Accueil | A la Une | Un policier de la garde rapprochée du Grand-Duc face aux juges

Un policier de la garde rapprochée du Grand-Duc face aux juges


Leur relation était tumultueuse et s’est terminée par une salve de coups de feu. (Photo : archives lq)

Le policier a fait usage de son arme de service à son domicile en présence de son ancienne compagne. Il est accusé d’avoir voulu l’intimider pour sortir d’une relation toxique.

L’amour a fait tourner la tête à un ancien policier de la garde rapprochée du Grand-Duc. Au mois d’avril 2021, l’homme de 43 ans a fait feu avec son arme de service à cinq reprises à l’intérieur de son appartement de Bonnevoie. Quatre balles ont atterri dans une armoire, la cinquième a traversé une de ses jambes. Il a comparu mardi et hier face à la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour avoir violé l’interdiction de tirer avec des armes à feu dans certains lieux.

L’enquête qui a suivi l’incident a permis de découvrir d’autres pratiques peu compatibles avec sa fonction de policier, comme le fait d’avoir exercé des menaces sur son ancienne compagne, d’avoir recherché des informations sur des tiers dans le fichier central de la police dans son intérêt privé ou d’avoir enregistré des discussions à l’insu de personnes.

Le prévenu a expliqué en être arrivé à de telles extrémités après «s’être perdu dans ses sentiments» pour sa compagne avec qui il vivait une relation toxique gangrenée par la jalousie et la peur de l’abandon. Il aurait tiré les coups de feu pour mettre un terme «à ce stress» et aux disputes. Pas dans l’intention de la menacer ou de lui faire du mal. Mais alors, pourquoi avait-il conservé son arme de service avec lui au lieu de la mettre en sécurité?

Leur relation n’aura duré que cinq mois, mais elle aura été intense au point, dit l’avocate de la défense, de faire perdre pied au policier et de faire basculer sa vie privée et sa vie professionnelle. Aujourd’hui suspendu de ses fonctions et sous contrôle judiciaire, le prévenu a récemment remis sa démission.

Manipulateur ou soumis?

Une dispute a dégénéré dans la nuit du 17 au 18 avril 2021, au cours de laquelle le policier a dégainé son arme de service. Immédiatement après les faits, le couple avait livré une version identique. Un an plus tard, la jeune femme avait donné un récit plus plausible à l’enquêteur de l’Inspection générale de la police (IGP). «Ce récit était corroboré par les éléments révélés par l’enquête», a précisé la représentante du ministère public.

La victime présumée, à la tête d’un cabaret, aurait pris peur. Le policier n’en était, selon elle, pas à ses premières menaces à son encontre. L’après-midi des faits, il lui avait déjà montré son pistolet. Amoureux fou, il avait une drôle de manière de le déclarer. L’enquête de l’Inspection générale de la police a révélé qu’il lui avait offert une urne funéraire, réservé une place dans le caveau familial et l’avait inscrite comme bénéficiaire de son assurance-vie. Autant de démarches que sa compagne a interprétées comme des menaces.

Pour la représentante du parquet, le prévenu aurait été téléguidé par sa peur de l’abandon et sa jalousie. Il n’aurait pas hésité à jouer de sa position de policier pour manipuler la jeune femme et découvrir des informations privées sur des personnes de son entourage. La magistrate a estimé que le prévenu a agi en pleine possession de ses moyens et que les infractions sont données avant de requérir une peine de trois ans de prison à son encontre et une amende appropriée. Elle ne s’est pas opposée à un sursis probatoire pour lui permettre de suivre une thérapie.

«Il n’a pas tiré autour de lui comme un fou», a souligné l’avocate de l’ancien membre de la garde rapprochée du Grand-Duc, qui dresse un tout autre portrait des deux protagonistes. Le prévenu se serait soumis par amour pour son ancienne compagne, qui ne serait pas la jeune femme apeurée qui s’est présentée face au tribunal. Au contraire, elle aurait, prétend l’avocate, encouragé le prévenu à effectuer certaines recherches dans le fichier central et inventé des menaces.

«Mon client voulait être entendu, il n’a pas utilisé son arme pour menacer» ou passer pour un mâle alpha costaud avec son arme à feu, a estimé l’avocate, jugeant que le prévenu «n’est pas indigne d’un sursis intégral». Elle a également soulevé le dépassement du délai raisonnable pour obtenir une réduction de peine.

Le prononcé est fixé au 14 novembre prochain.