.
Le concept de synergie des débuts est-il toujours le même aujourd’hui ?
Il s’agissait de créer une plateforme d’échanges et de promotion de la scène culturelle et artistique luxembourgeoise qui réunisse les institutions, les collectifs d’artistes, les galeries et tous nos partenaires pour créer une dynamique unique dans toute la Ville de Luxembourg et au-delà. La Luxembourg Art Week est plus qu’un marché d’art. C’est un évènement qui met en lumière l’art sous toutes ses coutures. Nous avons organisé un parcours de sculptures à travers la Ville, les capsules dans les vitrines des commerces…
À cela s’ajoutent évidemment les galeries venues de l’étranger. Nous en accueillons plus d’une vingtaine. Elles amènent leurs artistes et découvrent en même temps les artistes locaux. Cet aspect promotionnel explique pourquoi l’organisation de la Luxembourg Art Week est soutenue par la Ville de Luxembourg, les ministères de la Culture et de l’Économie (Tourisme) entre autres.
L’art est avant tout une passion
Vous êtes passés de 8 000 à 22 000 visiteurs par édition. Ont-ils un profil particulier ou la foire est-elle accessible à tous ?
Il y a quelques minutes, j’ai croisé le portier du lycée Michel-Lucius que j’ai rencontré tout au début de ma carrière professionnelle il y a plus de 25 ans. Ici, se retrouvent des collectionneurs, des personnes qui fonctionnent au coup de cœur et celles qui sont heureuses de pouvoir s’offrir une œuvre qui leur plaît, ainsi que des amateurs d’art et des visiteurs qui ont envie de passer un beau moment. Il ne faut pas seulement être un fin connaisseur pour franchir nos portes, sinon nous n’atteignions pas ce nombre de visiteurs.
Prenez nos sponsors privés, par exemple. Certains ont organisé des programmes adressés à leurs employés ou leurs clients. L’un d’entre eux a organisé des visites guidées pour plus de 300 personnes. C’est énorme! Cela permet un échange d’énergie génial.
Derrière nous est exposé Les Fiancés au cirque de Marc Chagall. Une œuvre de musée. Est-elle à vendre ou juste en exposition ?
Le tableau est en vente. Il est affiché à 2,9 millions d’euros. C’est une très belle œuvre de Marc Chagall et je sais qu’elle a éveillé des intérêts.
La Luxembourg Art Week n’est pas un marché de l’art. Mais est-ce que les artistes et galeries présentes vendent bien ?
Les visiteurs achètent beaucoup, oui. Les prix ne sont plus les mêmes qu’il y a trois ou quatre ans à cause de la crise, mais le nombre d’œuvres acquises n’a pas baissé.
Certains achètent des voitures de collection ou des vins millésimés. L’art est-il encore un bon investissement ?
L’art est avant tout une passion. Il vaut aimer vivre en s’en entourant, aimer l’admirer. Ensuite, il faut savoir ce qu’on souhaite faire de son argent. Si on veut investir dans quelque chose dont la valeur restera pérenne ou si on est prêt à prendre des risques. On peut acheter des œuvres de jeunes artistes à des prix abordables et, du coup, aussi plus souvent dans l’espoir que l’un d’eux devienne connu. L’investissement sera alors correct. Par contre, un achat dans un segment plus conservateur garantira une stabilité des prix, mais pas de spéculation ou de grands bénéfices.
Comment se passe la sélection des œuvres exposées lors de la Luxembourg Art Week ?
Les galeristes s’en chargent pour nous. Nous nous occupons par contre de sélectionner les galeries invitées parmi les 150 candidatures que nous recevons chaque année. Un comité de galeristes professionnels venus de France, de Belgique, d’Allemagne et du Luxembourg décide de retenir les candidats sur base de certains critères. Nous proposons un mélange entre la jeune création, le marché secondaire et des œuvres coup de cœur dans différentes disciplines.
J’ai remarqué que parmi toutes les œuvres exposées cette année, il y avait très peu d’œuvres photographiques.
L’engouement pour la photographie connaît effectivement un recul. Il faut dire que des foires dédiées comme Paris Photo, par exemple, émergent. Peut-être aussi que les galeries constatent que la photographie d’art ne se vend plus bien et n’en exposent plus. Elles réagissent à la demande du public pour pouvoir fonctionner.