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Dans les pays arabes, un soutien populaire aux Palestiniens renouvelé mais sans effet


Le conflit entre Israël et le Hamas relance le soutien populaire à la Palestine. (Photo AFP)

A travers le monde arabe, la guerre à Gaza a redonné un élan populaire à la cause palestinienne cette dernière année, mais les autorités ne cèdent pas aux appels à durcir le ton vis-à-vis d’Israël ou à suspendre les relations bilatérales.

Le 7 octobre 2023, une attaque sans précédent du Hamas provoque la mort de 1 205 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur les chiffres officiels israéliens et incluant les otages morts ou tués en captivité à Gaza. Les représailles militaires israéliennes font au moins 41 689 morts dans la bande de Gaza, en majorité des civils, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l’ONU.

Les gouvernements arabes ont unanimement condamné la guerre mais, hormis le refus saoudien de toute normalisation sans l’établissement d’un Etat palestinien, le conflit, qui déborde au Liban, n’a pas fait bouger les lignes au-delà des critiques verbales. « Notre gouvernement, comme les autres gouvernements arabes, ignore les demandes de son peuple, dont l’expulsion de l’ambassadeur israélien », regrettait, lors d’un rassemblement à Manama mi-septembre, Ahmed, un Bahreïni de 27 ans ayant souhaité taire son patronyme.

Seuls les médiateurs traditionnels (Egypte, Qatar) se sont impliqués dans des négociations et la riposte la plus forte est venue mardi de tirs de missiles iraniens. « Abroger l’accord de paix servira-t-il la Palestine et la Jordanie? Nous ne le pensons pas », a récemment déclaré le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, concédant que le traité de 1994 signé avec Israël était « recouvert d’une couche de poussière ».

Dans la rue pourtant, là où ils sont tolérés, les appels sont nombreux. « La normalisation est un acte de trahison », peut-on lire à Amman mais aussi à Bahreïn et au Maroc qui, à l’instar des Emirats arabes unis, ont normalisé leurs relations avec Israël en 2020 sous l’impulsion de Washington.

D’après Rachid Fellouli, membre du Groupe d’action nationale pour la Palestine, 5 000 sit-in ont été organisés en un an au Maroc, en plus de marches nationales très encadrées ayant rassemblé plusieurs fois des milliers de personnes, brûlant occasionnellement des drapeaux israéliens.

Des « émotions » à exprimer face à la guerre

Lui qui manifeste deux fois par semaine à Rabat dit ne trouver de réjouissance que dans la mobilisation d’une « nouvelle génération » pro-palestinienne, qui ne fait toutefois pas ciller les autorités. Les pays qui se sont rapprochés d’Israël « avaient des raisons de le faire et ces raisons sont toujours valables », relève Hussein Ibish, analyste à l’Arab Gulf States Institute, basé à Washington.

Accords de sécurité, soutien diplomatique, transfert de technologie militaire ou appui des Etats-Unis: il y a trop d’intérêts en jeu pour opérer une volte-face, abonde Riccardo Fabiani, directeur Afrique du Nord à l’International Crisis Group (ICG). « Il y a aussi la question de ne pas céder à la pression de la population, ce qui serait un précédent très dangereux pour pas mal de ces pays », observe-t-il.

Le « cauchemar » de la région, précise Hussein Ibish, ce sont « toutes les revendications du Printemps arabe qui sont restées sans réponse » et qui « finiront par réapparaître ». « Le calcul est que si vous réprimez (les manifestations pro-palestiniennes), vous donnez de la voix à ceux qui pourraient dire +Et quid de la mauvaise gestion, de la cruauté, de l’absence d’Etat de droit, du chômage, du pain et de l’eau, etc?+ », analyse-t-il.

Tout en récusant l’idée d’une « rue arabe » uniforme, il note que les populations sont largement détachées des processus de décision, cadenassés par les dirigeants. Il leur reste des « émotions » à exprimer face à la guerre. Les autorités « ont décidé qu’autoriser les manifestations permettrait de relâcher la pression et que ce serait plus sûr », résume Hussein Ibish.

« Nous n’oublierons pas »

Lorsqu’interdit dans la rue, le soutien pro-palestinien prend d’autres formes. En Egypte, premier pays arabe à avoir signé un traité de paix avec Israël en 1979 et où des rassemblements ont vite été dispersés l’an dernier, il passe par une campagne de boycott d’entreprises perçues comme proches d’Israël.

« La Palestine n’est pas l’affaire des seuls Palestiniens », proclament les créateurs d’une application mobile téléchargée plus d’un million de fois, permettant de scanner et de déterminer si des produits proviennent de ces entreprises. « Je dirais que c’est plutôt évident qu’il n’y a pas d’impact », soulève Riccardo Fabiani.

« Mais il y a des générations qui ont grandi après le printemps arabe (à partir de 2011) qui n’ont jamais connu cette possibilité d’exprimer librement leurs opinions et qui viennent de prendre conscience des questions politiques à travers la question palestinienne ». « La question qui se pose est, si d’ici cinq ou dix ans, on verra de nouvelles générations politiques émerger dans ces pays », ajoute-t-il.

En attendant, la parole est parfois plus libre sur les réseaux sociaux, où le même hashtag en arabe revient depuis un an: « Nous n’oublierons pas ».

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