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Pensions : pour l’UEL, ce sont les dépenses qu’il faut réformer


Marc Wagener, Michel Reckinger et Nicolas Simons s’affolent face à des projections jugées «très, très optimistes». (Photo : julien garroy)

À la veille des premières concertations sur la réforme des pensions, le patronat prend les devants et trace sa ligne rouge : pas question d’augmenter les cotisations, c’est aux dépenses qu’il faut s’attaquer.

Le fait qu’au sein même du Conseil économique et social, les camps syndical et patronal n’aient pas réussi à se mettre d’accord pour rédiger un avis commun sur le régime général de l’assurance pension donne le ton des débats qui vont s’ouvrir cet automne.

Si le Premier ministre, Luc Frieden, a confié qu’il s’attendait à des échanges «difficiles», la patate chaude revient à sa ministre de la Santé et de la Sécurité sociale, Martine Deprez : ces prochaines semaines, elle va enchaîner les rencontres avec les partenaires sociaux et tous les acteurs impliqués dans ce dossier explosif de la réforme des pensions. La société civile devrait aussi être associée au processus via une plateforme publique.

En convoquant la presse hier, l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) a choisi de tirer la première. Son nouveau directeur, Marc Wagener, et les économistes maison ont décortiqué les projections officielles de l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS). Leur conclusion est claire : alors que le nombre de retraités va bondir de 205 000 en 2022 à 745 000 en 2070, le nombre de contributeurs ne suffira plus pour faire tourner le système. Un actif devant alors assumer, à lui seul, le financement de la pension d’un peu plus d’un retraité.

«Les cotisations ne suffisent déjà plus à payer les pensions»

En clair, une explosion des dépenses et du déficit, selon l’UEL, face à des recettes qui resteraient stables sur la même période. «Les cotisations ne suffisent déjà plus à payer les pensions. Le solde primaire est dans le rouge actuellement», souligne le chef de file des patrons. «Cette dynamique négative pèsera 1,9 milliard d’euros dès 2040. Ce qui nous attend, c’est la fonte de la réserve et la création de dettes colossales à partir de 2047.»

Ce n’est pas l’avis des syndicats, qui comptent sur la croissance économique et l’augmentation de l’emploi pour payer les futures pensions. Une piste balayée : «À supposer que cette hypothèse se réalise, cela ne suffirait encore pas», rétorque le président, Michel Reckinger, alertant par ailleurs sur le fait que le scénario privilégié par l’IGSS est «très, très optimiste».

L’UEL pointe ainsi que, sans réforme, il faudra 900 000 actifs pour financer les pensions des 385 000 salariés qui seront en retraite dans 15 ans. «Est-il pertinent d’anticiper de tels niveaux de croissance de l’emploi pour justifier l’inaction?», attaquent les patrons, citant les problèmes existants de mobilité, de recrutement ou de logement comme autant de freins à ce scénario.

Stop aux pensions «disproportionnées»

Alors, quels leviers activer? Pour l’UEL, qui refuse catégoriquement toute augmentation des cotisations – y voyant un repoussoir pour de potentiels investisseurs étrangers – c’est le volet des dépenses qu’il faut revoir. «Le Luxembourg a le système le plus généreux d’Europe», martèle-t-on.

En premier lieu, l’Union des entreprises luxembourgeoises préconise d’en finir avec «les pensions disproportionnées» à 8 000 ou 10 000 euros, ce qui implique de couper le lien entre cotisations payées et pension versée. Une prise de position qui jure avec la ligne habituelle du patronat, mais que Marc Wagener assume : «C’est un compromis parce qu’on est convaincus que le système actuel n’est pas soutenable», justifie-t-il. «Il faut ramener davantage d’équilibre, et sanctuariser la partie forfaitaire qui n’est pas liée aux cotisations. Le delta entre les pensions les plus basses et les plus élevées sera réduit.»

Autre piste : garder les salariés en emploi le plus longtemps possible, afin de rapprocher l’âge effectif de départ en retraite – autour de 60 ans aujourd’hui – de l’âge légal fixé à 65 ans. «Au Luxembourg, le niveau de pension anticipée est suffisamment confortable pour pousser de nombreuses personnes à partir bien avant 65 ans», fait remarquer l’UEL, qui dément au passage toute volonté de privatisation des retraites. «Nous défendons un système public fort qui permet de vivre correctement. Là-dessus, on rejoint le camp syndical», sourit le directeur.

Le gouvernement a annoncé un débat, là où le patronat réclame une réforme, et d’urgence. La discussion est désormais ouverte tous azimuts, mais à la fin, il s’agira d’un arbitrage politique.

Un commentaire

  1. Patrick Hurst

    Etant donné que les prestations de pension revêtent un caractère de solidarité, il faut bien accepter qu’il y a des limites et un plaffond de 3x le salaire minimum me paraît justifié. Par contre, il faut aussi mettre à contribution les plus gros revenus en évacuant les privilèges comme le régime des fonctionnaires et la dispense de cotisation au-dessus de 5x le salaire minimum. Aussi, la réforme de 2012 n’a manifestement pas contribué à faire travailler les gens plus longtemps… Il y a donc, c’est malheureux à accepter pour les syndicats, un boulon à recerrer de ce côté là. Mais enfin, si tout cela ne suffit pas, il ne faut pas non plus exclure des relèvements de cotisations à 9%.