La banque néerlandaise ING a fêté récemment ses 55 ans de présence au Luxembourg. Luc Verbeken, le PDG d’ING Luxembourg, dresse un bilan plutôt positif de l’état de santé de sa banque et aborde les questions des fintech, de la digitalisation et de l’avenir de la place financière.
Le Quotidien : ING Luxembourg a fêté au début du mois d’octobre ses 55 ans. Comment se porte la banque?
Luc Verbeken : Notre banque se porte très bien. On est très satisfait, très content. On reste prudent et humble parce que c’est beaucoup de travail, beaucoup d’engagement de la part des 800 personnes environ qui font notre banque.
Par exemple, au moment où, la dernière année où il y avait le Crédit européen – tout ça a été repris par le groupe ING en 1997 – il y a eu un bénéfice net de 32 millions, l’année passée, un bénéfice net de 106 millions. Le bénéfice est là, sur quelques années, bien sûr. C’est quand même une illustration et c’était vraiment fait dans la continuité. Le fait aussi qu’on a, avec le groupe ING, l’apport d’un réseau international qui aussi bien là pour nous respecter localement et aussi nous soutenir au niveau du développement des idées des produits parfois des apports de clients internationaux.
ING Group est en train de céder progressivement sa participation dans la compagnie d’assurance Nationale-Nederlanden. Quels sont les impacts sur ING Luxembourg ?
On a vu avec la crise, mais c’était déjà quelques années auparavant, que le modèle de banque-assurance ne fonctionnait pas dans tous les marchés au niveau international. Le Luxembourg, la Belgique et l’Espagne sont les trois marchés dans lesquels l’association banque-assurance marche le mieux.
Dans d’autres pays, ça n’a pas aussi bien marché. Pas parce que parfois on était actif dans différents réseaux de distribution. Parfois, en matière d’assurance, on était agent et aussi représentant. Donc, on était parfois dans deux modèles de distribution : c’était un peu difficile à gérer, car parfois on était en conflit avec des clients, des fournisseurs et avec notre propre modèle de distribution.
Dans les années où ING et Nationale-Nederlanden travaillaient ensemble, l’objectif était d’établir des synergies. Aujourd’hui, le groupe NN, qui regroupe les activités européennes et le Japon, comprend deux grandes divisions : NN Investment partners et NN Life. Au début de cette création, ING avait 100 %, puis on a fait une introduction en Bourse qui a fait en sorte qu’on était passé sous les 75 %. On a alors pris l’engagement de vendre. À la fin de 2014, on est descendu sous les 50 %, ce qui nous a permis de faire un autre type de consolidation, et maintenant, tout récemment, on est arrivé à 25,8 %.
Qu’est-ce que cela signifie?
Cela signifie que NN peut avoir comme clientèle des tiers en direct assuré ou des partenaires financiers ou d’autres banques. Ça veut aussi dire que nous, on peut aller vers un modèle ouvert et qu’on peut contracter d’autres assurances, même si malgré l’accord de séparation il demeure un lien fort.
Votre banque s’installera dans le quartier Gare à Luxembourg au 2 e semestre 2016. Est-ce une façon de vous rapprocher un peu plus de vos clients?
Oui, tout à fait. L’origine de ce déménagement date quand même d’il y a assez longtemps. On est réparti actuellement sur quatre sites : ça n’est pas très efficace. On travaille quand même en harmonie avec tous les départements. Régulièrement, ça nécessite de petits déplacements pour des meetings, parfois c’est quelques minutes, parfois c’est un peu plus, et des raisons administratives ou opérationnelles empêchent certaines rencontres.
Pour la clientèle, on ne pouvait pas avoir un endroit où il y ait plus de passage, qui soit plus visible, plus représentatif que l’entrée ou la sortie principale de la gare, juste en face de l’endroit où se trouve le bâtiment. On va faire en sorte que ce soit clair, que ça contribue au rafraîchissement du paysage du quartier qui en a un peu besoin.
Parlons des fintech, ING a lancé le premier accélérateur de fintech belge. Y a-t-il une action similaire prévue pour le Luxembourg ?
Pas vraiment, on a décidé de s’associer avec nos collègues belges. À notre niveau, nous sommes en pleine opération « Innovation Boot Camp ». Elle a été menée pour la troisième fois auprès de tous les employés du groupe. Cette opération vise à faire émerger de nouvelles idées dans le cadre d’innovations financières technologiques.
Un innovation officer reçoit toutes les propositions. L’année passée, il y en a eu plus de 1 800 qui sont remontées de tout le groupe. Une centaine sont venues de Luxembourg qui s’est montré très contributif par rapport à sa taille dans l’ensemble mondial.
Ce travail a abouti à 200 projets, puis 100, puis 50, etc. Les projets finalement retenus reçoivent un financement. Les salariés doivent alors être potentiellement prêts à quitter leur place actuelle.
Et le paiement mobile, avec une application comme Digicash, est-ce que c’est un projet en cours?
On regarde beaucoup les initiatives Apple Pay, Google Pay… Ce qui est parfois dommage, c’est que dans un monde de technologie plus global, parfois il y a des solutions extrêmement locales.
C’est-à-dire?
Au Grand-Duché, il y a beaucoup de frontaliers, certains disent « quand je suis chez moi j’ai besoin de ça, quand je suis au Luxembourg, j’ai besoin d’autre chose ». ING veut être extrêmement digital, mais en étant aussi extrêmement personnel. Ainsi, il y a une offre digitale, une offre « self surf » pour le client quand il veut, où il veut.
Et le marché luxembourgeois, comment est-il?
Le marché du Luxembourg est très orienté vers l’internet, le smartphone, très mobile au niveau de sa technologie. Par contre, au niveau de la technologie bancaire, au niveau mobile banking, on est un rien en retrait. C’est une communauté plus dynamique, plus cosmopolite, ce qui a aussi ses avantages. Mais ça explique aussi que le mobile banking est un peu moins avancé que dans d’autres pays. Nous-mêmes avons lancé la première application mobile, avec le compte qu’on pouvait ouvrir sur internet, « l’orange account ». On est parfaitement dans cette mouvance. On se rend compte qu’on est dans un moment charnière au niveau technologique et qu’il y a des choix à faire.
Quel est selon vous l’avenir de la place financière dans les cinq prochaines années ?
Je suis un optimiste de nature. Premièrement, je vois partout des possibilités d’entreprendre. Cela correspond à l’esprit d’ING Luxembourg. Deuxièmement, le Luxembourg a connu certains chocs qui l’ont conduit de l’industrie sidérurgique aux services financiers. La banque et les profits sont plutôt en croissance, même si je ne peux pas parler pour chaque institution financière individuelle. Mais ce qu’on voit, c’est que cet écosystème financier fonctionne très bien.
Pouvez-vous nous en dire plus?
Quand je suis arrivé après un an, j’étais quand même surpris que sur quelques kilomètres, à Luxembourg, on rencontre des « big four », des cabinets d’avocat et des special advisors, des pourvoyeurs de services financiers, au niveau de la communication, au niveau du reporting (communication de données), au niveau parfois de services très spécialisés. Cette place intégrée a une capacité à réagir, à adapter son offre.
Aude Forestier