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«Stop aux discriminations des travailleurs frontaliers» : 500 manifestants à Luxembourg


En laissant faire, le gouvernement luxembourgeois joue avec le feu, estiment les militants, alors que les pénuries de main-d’œuvre frappent déjà le pays. (Photo : Christelle Brucker)

Près de 500 militants OGBL et LCGB étaient rassemblés vendredi matin à Luxembourg pour protester contre les discriminations qui s’accumulent pour les travailleurs frontaliers.

Les membres des organisations syndicales ont envoyé un signal fort au gouvernement, vendredi matin place Clairefontaine, déterminés à défendre l’égalité de traitement entre tous les travailleurs, alors que les frontaliers français sont visés par une énième discrimination.

Un avenant à la convention d’assurance chômage en vigueur en France prévoit des coupes drastiques dans les indemnités versées aux chômeurs ayant exercé auparavant dans un pays voisin.

123 000 frontaliers à protéger

Une décision qui frappe de plein fouet les 123 000 salariés frontaliers du Grand Est que compte le Luxembourg, puisque ceux-ci risquent de voir leur versement mensuel divisé par deux à partir du 1er janvier prochain.

D’où l’urgence pour les syndicats de mobiliser les autorités en vue de l’ouverture d’un dialogue avec Paris.

«Sans eux, c’est la fin de notre économie»

À la tribune, le secrétaire général adjoint du LCGB, Christophe Knebeler, a mis les points sur les «i» : «Les frontaliers, c’est 47% de la main d’œuvre du pays, dans des secteurs aussi essentiels que la santé, les soins, le commerce, les transports, le gardiennage, le nettoyage, la construction ou l’industrie.

«Sans eux, ce serait la fin de notre économie!» Soulignant le poids des trajets quotidiens, le télétravail fortement limité pour ces salariés, et les dispositions fiscales en leur défaveur, il a rappelé ce que supportent les 228 000 travailleurs habitant en Belgique, en Allemagne ou en France.

«Notre gouvernement a signé des conventions fiscales ou accords qui introduisent des inégalités de traitement. Une politique qui ne respecte pas les droits européens, dont la libre circulation, et qui réduit les frontaliers à des travailleurs de seconde classe», a-t-il pointé, face à Gilles Roth, le ministre des Finances, venu écouter les discours.

Au-delà des conséquences néfastes sur ces salariés et leur famille, les organisations syndicales sont aussi conscientes du risque pour le Luxembourg de perdre en attractivité, à un moment où les pénuries de main d’œuvre plombent déjà plusieurs branches de l’économie.

 

À son tour, Adrien Nuijten, secrétaire central de l’OGBL et responsable des frontaliers belges, a fustigé le laxisme des autorités : «Les frontaliers sont victimes de nombreuses discriminations fiscales et sociales depuis des années, et aujourd’hui, nos collègues français vont être lourdement pénalisés par ce nouveau calcul de leurs indemnités chômage», a-t-il dénoncé.

Un fossé se creuse entre résidents et frontaliers

Sans oublier la convention franco-luxembourgeoise concernant les revenus mixtes dans un couple, qui risque d’augmenter significativement la charge fiscale de ces travailleurs. «Ces mesures créent un fossé entre résidents et frontaliers, et attaquent le principe d’équité. Maintenant, c’est stop!»

Pour lui, les règles différentes en matière de télétravail sont obsolètes et discriminatoires dans les trois pays, tandis que côté belge, le fisc et l’ONSS (sécurité sociale) font des frontaliers des cibles privilégiées.

«On demande aux gouvernements de prendre leurs responsabilités et mettre fin à ces inégalités», plaide-t-il, estimant que le Luxembourg doit se positionner pour défendre les droits de ceux qui contribuent à son économie. «Leurs droits doivent être protégés.»

Des militants de toute la Grande Région

Dans la foule, une délégation de la CSC belge avait fait le déplacement, tout comme des représentants du Conseil syndical de la Grande Région, préoccupés par la situation. Et les sections locales de l’OGBL côté français étaient, elles aussi, mobilisées, inquiètes du tour de vis qui s’annonce.

«Encore une fois, ce sont les frontaliers qui vont en pâtir, voilà ce qu’on a entendu en distribuant 2 000 tracts cette semaine à la gare de Thionville», raconte Jean-Marc Dreystadt, président de la section Volmerange-les-Mines de l’OGBL.

«Ça commence à faire beaucoup»

«Surtout ceux dont le conjoint travaille en France, et qui sont déjà impactés par la nouvelle convention fiscale. Si on baisse les indemnités en cas de chômage, ça commence à faire beaucoup».

(Photos : Hervé Montaigu)

Le syndicaliste dresse la longue liste des inconvénients à travailler au Grand-Duché et prévient : pour quelques centaines d’euros de plus sur la fiche de paie, de plus en plus de Français pourraient se dire qu’au final, le compte n’y est plus.

Des chômeurs de luxe?

Sur la baisse des indemnités chômage, il anticipe une situation critique pour beaucoup de frontaliers, et fustige Paris qui dépeint ces allocataires comme des chômeurs «de luxe».

«Ce n’est pas vrai. L’immense majorité des salariés sont au salaire minimum social, surtout les frontaliers français, qui travaillent ici dans les métiers les moins valorisés, ce qu’on appelle les petites mains», rétablit-il, jugeant que l’État français cherche de l’argent au mauvais endroit.

1 781 euros d’indemnité mensuelle

En 2023, parmi les 2,6 millions de Français demandeurs d’emploi indemnisés par l’assurance chômage se trouvaient 16 676 frontaliers ayant perdu leur emploi au Luxembourg, soit 0,6%. En moyenne, ceux-ci ont touché une allocation mensuelle de 1 781 euros (Unedic, 2024).

Selon la CGT, le nouvel avenant pourrait faire baisser ce montant de près de 40%.

Gilles Roth, le ministre des Finances, s’est dit sensible aux revendications. (Photo : Hervé Montaigu)

Le ministre Gilles Roth botte en touche

Interrogé par la dizaine de journalistes présents, le ministre des Finances n’a évoqué aucune piste pour améliorer la situation : «Ce qui m’importe, c’est qu’il n’y ait pas de discrimination entre travailleurs au Luxembourg. Je ne suis pas responsable de ce qui peut se faire dans d’autres États», a-t-il martelé.

Il s’est toutefois dit «sensible à tous les soucis exprimés aujourd’hui» confirmant que «le marché du travail luxembourgeois a besoin des frontaliers. Nous vivons avec leur apport personnel et leur soutien à la force de travail. Voilà pourquoi on essaye, en négociation avec les autres États, et dans la mesure du possible, de trouver des solutions appropriées. Mais bien entendu, le Luxembourg ne décide pas seul.»

Sur la question de l’indemnisation chômage par le dernier pays d’emploi, il a indiqué que «les discussions doivent maintenant se faire au niveau européen» et que celles-ci seront «multinationales».

Quant à son nouvel homologue français, qu’il a déjà pu croiser, Gilles Roth annonce qu’ils auront ensemble «les échanges appropriés» et se dit «ouvert à aborder ces sujets».