Il y a un an, la maison de séjour et de soins de l’Association Luxembourg Alzheimer inaugurait la première unité du pays dédiée aux jeunes patients atteints de démences.
Dans la campagne du nord du Luxembourg, à Erpeldange-sur-Sûre, se trouve la maison de séjour et de soins de l’Association Luxembourg Alzheimer (ALA). Ici, des personnes souffrant de démences sont accompagnées et guidées dans leur vie face à la maladie.
Inauguré en 2007, cet établissement accueille, aujourd’hui, 153 résidents. Et depuis un an, il s’est aussi agrandi. Face à une demande toujours plus croissante, une unité de soins dédiée aux jeunes personnes a vu le jour. Michèle Halsdorf, chargée de direction, nous a ouvert les portes de la maison «Beim Goldknapp».
Quel est le rôle de cette maison de séjour et de soins ?
Michèle Halsdorf : Notre but principal est d’accompagner les personnes atteintes d’une maladie démentielle, qui malheureusement ne peuvent plus avoir une vie autonome. Ils doivent être aidés et ont besoin d’une présence quotidienne 24 heures sur 24. L’autre objectif de cette maison est de proposer des activités intérieures et extérieures pour stimuler la mémoire de ces personnes.
L’idée est aussi de leur permettre de ne pas se couper du monde extérieur et de garder une vie sociale. Par exemple, au sein de l’établissement, nous avons des cuisines thérapeutiques où les résidents participent à l’élaboration de leurs repas. Durant l’année, nous faisons aussi des sorties dans la commune et même ailleurs.
Comment peut-on définir une démence ?
Il existe de nombreuses maladies démentielles, qui sont souvent neurodégénératives. La plus connue est celle d’Alzheimer qui, par ailleurs, peut être diagnostiquée uniquement au décès du patient, lorsqu’on réalise une biopsie de son cerveau (…). Il y a également les démences mixtes qui mêlent généralement plusieurs maladies, ainsi que les démences vasculaires qui peuvent être engendrées par exemple par un AVC.
De quoi souffrent les personnes atteintes de ces maladies ?
Le symptôme principal est la perte de mémoire. Les personnes oublient, par exemple, des choses essentielles de la vie quotidienne, comme mettre leurs lunettes pour voir ou même manger. Certains malades peuvent également avoir des problèmes d’orientation dans l’espace. D’autres ne reconnaissent plus leur lieu de vie, leur entourage ou eux-mêmes. Par exemple, nous avons déjà rencontré certaines personnes âgées qui nous disent vivre dans le passé. Elles ont 80 ans, mais ont l’impression d’en avoir 25.
Quand elles voient leur visage dans le miroir, elles pensent apercevoir un étranger ou leur parent décédé. C’est pour cette raison que nous mettons un miroir inversé dans leur chambre. Car cela peut être très angoissant pour elles (…). Parmi les autres symptômes des maladies démentielles, on peut citer l’agnosie. Là, les malades ne vont plus savoir comment utiliser un stylo, un téléphone portable ou une fourchette. Mais tous ces symptômes sont très individuels. On dit souvent que chaque résident a sa propre histoire avec la maladie.
Bien que ces démences soient incurables aujourd’hui, voyez-vous des améliorations chez certains patients ?
Je dirais que l’on a les deux cas de figure. Nous avons des personnes chez qui, malheureusement, la maladie prend son propre chemin et s’aggrave. Mais on voit aussi régulièrement des résidents retrouver certaines compétences. C’est aussi notre but : celui qu’ils réussissent à garder leurs facultés le plus longtemps possible (…). En revanche, chez les jeunes patients, la maladie peut vite se compliquer.
Vous évoquez les jeunes patients. Il y a un an, vous avez inauguré la première unité dédiée à ces malades au Luxembourg. Dans quel contexte ce projet a-t-il été décidé ?
Nous avons constaté ces dernières années une forte demande de prise en charge pour des jeunes personnes. Pour éviter de mélanger les différentes générations, nous avons pensé qu’un agrandissement de la maison de séjour et de soins serait pertinent. Aujourd’hui, douze personnes vivent dans cette unité spécifique. Notre plus jeune patient a seulement 44 ans. Et la moyenne d’âge tourne autour de 55-60 ans.
Quels sont les facteurs de développement d’une démence chez les jeunes ?
Cela peut être dû à un problème d’addiction lié à certaines drogues, à l’alcool ou à des médicaments. Le facteur héréditaire, le stress, les traumatismes crâniens engendrés par un accident ou un sport comme la boxe ou le football peuvent aussi jouer dans le développement d’une démence (…). L’important est de ne surtout pas ignorer les premiers symptômes.
Chez les jeunes patients, cela se manifeste souvent au travail. Par exemple, la personne n’arrive plus à réaliser ses tâches, elle s’isole, change d’humeur. Généralement, on va assimiler cela à une dépression ou un burn-out. Mais cela peut être aussi le début d’une démence. Parfois, cette errance médicale peut durer des mois, voire des années. Les patients se sentent incompris, et la maladie, elle, continue de progresser.
Nous avons plus de 200 personnes sur notre liste d’attente
Les maladies démentielles chez les jeunes représentent-elles aujourd’hui un vrai problème de société ?
Clairement, car de plus en plus de jeunes personnes en sont touchées. Et cela soulève plusieurs problématiques. D’une part, celle du financement. Certes, ils peuvent bénéficier d’aides ou de l’assurance dépendance, mais ils n’ont pas de pension pour pouvoir payer leur séjour à la maison de soins. Puis, il y a la question de l’entourage. Souvent, c’est le conjoint qui doit couvrir ces coûts. Et il y a aussi le côté psychologique. Ces personnes ont parfois des enfants qui peuvent être en bas âge. Ils ont aussi encore leurs parents. C’est très difficile pour les proches d’être confrontés à une maladie qui touche généralement les personnes âgées.
Ce samedi, l’Association Luxembourg Alzheimer organise à Luxembourg une marche pour sensibiliser le grand public aux maladies démentielles.
C’est une journée d’information durant laquelle nos résidents, des personnes des foyers, seront présents. Il y a un programme musical, on peut boire et manger quelque chose, c’est vraiment comme une petite fête où tout le monde se rencontre et passe un moment agréable. Ce « Memory Walk« est aussi l’occasion de briser le tabou persistant sur ces maladies qui engendrent de nombreuses appréhensions chez les malades comme dans leur entourage.
Quels sont les futurs projets de la maison de séjour et de soins, et de l’ALA?
D’une part, nous souhaiterions avoir plus de personnel. En raison de la pénurie d’aides-soignants présente au Luxembourg, nous ne pouvons pas ouvrir certaines chambres au sein de notre maison de soins. C’est regrettable, car nous avons beaucoup de demandes. Plus de 200 personnes sont sur notre liste d’attente et 50 en demande d’urgence. L’ALA a également le projet d’ouvrir une deuxième maison de séjour et de soins pour les personnes souffrant de maladies démentielles dans le sud du pays.