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Christine Majerus : «J’ai fait ce que j’avais envie de faire»


«J'ai veillé à ne pas être dégoûtée, à ne pas faire la saison de trop», explique Christine Majerus. (Photo : anouk flesch)

Christine Majerus est en retraite depuis ce lundi matin. La championne luxembourgeoise a mis hier un terme à sa longue carrière. Le moment de faire le point pour celle qui a marqué le sport luxembourgeois et est restée longtemps au haut niveau mondial d’une discipline qu’elle a vu évoluer.

Le rendez-vous avait été donné à Waterloo à la veille des Mondiaux de gravel qu’elle finira à la douzième place. Ce vendredi après-midi, Christine Majerus a fait défiler par séquences et avec beaucoup d’émotion le fil de sa carrière qu’elle vient de rompre hier à Arnhem, terme du Simac Ladies Tour, sa dernière course sur route professionnelle.

Vous avez terminé votre carrière. Réalisez-vous que votre quotidien sera complètement différent ?

Christine Majerus : J’espère que je vais trouver de nouvelles occupations. J’ai fait un bon travail pendant toute la saison afin de ne pas trop réfléchir à ça. J’ai évité de voir mes dernières courses comme étant des derniers évènements. Je réalise que cela ajoute une pointe de nostalgie et enlève un peu d’influx nerveux et de la performance également. Je pense que j’ai fait un bon job jusqu’au bout. Je peux me permettre désormais de partir un peu dans la nostalgie.

Vous êtes-vous demandé, au cours de cette année, si vous pouviez prolonger votre carrière encore un peu ?

Ma décision était claire. Mais c’est vrai qu’il y a des moments où on se dit qu’on a encore le niveau. Qu’on peut encore prolonger d’une saison ou deux. Ce n’est pas ça le problème. J’ai toujours dit que lorsqu’il y avait plus de contraintes que de plaisir, alors il fallait réfléchir à la suite. Je veux garder toutes ces années dans le souvenir et choisir le bon moment de partir en fait aussi partie. J’ai veillé à ne pas être dégoûtée, à ne pas faire la saison de trop. Alors lorsqu’on fait de belles courses avec les meilleures, on pourrait être tentée de prolonger. Ce serait la facilité. Je pense que je suis prête à passer à autre chose. Depuis douze ans, je suis pro. Plus, avec les années précédentes en amateur. On peut dire que j’ai fait le tour de la question. J’ai été actrice dans les belles courses. Il y a une certaine lassitude qui s’est ajoutée. Cela reste du sport, un métier où ton corps est ton outil de travail et où le temps ne passe pas inaperçu. Cela ne devient pas plus facile. Tous les mois, j’ai autre chose et c’est tout à fait normal. Je pense que j’ai assez bien géré la fatigue physique et mentale jusque-là. Sinon, je n’aurais pas pu faire une longue carrière. Mais je sais reconnaître aussi les appels au secours du corps. Il vaut mieux s’arrêter que de tout sacrifier. Si c’était un métier normal, entre guillemets, on n’en parlerait pas, on pourrait continuer éternellement. Mais là, il s’agit de performances.

«Je verrai mon futur job comme j'ai vu mon travail en tant que cycliste», rapporte Christine Majeurs. Photo : anouk flesch

Vous avez ressenti des signes précis ?

Cela fait un moment, oui. C’est aussi pour cela que j’ai dû ralentir le cross, ces dernières années. Mon dos n’aimait pas trop. Il y a des jours meilleurs et des jours moins bien. On peut faire tout le travail qu’il faut… J’ai atteint ce que je considère comme raisonnable. Personne ne m’en voudra si, à 37 ans, je m’arrête. C’était cool. Et il faut chercher autre chose.

Avez-vous pensé à l’empreinte que vous allez laisser ?

Je pense être quelqu’un d’humble, je l’espère en tout cas. Je ne regarde pas ça. J’ai essayé de faire mon job du mieux possible. Pour donner le bon exemple aussi. Si des gens veulent s’en inspirer. Des garçons. Des filles, on s’en fout d’ailleurs. Des étrangers. Des membres de l’équipe. Du peloton. Si j’ai pu inspirer un ou une, j’en suis déjà très contente. Le sport féminin, à mes débuts, c’était surtout un hobby pour la plupart des filles. Là, ça devient de plus en plus professionnel. C’est bien, c’est ce qu’on cherchait, ce changement de mentalité. Dans ce contexte-là, je ne sais pas si beaucoup de jeunes ont cette notion de voir ce que les anciens ont fait et de s’en inspirer. Il faut montrer tout de suite sa valeur, ne pas montrer de faiblesse pour avoir un contrat, faire sa place. Ça devient plus dur d’inspirer des jeunes. J’espère que j’ai fait ce que je pouvais, je ne pense pas que j’aurais pu faire mieux.

Ça devient plus dur d’inspirer des jeunes. J’espère que j’ai fait ce que je pouvais, je ne pense pas que j’aurais pu faire mieux

Avez-vous la sensation d’avoir marqué le sport luxembourgeois ?

Pour juger, c’est plus facile pour des gens de l’extérieur. J’ai été élu plusieurs fois athlète de l’année (à sept reprises, en 2013, 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2021). Quand je regarde, je me dis, c’est pas mal (elle rit). J’en suis très, très fière. J’espère que j’ai pu montrer la voie. C’était cool, mais ça s’arrête. Pour des jeunes, cela peut être un déclic pour se dire : voilà le chemin que je veux emprunter. Pour au moins oser, que cela marche ou que cela ne marche pas. C’est dans tous les domaines : on peut finalement se rendre compte que cela n’était pas la bonne voie.

Comment observez-vous le développement du cyclisme féminin ?

On n’était pas reconnues comme aujourd’hui. Les gens, les journalistes, suiveurs et fans s’y sont intéressés au fil du temps. Comme les équipes qui ont mis de l’argent dedans. J’ai eu personnellement la chance d’être soutenue par l’armée, ce qui est formidable au Luxembourg. C’est un outil exceptionnel. Pour en revenir au cyclisme féminin, par rapport à mes débuts, cela n’a plus rien à voir. Même en termes de niveau. Ces cinq dernières années, il y a eu beaucoup d’évolution. On a vu Pauline Ferrand-Prévot, que je connais bien : elle n’avait plus roulé sur route depuis plusieurs années et a fait son retour au championnat du monde. Elle pensait sûrement qu’avec ses watts, cela se passerait mieux. Mais à Zurich, elle n’a pu durer qu’une heure et demie. Cela montre que ce n’est pas une rigolade en fait (elle rit).

Si vous regardez le déroulé global de votre carrière sportive, vous en pensez quoi ?

Je n’ai jamais voulu devenir sportive professionnelle en fait. Cela n’a jamais été dans mes plans. J’ai fait du sport, car j’étais douée pour ça en tant qu’enfant. C’est l’une des choses que mes parents ont super bien faites. J’ai pu goûter à tous les sports. J’ai pu me découvrir en tant que personne. Je voyais le sport en tant que défouloir. Cela me permettait aussi de voir des amis. La compétition n’était pas importante lorsque je faisais de l’athlétisme ou du triathlon. Je suis tombée dans le vélo un peu par hasard. Même avec les Jeux olympiques de Londres, je ne réfléchissais pas du tout à devenir professionnelle. Je faisais mes études (NDLR : en France en UFR STAPS, des études de sport).

C’est après mes études que je me suis dit : « Je ne suis pas mal, est-ce que je peux continuer un peu? » Et ensuite, sans l’armée, j’aurais dû arrêter, c’est certain. En 2013, j’ai rejoint l’équipe Sengers Ladies, je n’avais pas de salaire, uniquement un vélo sous caution. Si je n’avais pas eu l’armée, je n’aurais pas eu de salaire ni d’assurance dans un sport si risqué. J’ai pu me concentrer sur le cyclisme. L’armée m’a permis d’être professionnelle. Tu ne gagnes pas des milliards, hein, mais c’est bien suffisant pour se concentrer sur l’entraînement et tenter de devenir le meilleur athlète que tu puisses être. Ce choix se pose à d’autres athlètes. On vit dans un pays cher et beaucoup privilégient les études et le travail.

Au Luxembourg, on n’aime pas prendre trop de risques financiers. Et c’est un réel risque financier de se lancer dans le sport. Si tu progresses et que tu as un bon contrat, ça vaut le coup. Je suis tombée là-dedans un peu par hasard et une fois qu’on est dans le train, on avance jusqu’à ce qu’on arrive en tête de wagon. Aujourd’hui, les jeunes ont ça comme objectif de carrière. Elles ne font même pas d’études universitaires. Elles ne réfléchissent même pas à ça. Elles sont dans la trame de devenir professionnelles. On a la possibilité de le faire, ce qui n’était pas le cas avant. C’est romantique de se dire que oui, j’ai pu profiter de ma jeunesse. De la pratique des différents sports. Et j’ai fait mes études et ensuite, je suis devenue professionnelle. Lorsque je vois mes coéquipières hollandaises par exemple, elles font des compétitions depuis qu’elles ont douze, treize ans et c’est du sérieux (elle rit). Ce qui explique peut-être leur niveau au final! Du coup, la lassitude que j’ai maintenant, elles la ressentent à 27 ans.

Je suis très fière d’avoir fait partie de cette équipe-là, avec laquelle j’ai grandi. On a grandi ensemble, au point de devenir la meilleure équipe du monde

Depuis 2014, vous êtes dans la même équipe : Boels Dolmans, devenue aujourd’hui SD Worx. Avez-vous songé à changer d’équipe ?

Ce qui m’a convaincue de rester dans cette équipe, c’est qu’elle n’est pas rigide. J’ai eu pas mal de liberté et cela a participé à ma décision de ne pas changer. En plus, j’ai toujours disposé d’un beau programme de courses. J’ai toujours pu faire les meilleures courses. Certes pas en tant que leader. Mais pour des leaders qui étaient là pour gagner. De l’extérieur, on pourrait penser que ce n’est pas très gratifiant comme travail. Mais j’ai appris à aimer ça. Des fois, je me suis un peu oubliée moi-même. Je suis très fière d’avoir fait partie de cette équipe-là, avec laquelle j’ai grandi. On a grandi ensemble, au point de devenir la meilleure équipe du monde. On est devenues championnes du monde par équipes. Toutes les saisons ou presque, nous avions la championne du monde dans notre effectif. Je peux appeler ces gens-là mes amis. J’ai eu d’autres offres et j’ai aussi pensé à partir afin de changer mes habitudes. J’ai pesé au final le pour et le contre. Ce lien que j’ai avec les gens de l’équipe a toujours fait que j’ai toujours prolongé.

De nombreux coureurs disent se sentir comme réduits à l’état de marionnettes dans le monde du cyclisme. Vous êtes d’accord avec ça ?

Oui, on est un peu au cirque (elle réfléchit longuement). Il faut que je reste politiquement correcte (elle rit). Je ne veux pas dire qu’ils s’en foutent à l’UCI. Mais il y a tellement de coureurs que les dommages collatéraux ne font mal qu’un mois ou deux. J’espère d’ailleurs qu’ils se feront attaquer en justice pour ce qui est arrivé en Suisse (NDLR : le décès dans la course juniors des championnats du monde de la Suissesse Muriel Furrer, 18 ans). Ils paieront, mais pour eux, la vie continue. Alors que pour nous, la vie continue, mais différemment. Des fois, elle s’arrête.

Je comprends leur position. Pour eux, il n’y a pas de risque physique. Et sûrement qu’ils font aussi de leur mieux. Je ne pense pas que quelqu’un, à l’UCI, dise : « Ça, ça ferait trop de bien à la sécurité, donc, on ne va pas le faire« . Mais c’est vrai qu’en tant que coureur, on aimerait plus. Pour les coureurs, les familles, les amis. Des fois, ils testent des trucs. Testons par exemple le fait de ne pas avoir d’oreillettes : c’est une grosse connerie. Je vais raconter une histoire.

Christine Majerus (à d.), vendredi après la 4e étape du Simac Ladies Tour, savourait le succès d’étape de Lorena Wiebes (au c.). Photo : @teamsdworx

On vous écoute…

Dans mon équipe, ils se foutent de moi avec ça. J’avais chuté lourdement une fois, justement au Simac Ladies Tour. J’avais atterri dans un fossé. J’avais eu le coup du lapin. J’ai vu tout noir et je ne donnais pas cher de ma nuque. Je suis sortie du fossé pour m’allonger dans un champ avec de l’herbe haute. Personne ne m’a vue. Elena (Cecchini) avait aussi chuté et j’entendais qu’ils la secouraient. Je voyais bien que personne ne m’avait vue. J’ai appelé à l’aide avec mon oreillette. C’est là qu’ils se sont rendu compte que j’étais blessée.

Ils m’auraient sûrement retrouvée sans oreillette. Ce n’est pas comme si j’avais disparu. Mais en tant que coureur, on en connaît l’utilité. Je pense que cette notion de sécurité, c’est beaucoup plus important que le stress généré par des directeurs sportifs qui disent au coureur qu’il faut être devant. De toute façon, on sait qu’il faut être devant. Nous sommes des coureurs professionnels. On connaît les moments clés. Il ne faut pas que les gens s’imaginent que toutes les deux minutes il y a quelqu’un qui nous crie dans l’oreillette : « Faut être devant!, faut être devant! ». Si c’est vraiment le cas, c’est qu’il faut virer le directeur sportif. Car ce serait un mauvais directeur sportif. J’aimerais juste qu’ils cessent de nous prendre pour des testeurs en fait. Car il n’y a rien à tester.

Ma vie n’est pas là pour être testée. J’aimerais juste que l’UCI prenne les bonnes décisions au bon moment et qu’elle arrête de faire de grands discours. Faire des selfies à la fin, lorsque quelqu’un vient de mourir, pour moi, c’était juste insupportable. Ce n’est pas tant qu’il y ait eu cette chute qui me fâche. Car des chutes, ça peut arriver, même si le circuit est sécurisé à 100 %. Les chutes font d’ailleurs partie du cyclisme. Mais cette idée que cette fille était là (NDLR : blessée et sans secours) pendant presque deux heures, que l’arrivée était fermée, que des résultats étaient imprimés, ça me donne envie de vomir. C’est qu’ils n’utilisent pas la technologie qui existe depuis longtemps et que j’ai sur mon Garmin. En cas de chute, ma famille reçoit un message avec mes coordonnées GPS. Ça me révolte. Surtout que nous, les petits coureurs, pas les grands, on reçoit des cartons jaunes si on fait des fautes, des choses qui ne sont pas soi-disant « safe ». Franchement, il faut se regarder dans le miroir de temps en temps.

On sait que l’accident de votre amie Amy Pieters, en décembre 2021, vous a beaucoup touchée…

On le vit toujours. J’ai toujours une amie qui ne parle pas, qui sera dépendante jusqu’à la fin de sa vie. L’être humain, pour se protéger, veut passer à autre chose, ce qui se comprend. C’était quelqu’un de bien trop proche pour moi pour l’oublier. C’est juste la mégamerde en fait. Personne ne mérite ça, que ce soit un ami ou quelqu’un que je déteste. Je ne souhaite ça à personne, à aucune famille, aucune équipe. Aucune coéquipière, aucune adversaire. Je pensais que je pouvais faire face. J’ai continué à courir jusqu’au championnat national (à Ettelbruck). Mais après, cela n’avait plus aucun sens pour moi. Elle m’aurait dit : « Tu fais c.., Christine, va faire ta course ».

Mais je n’avais plus la force mentale de continuer. Je suis fâchée, car c’était ma meilleure amie dans l’équipe. C’était aussi l’amie d’autres personnes. Cela me faciliterait la tâche d’oublier, mais je ne veux pas l’oublier. C’était une coureuse qui mettait l’équipe au premier plan et on partageait le même état d’esprit. C’est peut-être pour ça qu’on s’entendait bien. Il y a tous les jours des accidents dans le cyclisme et d’autres sports, comme en dehors du sport. Quand cela vous concerne – et là encore, je ne suis pas de la famille –, c’est dur. Je n’ose même pas imaginer ce que traversent son copain, sa famille, ses parents, son frère, sa sœur. Le cyclisme, c’est censé être des moments de bonheur, de partage, de tristesse quand tu perds et si tu n’as pas bien fait, mais cela ne devrait pas être ces moments-là. Et je pense que ma mère est très contente que j’arrête.

Les gens qui m’ont aidée, je pourrais dire qu’ils se comptent sur les doigts d’une main. Je vais être sympa et dire de deux mains

On change de registre. Quelle grande joie allez-vous retenir de votre carrière ?

(Christine est émue aux larmes). Je pourrais donner des résultats, des médailles. Toutes les fois où j’ai bien fait, je n’en garde évidemment pas un mauvais souvenir. Au final, je suis plus fière du déroulé. Pas grand monde ne donnait cher de ma peau. Les gens qui m’ont aidée, je pourrais dire qu’ils se comptent sur les doigts d’une main, je vais être sympa et dire de deux mains. D’ailleurs, ils vont se reconnaître. Mais je n’ai pas baissé les bras. Et au final, pour quelqu’un qui n’avait jamais pensé à devenir athlète professionnelle, j’ai participé à quatre Jeux olympiques. J’ai gagné en World Tour. J’ai une belle médaille d’or à la maison. En individuel, je n’étais pas loin d’une médaille également. Ce n’est quand même pas de la merde. Après, tous les athlètes ont des difficultés. Personne n’est soutenu à 100 %. On est tous des battants et je ne veux pas me plaindre envers des clubs, des fédérations, pas du tout.

Ce n’était juste pas de chance d’être dans un sport qui n’était pas considéré comme un sport féminin, qui n’était pas structuré, avec des gens qui rigolaient de nous. Je comprends aussi, je ne leur en veux pas. C’était dans leur éducation. C’est tombé sur d’autres personnes. Nathalie Lamborelle, Isabelle Hoffmann, Anne-Marie Schmit, Chantal Hoffmann, Betty Klein, Betty Kin, Christine Kovelter. On était nombreuses dans ma génération. Toutes ces filles-là, si on leur avait donné un salaire minimum pendant deux ans, elles auraient pu aussi faire leur chemin dans le sport de haut niveau. On ne leur a pas tendu la main et elles ont fait un autre choix que moi, elles sont allées travailler. Ce que je comprends. Il ne faut pas croire que je sois la seule de ma génération qui avait du talent.

C’est peut-être que je suis la seule de ma génération à avoir persisté et à avoir pris le risque de faire différemment et de se retrouver un peu hors des clous de la société. Et de ne pas trop me prendre la tête. J’ai fait ce que j’avais envie de faire. C’est de ça dont je suis le plus fière. À la fin, cela s’est bien passé, j’ai donc eu raison de continuer dans cette voie-là. Mais toutes les victoires, tous les podiums, cela s’oublie. C’est du papier, des médailles qui finiront sûrement dans un tiroir un jour ou l’autre. J’ai la satisfaction d’avoir persisté et réussi.

Votre meilleur souvenir ?

Le titre de championne du monde (NDLR : de contre-la-montre par équipes) restera pour moi, car on travaillait depuis quelques années pour ça et c’était très symbolique en fait. J’ai toujours tout donné pour mon équipe, les leaders que j’avais. J’ai beaucoup sacrifié en termes de résultats personnels et, ce jour-là, c’est comme si on m’avait payée en retour. Cela m’a émue de partager ça. Imaginons que je remporte le titre individuel – je ne dis pas non (elle rit) –, je pense que j’aurais vécu ce moment-là de façon moins intense que ce que j’ai vécu avec mes amies. D’un point de vue sportif, c’est peut-être le meilleur moment.

Après, je gagne au Luxembourg, le Festival Elsy Jacobs (en 2017). C’est une course de moindre importance, mais on dit toujours que c’est difficile de gagner à la maison. Je l’ai fait et, franchement, j’étais plus contente de donner ça en retour au club (NDLR : le SAF Cessange, qui organise cette course). Je n’ai raté aucune édition. Je sais combien d’heures de travail font les bénévoles du club. Et c’est devenu de plus en plus dur pour eux d’exister. J’ai pu leur donner ça en retour. Sur le papier, ce sont des courses qui ne valent rien aux yeux des étrangers, mais c’était important pour moi de les inscrire sur mon palmarès.

Un regret ?

La pandémie. J’ai eu mes meilleures années en 2018 et 2019. J’ai commencé 2020 avec un podium au Grand Prix Samyn, j’avais battu Lotte Kopecky dans un sprint de 300 mètres. Tout partait bien, puis c’est comme si on m’avait coupé l’herbe sous le pied. Après cette année-là, je me suis entraînée et je me sentais bien. Mais au retour de 2021, c’était autre chose. Les coureurs et les équipes ont peut-être changé de vision sur les choses. Cela a rendu les gens plus égoïstes.

On a eu l’impression qu’il fallait prendre tout ce qui était à prendre au moment où c’était là. C’est un changement de mentalité qui ne m’a pas vraiment réussi. 2020 aurait pu être ma meilleure saison et, au final, j’ai eu dix jours de course (NDLR : seize jours précisément). Après 2019, mon niveau n’avait pas changé et c’est devenu plus dur pour moi.

J’ai tout mis au placard pour être tranquille durant ma saison. Et après le Tour de France, je l’ai ouvert, tout m’est tombé dessus (elle rit)

La pratique du sport, vous comptez continuer ?

J’espère que j’aurai le temps. C’est important en tant qu’ancien athlète de continuer. Mine de rien, c’est un peu une drogue et ton corps en a besoin. Une bonne drogue, la seule que j’accepte. Je ne vais pas couper tout de suite et ce n’est pas dans mes habitudes.

Et votre reconversion, vous savez en quoi elle va consister ?

Je n’ai pas encore décidé. Cela prend pas mal d’énergie (elle rit). Je suis reconduite jusqu’à la fin de l’année par l’armée et je vais pouvoir finaliser mes dossiers. Je leur suis reconnaissante. J’ai deux, trois touches, cela dépend de mon prochain rendez-vous. J’aimerais bien rester dans le sport d’une façon ou d’une autre. J’aimerais bien aussi m’en éloigner (elle rit). D’un côté, cela me ferait du bien de voir autre chose, de relever d’autres défis. De voir d’autres gens. Et d’un autre côté, j’aimerais bien redonner également au sport qui m’a tant donné. J’hésite entre les deux options. Même si je m’en éloigne, j’imagine aussi que je peux revenir, et l’inverse! Il est vrai que j’ai tapé aux portes en début d’année, car il fallait que je sache dans quelle direction aller.

Après, j’ai tout mis au placard pour être tranquille durant ma saison. Et après le Tour de France, je l’ai ouvert, tout m’est tombé dessus (elle rit)! Ça prend pas mal de temps et d’énergie. Le souci, c’est que je suis quelqu’un qui donne tout. Je verrai mon job comme j’ai vu mon travail en tant que cycliste. Je veux être sûre que ce sera aussi le cas pour la personne en face de moi. Je me pose juste beaucoup trop de questions, peut-être. Je dois réaliser qu’on peut aussi changer. Je réagis comme si ma décision allait changer le reste de ma vie, alors qu’on peut changer. Je devrais être un peu plus cool par rapport à ça. Mais je suis sûre que cela se passera bien. En tout cas, je suis motivée à donner tout ce que j’ai.

«Amy (Pieters) m'aurait dit : "Tu fais c.., Christine, va faire ta course".» Photo : anouk flesch

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