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Délocalisation en Inde : les 674 salariés de SES à bout de nerfs


À Betzdorf, le personnel est mis à rude épreuve, après trois plans de maintien dans l’emploi en quatre ans.

Alors que le climat de travail s’est nettement dégradé ces dernières années chez le géant luxembourgeois des satellites, les employés doivent affronter un nouveau coup de massue.

C’est en lisant la presse que les salariés ont appris la nouvelle, la direction n’ayant pas jugé utile de les informer : SES, l’opérateur de satellites implanté à Betzdorf depuis près de 40 ans, prévoit la délocalisation d’une grande partie de ses postes en Inde, six mois tout juste après avoir absorbé l’américain Intelsat.

Pour le moment, impossible de savoir exactement combien de postes luxembourgeois seront concernés. «La phase d’information et de consultation, qui permet aux syndicats d’obtenir des réponses de la part de la direction, va se poursuivre sans doute jusqu’à la fin de la semaine prochaine», détaille Julie Roden, secrétaire centrale de l’OGBL. Ce n’est qu’à l’issue de cette période que le couperet va tomber.

Par le passé, SES avait lancé plusieurs restructurations, toujours en interne, jusqu’à l’ouverture de bureaux en Roumanie après la crise sanitaire en 2020. Mais il ne s’agissait là que d’une poignée de postes. «Cette fois, c’est différent. SES veut s’implanter pour de bon sur le marché indien et externaliser massivement ses services vers ce pays.»

Un nouveau coup sur la tête des 674 employés, qui n’ont affronté pas moins de trois plans de maintien dans l’emploi en quatre ans à peine. Sans oublier qu’un autre grand bouleversement s’annonce pour 2025 avec l’intégration d’Intelsat, acquis par SES en avril dernier pour 2,8 milliards d’euros. Là encore, avec d’importantes répercussions sur les salariés. «La direction n’a pas encore communiqué officiellement avec le personnel, ni sur les modalités de cette délocalisation indienne, ni sur le nombre de postes potentiellement supprimés au Luxembourg», déplore l’OGBL.

Désormais, la confiance est rompue. «Non seulement le personnel ne peut plus travailler sereinement depuis plusieurs années, mais cela révèle un sérieux problème de gestion», pointe Julie Roden.

Dès août, les syndicats avaient demandé des engagements clairs de la part du gouvernement, qui détient 17 % de SES et dispose d’un tiers des droits de vote. «Comment les représentants de l’État à la table du conseil d’administration ont-ils pu donner leur aval à une telle délocalisation, avec un impact aussi important sur l’emploi local ?», s’interroge la syndicaliste, citant les aides étatiques perçues lors des plans de maintien dans l’emploi successifs et qui ont maintenant un goût amer.

Stress, tensions et surmenage

Au fil des échos recueillis auprès des employés se dessinent des situations graves. Des personnes surmenées, qui enchaînent les heures de travail pour combler le départ de collègues, d’autres qui négligent leur santé, préférant reporter des interventions chirurgicales de peur d’être mises à la porte, d’autres encore qui ne prennent plus de vacances et ont supprimé tous leurs loisirs, pour épargner leur argent, au cas où. Les salariés rapportent aussi une mauvaise ambiance de travail, plombée par le stress omniprésent et des tensions quotidiennes.

De nouvelles réunions sont planifiées ces prochains jours, avant le lancement d’une procédure de licenciement collectif qui apparaît inéluctable. Les négociations pour un plan social n’excédant pas 15 jours, le personnel devrait être fixé sur son sort en décembre.

«On met toute notre vie en suspens»

Une employée de SES témoigne : «Depuis la nomination du nouveau PDG, on est plongés dans l’incertitude quant à la sécurité de notre travail. Et la situation va encore se dégrader, puisque, après cette délocalisation en Inde, il y aura encore l’intégration d’Intelsat l’année prochaine.»

«Si on cumule tout ça, on voit que ça donne une très longue période d’insécurité, avec un impact important sur notre santé mentale et physique. Nos familles en subissent les conséquences. On met toute notre vie en suspens, en économisant chaque centime, tout simplement parce qu’on a peur de perdre notre emploi à n’importe quel moment.»

Sans compter que ces postes hautement spécialisés n’ont pas vraiment d’équivalent au Luxembourg : «Un grand nombre d’ingénieurs risquent de ne pas avoir beaucoup d’opportunités de travail.»