Quarante-quatre ans après sa création, la comédie musicale Les Misérables, un monument qui a triomphé dans plus de 50 pays, renaît à Paris, dans une version en français et «améliorée», certainement «l’ultime», selon ses auteurs.
Née en 1980, la comédie musicale Les Misérables a été «traduite en 22 langues, joué dans 426 villes de 53 pays» et a attiré «plus de 130 millions de spectateurs», selon le Théâtre du Châtelet, temple parisien du théâtre musical. Le spectacle tiré du roman de Victor Hugo (publié en 1862), dont un court extrait a été dévoilé lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris avec l’aria À la volonté du peuple, y jouera à partir de mercredi et jusqu’au 2 janvier. Une tournée devrait suivre en 2026, indique le théâtre. Son histoire est paradoxale.
La comédie naît en France, en version française, sur un texte d’Alain Boublil et une musique de Claude-Michel Schönberg, deux auteurs de spectacles musicaux alors aux débuts de leur carrière. La mise en scène est confiée à Robert Hossein. À l’affiche au Palais des Sports de Paris pendant seize semaines, le spectacle attire plus de 500 000 spectateurs. Le producteur anglais Cameron Mackintosh en acquiert les droits et propose une version anglaise en 1985. Depuis 39 ans, elle est jouée à Londres de manière ininterrompue, avec «plus de 15 000 représentations». Le musical s’est aussi installé à Broadway pendant près de vingt ans – y gagnant de nombreuses récompenses – mais aussi en Asie, en Australie… La version anglaise s’est aussi exportée pour la première fois au Luxembourg, pour trois représentations à la Rockhal fin octobre.
Quarante chanteurs
En France, malgré le succès de 1980, le spectacle s’arrête. «Robert Hossein ne voulait pas voyager, le décor du Palais des Sports devait être détruit, c’était terminé», se remémore Alain Boublil lors d’une répétition. Selon lui, la France d’alors n’avait pas les structures pour accueillir ce style de show. C’était un art «mal considéré» dans l’Hexagone, abonde Patrick Niedo, spécialiste du genre. Alors que, dans le même temps, le spectacle est «vite surnommé « Les Mis » à Londres et « Les Miz » à New York, comme un terme entré dans le langage courant», ajoute l’auteur de l’ouvrage Histoire de comédies musicales aux éditions Ipanema.
Pour cette nouvelle production, à laquelle les auteurs Boublil et Schönberg ont largement participé, la mise en scène a été confiée à Ladislas Chollat (les spectacles musicaux Oliver Twist, Résiste ou Molière). Sur un plateau qui cache l’orchestre et dans une atmosphère de gris et de bruns, près de 40 chanteurs évoluent sur deux grandes rampes : celles-ci figurent ici l’usine de M. Madeleine dans laquelle travaille Fantine, là un escalier sur lequel chante le policier Javert ou encore l’entrée de l’auberge des Thénardier. «Je me suis inspiré d’une gravure de Gustave Doré, qui illustre L’Enfer de Dante» avec «le paradis en haut de la pente», témoigne Ladislas Chollat. «C’est la quête de Jean Valjean pour aller vers la lumière, vers la bonté.» Une scénographie qui lui permet d’explorer toutes les facettes de l’œuvre de Victor Hugo : «le côté épique, romantique, poétique, politique ou social».
Livret remanié
Pour cette comédie musicale entièrement chantée, les paroles ont été remaniées, à hauteur de 20 à 25 %, pour qu’elles collent davantage au langage des années 2020, selon les auteurs et Ladislas Chollat. Ce qui ne gâche pas le plaisir du public habitué aux airs emblématiques de la version anglaise, comme Do You Hear the People Sing (À la volonté du peuple) : il peut redécouvrir en français l’aria de Fantine (J’avais rêvé), la chanson de Cosette (Une poupée dans la vitrine), etc.
À noter aussi, la particularité du rôle de Jean Valjean, évoluant entre des notes très graves et d’autres bien plus aiguës. «C’est intéressant à jouer», assure son interprète, le ténor Benoît Rameau. «C’est émouvant», résume Alain Boublil. «On a la chance de revenir à Paris et de recommencer dans une toute nouvelle production.» «J’ai bien l’intention que ça soit la dernière amélioration», «l’ultime version française», conclut-il.
Les Misérables,
d’Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg.
Jusqu’au 2 janvier 2025.
Théâtre du Châtelet – Paris.