La cellule de recherche scientifique de la Chambre des députés s’est penchée sur le vide juridique concernant les congés de maternité et de paternité des élus. Et livre quelques pistes.
Le débat avait été ouvert en 2019, déjà, quand la conseillère communale de Differdange Laura Pregno s’était offusquée de ne pouvoir bénéficier d’un congé de six mois pour s’occuper de son nouveau-né. Dans la foulée, déi gréng avaient posé une question parlementaire concernant les dispositions (non) prévues pour les femmes enceintes, accouchées ou allaitantes exerçant un mandat politique.
Selon la réponse du gouvernement, il y a lieu de distinguer entre le statut du salarié et de l’indépendant et celui d’un mandataire politique, «puisque le mandat politique ne relève pas d’un cadre contractuel, mais constitue une participation individuelle, non contractuelle et sans lien hiérarchique qui donne lieu à la rétribution d’une indemnisation majoritairement forfaitaire».
Cinq ans plus tard, la cellule de recherche de la Chambre des députés s’empare du sujet et livre une note qui pourrait faire évoluer la législation puisque ni le droit électoral luxembourgeois ni le règlement de la Chambre ou la loi communale n’évoquent la situation des élues enceintes. «Il existe par conséquent un vide juridique concernant cette catégorie de personnes lorsqu’elles n’exercent aucune activité professionnelle en sus de leur mandat politique», relèvent les chercheurs. Contrairement à certains autres pays européens qui protègent davantage les élues en situation de grossesse ou de maternité.
L’Allemagne, le Danemark et l’Estonie ont inscrit le droit au congé pré- et postnatal ainsi que parental dans le règlement interne des Parlements. Ces absences motivées ne sont jamais comptabilisées et les parlementaires ont la possibilité de se faire remplacer pour le vote. Les parlementaires allemandes continuent de recevoir une rémunération sur base de leur mandat. Le Bundestag allemand, les Parlements grec et estonien ont mis en place des aménagements destinés à favoriser la garde ou l’accueil d’un enfant dans l’enceinte de leur institution ou dans d’autres bâtiments désignés à cet effet. «Il s’agit de garderies, de pièces pour le change et l’allaitement ou d’aires de jeux pour les enfants en bas âge.» Les parents élus ont la possibilité d’emmener leurs nourrissons ou enfants en bas âge dans les séances plénières des Parlements en Estonie, Lituanie ou Suède.
Le vide juridique qui persiste au Luxembourg peut être comblé «dans un objectif de conciliation entre vie professionnelle, privée et familiale des parlementaires». La Constitution luxembourgeoise encourage d’ailleurs la prise de mesures en ce sens lorsqu’elles sont nécessaires. Les dispositions de certains systèmes étrangers pourraient être inspirants pour les députés luxembourgeois et il ne s’agit pas seulement des femmes, mais les pères sont également concernés. Des motifs d’absence qui devraient être admis comme excuses pour les députés ou, plus largement, pour tout parent élu. Les dispositions en vigueur en Allemagne ou au Danemark peuvent constituer des exemples pertinents en intégrant ce droit directement dans le règlement de la Chambre.
En Suède, il est possible de désigner temporairement des suppléants pour la période correspondant au congé lié à la grossesse ou à la maternité. En Espagne, des aménagements spécifiques peuvent être mis en place afin de permettre le vote à distance du député absent pendant une période définie, ou même un vote par correspondance comme cela se pratique en Grèce.
Une crèche
à la Chambre?
Les députés peuvent encore envisager de maintenir une indemnité parlementaire pendant le congé du député ou de mettre en place une allocation de maternité ou une allocation parentale. Songer, encore, à aménager des espaces spécifiques pour l’allaitement ou le change. La mise en place d’une crèche ou d’un foyer d’accueil destinés à la garde et à l’accueil des bébés et enfants en bas âge des députés et des membres de l’administration parlementaire pourrait être une solution, relève encore la cellule de recherche. «L’introduction de tels aménagements au Luxembourg ne devrait a priori pas nécessiter l’amendement des textes existants, mais pourrait se réaliser en pratique suite à une décision du Bureau», suggèrent les chercheurs.
Pour faire évoluer les choses, les députés peuvent rédiger une proposition de loi spécifique de protection de la femme enceinte, de la mère ou du père exerçant un mandat politique, ou modifier la loi électorale. Pour faire plus simple, il suffirait aux députés de consacrer des droits au profit des femmes élues enceintes et, plus largement, de tout parent élu dans le règlement de la Chambre ainsi que dans une proposition de loi portant modification de la loi électorale.
Il faudrait toutefois veiller à ce que cette protection puisse être étendue aux élus locaux. Le débat est relancé.