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Festival Game On : «Faire du jeu un art à part entière»


Avec les conseils des bénévoles, les visiteurs ont pu découvrir et essayer des jeux méconnus et mis en avant par le festival. (photo Hervé Montaigu)

Durant tout le week-end, aux Rotondes, le festival Game On a mis en valeur le jeu, qu’il soit pour enfants, en plateau ou numérique. L’occasion aussi de rendre au jeu ses lettres de noblesse.

Aux Rotondes, dimanche, un joyeux brouhaha et des rires sortaient de l’une des deux anciennes remises pour locomotives, où se tenait le dernier jour du festival Game On. Organisé par l’ASBL éponyme, le Centre d’animation pédagogique et de loisirs (Capel) de la Ville et les clubs de jeux Spillfabrik et Social Gaming Luxembourg, l’événement a «pour but de rassembler le monde ludique du Luxembourg», rappelle Jean-Claude Pellin, le président de l’ASBL Game On.

Afin d’y parvenir, les organisateurs ont pu compter sur une diversité d’activités qui ont débuté jeudi avec l’«Educator’s Day», une journée dédiée à l’utilisation du jeu dans l’éducation, que ce soit à l’école ou en maison de jeunes. Comme nouveauté cette année, la journée de vendredi était, elle aussi, réservée aux personnels de l’éducation non formelle afin de leur permettre de bénéficier d’une formation sur un logiciel d’illustration à des fins d’utilisation en structures de jeunes. C’est à partir de samedi que le grand public a pu pénétrer dans la Rotonde 1, où le jeu et la bonne humeur ont régné durant tout un week-end.

«On ne va pas jouer au Monopoly»

Comme activité phare du festival se trouve forcément la pratique du jeu décliné sous toutes ses formes et pour tous les âges. «Pour les tout-petits et les familles, ce sont les jeux en bois qui sont les plus appropriés, car ce sont des jeux de dextérité qui s’expliquent par eux-mêmes quand on les voit», présente Jean-Claude Pellin. Le service Capel a aussi mis à disposition des jeux pour enfants destinés aux moins de 8 ans et présentés par des étudiants qui expliquent les règles. Passé cet âge, des explications et des coups de pouce sont tout de même parfois nécessaires. Sur les tables de jeux gérées par les clubs de jeux, les adhérents de ces derniers déambulent parmi les joueurs afin de préciser une règle ou de lancer une partie.

Et pour cause, les jeux à disposition ne sont pas les plus populaires, ceux avec des règles connues de tous. «On ne va pas jouer au Monopoly avec les gens», lance le président. «On souhaite faire découvrir les jeux qui existent en dehors de ceux que l’on connaît pour montrer la richesse du jeu et qu’il y a de belles créations artistiques.»

Malgré tout, des classiques comme le Cluedo sont présents parmi les stands de vendeurs. «Sans vouloir devenir un événement commercial», les organisateurs ont tout de même réservé des espaces à la vente, car «c’est une demande des gens». «Une fois que les gens ont compris le jeu, souvent, ils veulent l’acheter après», explique Jean-Claude Pellin, qui trouve d’ailleurs que «cette démonstration manque dans les boutiques». Des achats ont également lieu sur le marché de seconde main dont les vendeurs sont uniquement les adhérents des clubs Spillfabrik et Social Gaming. Un marché qui rencontre du succès puisque certains en repartent le sac rempli de bonnes affaires, car «la qualité des jeux est bonne et cela, les gens le savent. Dès le samedi, ils viennent trouver leur bonheur».

Message culturel et politique

Devenu incontournable, le jeu numérique est aussi au cœur du festival, qui «ne veut surtout pas dire que jouer sur tablette ou console, c’est moins bien qu’un jeu de société classique», explique le président de l’ASBL Game On. Sous la coupole de la grande salle se trouvaient des ordinateurs ou des consoles pour permettre aux enfants de jouer à EA Sports FC, à Minecraft ou à des jeux de tir, sous l’œil de leurs parents, pas toujours en faveur des jeux vidéo. «On essaye plutôt de les pousser à faire des jeux de société ensemble pour qu’il y ait de l’interaction sociale», confie un père, pourtant «ex-addict aux jeux». Malgré sa crainte de la dépendance et de l’isolement, l’ancien joueur de Diablo apprend à son fils «à s’autogérer, à se limiter, car à un moment donné, il finira par être indépendant».

Pour les parents craintifs quant à l’envie de leur enfant de travailler dans le jeu vidéo, le lycée des Arts et Métiers de Luxembourg a pu en rassurer certains via son stand d’information sur le cursus BTS de programmation et design de jeux. «Beaucoup de jeunes sont venus me poser des questions, car, comme moi, ils sont passionnés de jeux», raconte Joe, étudiant en première année du BTS venu présenter les programmes et les débouchés plus au moins connus dans l’industrie du jeu.

Ce volet professionnel permet aussi de démontrer la richesse du jeu, chère au festival, qui souhaite «que le jeu soit un art à part entière, aux côtés des arts plastiques ou du théâtre». D’ailleurs, une pièce de théâtre durant laquelle le public est également impliqué en tant qu’acteur a été jouée. Malgré cette volonté de valorisation, le président de l’ASBL Game On promet que «l’événement va rester gratuit, car cela me tient à cœur que le jeu reste accessible à tous». À ses yeux, le festival est également un «message politique pour exprimer les besoins, comme avoir des ludothèques ou plus d’événements comme celui-ci».

«Une relation étroite entre le gameplay et l’illustration»

Respectivement illustratrice de jeu de société et graphiste depuis une dizaine d’années, Camille Chaussy et Valériane Holley sont venues de Grenoble afin d’exposer leur travail au festival Game On et mettre ainsi en valeur le rôle parfois méconnu mais primordial de l’illustration dans le jeu.

Comment s’effectue la création visuelle d’un jeu?

Valériane Holley : En général, on intervient quand la partie autorat est bien avancée, qu’un prototype a été fait, que le jeu tourne et qu’un contrat a été signé avec un éditeur. L’illustrateur va prendre le jeu avec un cahier des charges sur l’univers du jeu. Et moi, en tant que graphiste, je vais venir intégrer les illustrations dans le jeu pour qu’elles soient lisibles et ensuite intégrer des graphismes pour permettre la jouabilité. Il y a vraiment une complémentarité entre le graphisme et l’illustration.

Camille Chaussy : C’est l’éditeur qui est un peu le chef d’orchestre. On travaille en équipe, on a des réunions, mais on ne va pas directement se faire des retours, sauf si on ne travaille que toutes les deux seules, comme sur une affiche par exemple.

Existe-t-il de grandes étapes de la création à respecter?

C. C. : Souvent, on a une date de sortie idéale qui tombe sur la date d’un festival qui marque l’année et, en fonction de cela, on fait un rétroplanning en prenant en compte le temps d’impression parfois long. Il y a donc des dates afin de valider les croquis, puis pour valider les couleurs, puis pour avoir toutes les cartes par exemple. Il peut y avoir de la pression, car en tant que freelance, on peut être sur trois ou cinq projets à côté.

V. H. : Et puis, cela peut être des projets avec différents univers, que ce soit un jeu pour enfants ou adultes, donc il faut savoir s’adapter. Chaque projet ne demande pas les mêmes compétences.

Comment faites-vous pour composer différentes empreintes visuelles?

C. C. : J’adore explorer. Je fais un jeu dans un style et, pour le prochain, je peux tenter vraiment autre chose. Je mélange les médiums, cela peut aller de l’aquarelle sur papier au tout numérique. C’est en fonction de mon humeur. Je m’inspire de l’art sous toutes ses formes. Une de mes passions est de contempler ou d’écouter de la musique.

V. H. : Certains jeux s’ouvrent à l’exploration, alors que, pour d’autres, l’éditeur peut nous dire de refaire telle ou telle chose. C’est une discussion et le timing joue beaucoup, car l’exploration prend du temps. Si on en a peu, on se base plus sur nos acquis.

Faut-il être joueur pour illustrer des jeux ?

V. H. : Je pense que c’est plus facile, car c’est un médium particulier et il y a une relation étroite entre le gameplay et l’illustration. Être joueur permet de comprendre ces contraintes, car on n’est pas toujours amené à tester les jeux. Il faut savoir se projeter et, sans être joueur, cela peut être compliqué.

C. C. : C’est forcément un plus, car l’illustration est au service du jeu, ce qui marque une différence avec un livre par exemple.

Recueilli par M. K.