Mondialement connu pour Un homme et une femme, couronné par une Palme d’or à Cannes en 1966 et par deux oscars, Claude Lelouch revient demain avec Finalement, son nouveau film, le 51e. Portrait d’un infatigable du 7e art.
Mondialement célébré en 1966 pour Un homme et une femme, Claude Lelouch, honoré en septembre dernier à la Mostra de Venise pour l’ensemble de son œuvre, incarne depuis plus d’un demi-siècle l’amour au cinéma et l’amour du cinéma. Ce cinéaste prolifique a su toucher un public avide de romantisme, tout en étant souvent brocardé par la critique, notamment pour sa foi naïve dans le hasard. «Rien ne m’intéresse plus que l’amour !», confiait-il, enthousiaste, en 2015.
Il restera dans l’histoire du cinéma comme le jeune et doué metteur en scène d’Un homme et une femme, dont la ritournelle «chabadabada, chabadabada…» de son complice Francis Lai est entrée dans la légende. Ce récit d’un amour passionné à Deauville, avec Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée, a obtenu la Palme d’or à Cannes ainsi que deux oscars à Hollywood, meilleur film étranger et meilleur scénario.
En une cinquantaine de films en 60 ans – le 51e, Finalement, arrive sur les écrans (voir ci-contre) –, Claude Lelouch a mis en scène la crème des comédiens français : Jean-Paul Belmondo, Lino Ventura, Michel Piccoli, Annie Girardot, Catherine Deneuve et tant d’autres. «Le cinéma m’a pris mes jours, mes nuits, mes vacances. Je ne le regrette pas, mais j’ai mal vu grandir mes enfants», regrette parfois celui qui, marié quatre fois, dont la dernière fois à 85 ans, a eu sept enfants. Dont le prénom commence par la lettre «s» en hommage à son père, Simon.
Spontanéité, vérité et mensonge
Né le 30 octobre 1937 à Paris, d’un père commerçant et d’une mère catholique convertie au judaïsme, Claude Lelouch, qui a échoué au baccalauréat, travaille alors comme cameraman d’actualité avant de rejoindre peu après le service cinématographique de l’armée. En 1960, il réalise Le Propre de l’homme. «Claude Lelouch : retenez bien ce nom, car vous n’en entendrez plus parler», écrivent alors Les Cahiers du cinéma. Pour gagner sa vie, il tourne des dizaines de scopitones, ancêtres des clips, tout en persévérant dans le cinéma, sans beaucoup de chance. Jusqu’à son quatrième long métrage, Un homme et une femme.
Avec les bénéfices de ce film qui ne lui a pas coûté cher, il s’achète un hôtel particulier près des Champs-Élysées, qui deviendra le siège de sa maison de production, Les films 13. Claude Lelouch tourne ensuite pratiquement un long métrage par an, filmant caméra à l’épaule et privilégiant la spontanéité. Car ce grand amateur de films choraux cadre en personne ses films. «Je pense que ceux qui aiment mes films, ce qu’ils aiment, c’est cette spontanéité que j’essaie de filmer, qui est à mi-chemin entre le mensonge et la vérité», dit-il.
Un «galopin» touche-à-tout
On lui doit notamment Vivre pour vivre (1967, Golden globe du meilleur film étranger) avec Annie Girardot et Yves Montand, L’aventure, c’est l’aventure (1972) avec Lino Ventura et Jacques Brel, Les Uns et les Autres (1981) avec Nicole Garcia et Robert Hossein, Itinéraire d’un enfant gâté (1988) avec Jean-Paul Belmondo (César 1989 du meilleur acteur) et encore Hommes, femmes, mode d’emploi (1996) avec Bernard Tapie. Après une traversée du désert, il rebondit avec Roman de gare (2007) avec Fanny Ardant, puis Salaud, on t’aime (2014) avec Johnny Hallyday ou Un plus une (2015) avec Jean Dujardin.
En 2019, ému, il présente hors compétition au festival de Cannes, aux côtés de Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée, Les Plus Belles Années d’une vie, suite d’Un homme et une femme, 53 ans après, qui raconte les retrouvailles des deux personnages. «Ce film, c’est le portrait d’un homme qui est avant tout un galopin, qui n’a jamais été à la hauteur des événements qui se sont présentés et qui demande pardon. Il y a tout de moi !», disait -il alors. Touche-à-tout, Claude Lelouch a aussi été producteur (notamment du Molière d’Ariane Mnouchkine en 1978) et distributeur. Il a créé les Ateliers du cinéma à Beaune (Côte-d’Or), proposant à des apprentis de suivre un film de la fin de l’écriture à la copie zéro.
Finalement, de Claude Lelouch.
Demain sur les écrans.
Claude Lelouch : retenez bien ce nom, car vous n’en entendrez plus parler
Une comédie pleine d’«optimisme»
À 87 ans, Claude Lelouch n’en a pas fini de tourner : mu par un optimisme forcené, le réalisateur livre à partir de demain son 51e film, intitulé sobrement Finalement. Une ribambelle d’acteurs d’hier et (quelques-uns) d’aujourd’hui, de Kad Merad à Elsa Zylberstein en passant par Michel Boujenah, Sandrine Bonnaire, François Morel, Marianne Denicourt, Raphaël Mezrahi, Françoise Fabian, sont au générique de ce nouveau film de plus de deux heures. On y suit les tribulations de Lino, un brillant avocat incarné par Kad Merad qui laisse tomber sa carrière et sa famille pour vagabonder sur les routes de France, multipliant les rencontres insolites. Sa femme, une célèbre actrice (Elsa Zylberstein), part sur ses traces, accompagnée de leur meilleur ami (Michel Boujenah).
Un film qui «me ressemble beaucoup», a déclaré Claude Lelouch. «Je pense qu’on a créé un monde qui fait de nous des prisonniers. De la famille, des enfants, de notre travail…. On a tous à un moment donné envie de recommencer sa vie», a expliqué le réalisateur. Les tribulations de Lino sont empruntes d’un optimisme invétéré, porté par la musique, que ce soit à travers la trompette de Kad Merad ou les chansons qu’il interprète, signées Didier Barbelivien. «C’est vrai que j’ai la fâcheuse tendance d’être optimiste. Je suis comme ça parce que j’ai connu la guerre, l’après-guerre. J’ai échappé au pire. Après, tout le reste, c’est très doux», a commenté le cinéaste.
Le personnage de Lino «symbolise complètement cet homme qui part en quête de l’essentiel, sans vraiment le chercher. Il se laisse porter par le présent. Et le présent, il a toutes les qualités !», a-t-il expliqué. Claude Lelouch, malgré son âge avancé et une carrière bien remplie, ne compte pas pour autant raccrocher : «Tant que des idées viendront se mettre dans ma tête, je vais continuer à faire ce métier. Et, là, je n’ai jamais eu autant d’idées!», a-t-il déclaré. «Je sais très bien qu’à un moment donné, à l’âge que j’ai, on peut me dire stop à tout moment. Mais, pour l’instant, le cerveau marche encore très bien et surtout, je continue à m’émerveiller.» Il conclut même l’entretien par un tonitruant «vivement l’année prochaine pour tourner !»