Deux jours après la visite du souverain pontife à Luxembourg, le président de l’association des athées, humanistes et libres penseurs (AHA), Bob Reuter, s’interroge toujours sur l’accueil grandiloquent réservé au Saint-Père.
C’était déjà un sujet qui avait suscité de «vives inquiétudes» en ce début de semaine. Rappelez-vous, la venue du pape François au Luxembourg, ce jeudi 26 septembre, n’avait pas fait que des heureux. L’association des athées, humanistes et libres penseurs du pays (AHA), par la voix notamment de Bob Reuter, son président, avait fait part de ses interrogations quant à la présence du souverain pontife sur le sol luxembourgeois. Mais aussi et surtout, sur l’affectation des ressources de l’État pour cette escapade initiée par le Grand-Duc Henri.
Quelques heures après le passage éclair du chef du Vatican dans la capitale, les mots restent sensiblement les mêmes. Si ce professeur à l’université du Luxembourg ne s’attend à aucune réponse de la part de l’archevêché ou des politiques, il maintient que son association ne «pouvait pas se taire» : «Certains nous ont dit qu’on pouvait en faire un « non-événement », ne pas en parler du tout. Nous aurions pu, c’est vrai, mais c’est un événement sociétal, il fallait exprimer nos doutes», explique-t-il.
Bien qu’il assure que le but de cette missive n’était pas «nécessairement de commenter ou d’analyser le déroulé de la journée» ou encore de «faire des reproches», il s’étonne toutefois du silence des députés sur toute cette affaire : «aucune question parlementaire n’a été posée à ce sujet. Personne ne s’est interrogé sur l’objectif derrière cette invitation. Quel était l’agenda politique? Pourquoi en faire un événement aussi grand?» Un «retour en arrière», notamment vis-à-vis de la séparation entre l’État et la religion, que regrette le président de l’AHA.
Plus people qu’autre chose
Et l’improvisation du pape François lors de son discours au Cercle Cité n’arrange visiblement pas les choses… «J’ai vu le taux de natalité. S’il vous plaît : plus d’enfants… c’est l’avenir. Je ne dis pas « plus d’enfants et moins de chiots », cela je le dis en Italie, mais à vous : plus d’enfants», a-t-il lancé en italien. Une recommandation qui ne passe pas. «Je trouve ça complètement absurde qu’un vieil homme qui n’a pas le droit d’être père se permette de donner des leçons aux femmes», s’insurge Bob Reuter, ajoutant «c’est assez bizarre que l’État luxembourgeois accueille et soit révérencieux envers un homme qui représente une institution qui n’est pas en accord avec les valeurs européennes».
Bob Reuter l’assure : il n’interdit rien et ne s’offusque pas de la venue du pape François pour voir ses fidèles luxembourgeois. Mais l’invitation personnelle du Grand-Duc Henri et le statut même de cette visite posent question, selon lui. «Tout le monde n’est pas émerveillé par la visite du pape François. Si ça avait été le roi Charles, il y aurait eu plus de monde. C’était un événement people plus qu’autre chose.»
Les femmes «inquiètes» et «indignées»
Les propos du pape François sur la natalité luxembourgeoise n’ont pas seulement indigné les membres de l’AHA. Hier, plusieurs associations féministes (mais pas que) se sont offusquées via un communiqué commun diffusé à la presse : «Le planning familial et la sexualité sont et restent une affaire privée et il n’appartient ni au pape ni à l’Église catholique de s’en mêler».
Il est aussi question de la position du cardinal de Luxembourg, Jean-Claude Hollerich, sur la question de l’avortement. Dans une interview accordée au Luxemburger Wort, celui-ci s’est en effet montré critique à l’égard de la position de Kamala Harris sur le droit à l’avortement et a exprimé son désaccord avec le droit à l’interruption de grossesse. Il a ainsi qualifié l’avortement de «barbare» et a déclaré qu’il n’acceptait aucune exception en cas de viol ou d’inceste.
Des déclarations misogynes qui «reflètent la position de l’Église catholique sur ce sujet et ne constituent pas seulement une attaque contre le droit des femmes à l’autodétermination, mais ignorent les circonstances complexes, personnelles et souvent traumatisantes dans lesquelles les femmes décident d’avorter», ont souligné les associations CID Fraen an Gender, Femmes en détresse, Femmes socialistes, déi gréng, déi jonk gréng, déi Lénk, OGBL Equality, Passerelle, Planning Familial et Sweet Joséphine dans leur communiqué.
«Nous demandons à l’Église catholique et à ses représentants de mener le dialogue sur l’avortement et les droits des femmes sur la base du respect, de l’empathie et de la compréhension de la complexité du sujet, plutôt que de s’en tenir à des condamnations morales et à des positions dogmatiques», ont-elles conclu.