Le plan européen de répartition des réfugiés se met peu à peu en place: la France s’apprêtait vendredi à accueillir son premier contingent de candidats à l’asile, 19 Erythréens, lors d’une «action expérimentale» préfigurant l’arrivée de 30 000 personnes en deux ans.
Ces demandeurs d’asile (18 hommes et une femme, âgés de 26 ans en moyenne) étaient attendus dans la journée près de Nantes, après un long voyage en bus depuis l’Italie où ils ont transité par des centres d’enregistrement ou «hotspots», a indiqué vendredi le ministère de l’Intérieur dans un communiqué.
Leur nombre reste limité mais il s’agit d’une «première action expérimentale» avant une montée en puissance du dispositif. La France «a proposé à l’Italie et à la Grèce de prendre en charge 200 personnes en novembre, 300 en décembre et 400 en janvier», a précisé le ministre Bernard Cazeneuve.
Ces Erythréens sont en effet les premiers bénéficiaires en France du programme de «relocalisation» sur lequel les Européens se sont mis d’accord en septembre, après de laborieuses discussions, pour se répartir 160 000 personnes selon des critères de population, de PIB, de chômage, d’efforts déjà consentis… Sur ce total, la France s’est engagée à prendre en charge un peu plus de 30 000 personnes en deux ans.
Le mécanisme est encore en rodage: la Grèce a procédé mercredi à sa première relocalisation avec 30 migrants partis au Luxembourg, l’Italie a envoyé 87 personnes en deux fois vers la Suède et la Finlande.
Pour les 19 Erythréens attendus vendredi, la première étape sera l’hébergement en structure d’accueil «à proximité de Nantes». Leur parcours sera ensuite celui, classique, des demandeurs d’asile même si Bernard Cazeneuve, en leur souhaitant «la bienvenue en France», a assuré «que leurs demandes d’asile seront examinées avec une particulière célérité».
Une première évaluation de leur vulnérabilité a été faite dans un centre d’accueil en Italie, après le passage en «hotspot» ou ils ont été enregistrés par des officiers italiens et des équipes de Frontex (l’agence européenne de surveillance des frontières).
Quatre mois
Mais «la véritable instruction aura lieu sur le territoire français. Il y a une présomption de protection mais l’Ofpra décidera de façon souveraine», a indiqué son directeur général Pascal Brice, en précisant que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides organiserait prochainement une «mission foraine» sur place pour instruire leur demande.
La procédure sur leur demande d’asile pourrait ainsi être bouclée en quatre mois.
La France avait déjà pris en charge quelque 600 réfugiés, essentiellement des Syriens, qui étaient arrivés de Munich début septembre, mais il s’agissait d’une opération distincte destinée à soulager l’Allemagne devenue la destination favorite des candidats à l’exil depuis l’été.
De bons connaisseurs du mécanisme soulignent également que, si le choix a été fait de faire partir les réfugiés par petits groupes, c’est aussi parce qu’ils restent encore prudents face à ces programmes de «relocalisation» qu’ils connaissent mal.
«Beaucoup veulent garder la possibilité d’aller en Allemagne», soupire un observateur, qui se dit toutefois convaincu que le dispositif prendra rapidement sa vitesse de croisière.
Le président du Conseil européen Donald Tusk lui-même avait noté mercredi une certaine réticence du côté des migrants: «Comment les convaincre que la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie, la France et l’Espagne sont aussi bien que l’Allemagne et la Suède?»
L’Allemagne se rapproche peu à peu du million de migrants arrivés sur l’année alors que la France devrait connaître en 2015 une hausse de l’ordre de 20% de sa demande d’asile, qui était de 65 000 environ l’an dernier.
Selon le patron de Frontex, l’UE a enregistré 800 000 «entrées illégales» depuis le début de l’année. La Commission européenne a pour sa part chiffré à trois millions le nombre de migrants qui devraient arriver dans l’UE d’ici 2017.
AFP/M.R.