La maison de soins Elysis d’Esch-sur-Alzette, comme d’autres maisons du pays, emmène ses résidents en sortie à la Schueberfouer. L’occasion de les replonger dans la tradition et dans leurs souvenirs. Reportage.
Vendredi, 10 h. La journée commence sur les chapeaux de roues pour quatre résidents de la maison de soins Elysis d’Esch-sur-Alzette. La première étape de leur journée, c’est de rejoindre en minibus le deuxième établissement de l’ASBL, au Kirchberg. L’arrêt est stratégique pour arriver à bon port. Depuis le quartier de la capitale, le groupe peut rejoindre plus facilement son objectif : la Schueberfouer.
Une fois arrivée, la petite bande n’a plus qu’à attendre quelques minutes sous un abribus avant de pouvoir monter dans le tram, direction le champ du Glacis. Et à peine descendus à l’arrêt du Théâtre, les premières effluves de la foire se font déjà ressentir… Pour le plus grand plaisir des visiteurs d’un jour : «Ça sent déjà la nourriture!», se réjouit madame Schrank, l’une des résidentes.
Une organisation bien rôdée
Véritable institution luxembourgeoise, la Schueberfouer connaît ses habitués et ses petites coutumes. Les sorties de seniors en font partie. Chaque année, les maisons de soins du pays programment des journées ou des après-midi pour emmener leurs résidents à la foire. Une habitude que le groupe Elysis applique depuis le début de son existence : «Ça fait 22 ans que la maison du Kirchberg le fait. Au départ, nous faisions deux sorties par semaine, aujourd’hui, avec le tram, nous pouvons en faire quatre», explique Jérôme Eyraud, kinésithérapeute et accompagnateur de cette sortie. Le pli a vite été pris par la nouvelle maison d’Esch-sur-Alzette, ouverte au mois de janvier. «Nos résidents nous en ont fait la demande.»
L’organisation de ces journées est bien rodée. Après avoir recensé la liste des résidents intéressés, les équipes de la maison d’Esch doivent s’organiser avec le minibus qu’elles partagent avec la maison du Kirchberg. «Nous faisons des groupes avec deux résidents à pied et deux en fauteuil, et il faut obligatoirement deux accompagnateurs», explique le kinésithérapeute. Cela correspond au nombre de places dans le véhicule et cela leur permet aussi, une fois arrivés, de pousser les fauteuils, tout en s’occupant des autres résidents. Cette fois-ci, Jérôme est accompagné de son collègue Janis Mabrak, ergothérapeute. Et les résidents sont unanimes : «On y participe parce qu’on y allait avant, c’est plein de souvenirs.»
Les odeurs de l’enfance
L’idée des sorties à la Schueberfouer ne leur est pas venue par hasard. «Nous nous sommes toujours intéressés aux coutumes et traditions luxembourgeoises», narre Jérôme Eyraud. À l’époque, ils les avaient donc recensées : Schueberfouer, marché de Noël et octave étaient les trois grands évènements retenus. «Nous sommes attachés au fait de leur faire revivre les sorties qu’ils ont faites toute leur vie… Qu’ils faisaient même avec leurs parents quand ils étaient enfants!» Et l’idée marche. Monsieur et madame Humbert, un couple de résidents participant à la sortie, se souviennent des journées passées à la foire avec leurs enfants : «J’ai perdu tellement d’argent ici à cause d’eux», rigole-t-elle. «Je venais une fois par an avec mes parents», se remémore quant à elle madame Schrank.
Le respect des traditions ne s’arrête pas à leur participation. Les traditions s’invitent aussi dans leur programme et –surtout – dans leurs assiettes. Le premier passage, heure oblige, c’est le déjeuner. Ce midi-là, c’est le restaurant «Chez Irène» qui les accueille. «Qu’est-ce qu’il faut prendre pour respecter les traditions?», demande Janis Mabrak, ergothérapeute et deuxième accompagnateur. «Le poisson frit», lui répond madame Schrank sans une once d’hésitation. Il faut dire que c’est l’un des plats best-sellers de la foire. Un plat qui a traversé les générations. «Nous venions parfois juste pour en manger!» À cela s’ajoutent des Gromperekichelcher avec du saumon fumé : «C’est aussi une tradition d’en manger aux fêtes populaires.»
Une fois les ventres bien remplis, c’est l’heure de la balade. Le petit groupe déambule dans les allées de la fête et observe les stands à droite et à gauche. Vêtements, sacs et gadgets en tout genre s’exposent sur les étals. Mais ce qui attire leur attention, ce sont les cacahuètes caramélisées. «Je vais en acheter pour les dames restées à la maison», annonce madame Schrank. La gérante du stand leur fait goûter des petites sucreries et discute avec eux. Et quelques sachets de cacahuètes achetés pour les collègues et les voisins plus tard, la balade reprend.
Leur faire revivre les sorties qu’ils ont faites toute leur vie
Un raton laveur pour madame Schrank
Après quelque temps à marcher, le groupe s’arrête pour boire un café. «C’est fatiguant pour eux de se déplacer dans la foire, le terrain n’est pas plat, il y a de forts risques de chute et la foule ne fait pas forcément attention aux seniors», constate Jérôme Eyraud. Pour recharger les batteries avant de continuer, la pause est donc nécessaire. C’est également un moment de calme, loin des bruits de la foule et des attractions, qui peuvent être difficiles à supporter pour les résidents plus sensibles ou déments, comme monsieur Becker. «Nous tenons quand même à les faire participer et à les mélanger avec d’autres résidents», souligne le kinésithérapeute.
Après cette pause bien méritée, les deux accompagnateurs emmènent les quatre résidents pour jouer. Pour leur permettre de s’amuser sans trop de difficultés, ils choisissent un stand de jeu facilement accessible et manipulable, «Le jeu du bol». Le principe est simple : pour gagner un bon, il faut lancer de petites balles en visant les quelques bols de couleur rouge répartis au milieu de tous les bols jaunes.
Sur le papier, le jeu est plutôt facile, mais dans la réalité, les balles rebondissent et ne finissent jamais à l’endroit espéré. Pour motiver les troupes, Jérôme et Janis les encouragent à base de «Allez-y, vous allez y arriver!». Et après de nombreuses balles lancées, madame Schrank finit par réussir. Elle repart alors avec une peluche en forme de raton laveur : «On la mettra dans le salon!».
15 h sonne l’heure du départ pour la petite troupe. «Partir d’Esch à 10 h et revenir à 16 h 30, ça fait une longue journée pour eux», appuie Janis. Le tram les amène à nouveau vers le plateau du Kirchberg, où ils pourront remonter dans le minibus et reprendre la route vers leur maison de soins. Le trajet se fait dans le calme, le temps de se reposer un peu. «Je préférais avant puisque je pouvais faire les manèges avec mes amis, maintenant, on vient surtout pour manger…», dit madame Schrank, songeuse. «Mais c’était bien, les absents ont toujours tort!», s’exclame-t-elle tout de même, pleine d’enthousiasme.