Alors que des courses et des rassemblements illégaux de voitures sont de plus en plus relayés dans les faits divers, les clubs de tuning du pays souffrent de ces évènements.
Rassemblement de tuning. La simple évocation de ces mots fait hérisser les poils des forces de l’ordre et de certains habitants du Grand-Duché. Le dernier exemple en date a eu lieu sur le parking d’un centre commercial à Huldange où des drifts et des feux d’artifice ont nécessité l’intervention de la police ainsi que du CGDIS dans la nuit du 27 au 28 juillet dernier. Bien qu’illégal, ce genre de rassemblement n’étonne plus personne puisqu’ils sont légion cette année.
Contern, Ettelbruck, Kockelscheuer, Echternach, pour ne citer qu’eux, ont aussi connu le même type d’incident. Interrogé par nos confrères de RTL, André Schaack, commissaire en chef du service national de circulation et de sécurité routière de la police, affirmait qu’il s’agit d’un phénomène en hausse. «En 2020, nous avons enregistré dix évènements de la sorte. En 2023, on en recensait 31, et l’année 2024 en comptait déjà 31 à la fin du mois d’août», détaillait-il. Forcément, les riverains subissent la situation, dérangés par les nuisances et des spectateurs parfois nombreux.
Mais il y a également des victimes collatérales auxquelles on pense peu : les clubs de tuning.
Quatre-vingts pour cent d’évènements illégaux
Au Grand-Duché, le monde du tuning est très restreint. «Si on parle vraiment de clubs, d’associations reconnues par l’État, alors je crois qu’il y en a que trois ou quatre», fait savoir Mauro Gomes, président de l’ASBL Streetkings. Déjà peu nombreux, les clubs vivent encore plus mal la mauvaise publicité des évènements illégaux. «Le nom tuning est sali. Quand on parle de tuning au Luxembourg, les gens pensent à ceux qui font la folie sur la route», lâche-t-il impuissant. Jeff Kugener, membre du comité de l’ASBL Tuning Scene Lëtzebuerg, est du même avis : «C’est la misère». «Parmi tous les évènements, 80 % sont illégaux», déplore-t-il.
Ces derniers sont surtout organisés sur Facebook par des inconnus qui créent des pages privées où ils communiquent seulement le lieu de rendez-vous et l’endroit. «Des fois, il y en a qui mettent même la photo de l’endroit donc je ne comprends pas comment la police n’a pas accès tout de suite à cela», s’interroge Mauro Gomes. Parmi les participants, Jeff Kugener estime qu’il s’agit surtout de jeunes animés par «les drifts, le bruit et les conneries». «Quand on est vieux comme moi et que l’on a mis beaucoup d’argent dans une voiture ancienne, on ne fait pas ce genre de conneries.» Le problème est luxembourgeois mais une partie des chauffeurs et des spectateurs viendraient, eux, de France, des Pays-Bas, de Belgique et d’Allemagne «car ils savent qu’ici ils peuvent encore faire ce genre de choses».
Les clubs, «l’autre côté du tuning»
Sur la route ou dans les médias, les participants d’évènements illégaux font davantage de bruit que les adhérents aux clubs homologués. «Je suis content que l’on s’intéresse à l’autre côté du tuning», lance Jeff Kugener. Tandis que le grand public assimile le côté illégal à l’ensemble de la scène tuning, les clubs ont, eux, une politique très ferme à ce sujet. «Si on est au courant qu’un de nos membres participe à un évènement illégal, c’est le seul cas qui peut donner lieu à une exclusion directe du club», explique le président de Streetkings.
Outre leur mauvaise réputation imméritée, le quotidien des clubs est devenu plus compliqué depuis l’essor de l’illégal. «À cause de ceux qui ont ce délire, c’est nous qui payons», résume Mauro Gomes. «On a de plus en plus de mal à trouver un emplacement pour un rassemblement.» Son homologue en a récemment fait les frais puisque samedi 31 août dernier, Tuning Scene Lëtzebuerg s’est déplacé jusqu’à l’aéroport désaffecté de Bitburg, en Allemagne, afin de rassembler 400 voitures. «C’est triste de devoir aller en Allemagne pour faire un évènement.»
Les organisateurs doivent désormais faire face à la peur des communes, de la police et des riverains lorsqu’un rassemblement de tuning est évoqué. «À cause de l’illégal, il y a tellement de démarches à faire et on paye beaucoup plus cher qu’avant», constate Jeff Kugener, dans le milieu depuis trente ans.
L’État a-t-il sa carte à jouer ?
Sans pour autant se faire l’avocat du diable, le membre de Tuning Scene Lëtzebuerg s’interroge sur le rôle de l’État dans cette hausse de l’illégal : «C’est peut-être lié au fait que le ministère ne donne pas de place». Selon lui, les courses ou soirées illégales prospères aussi car elles se produisent souvent dans des lieux privés où «la police ne peut pas intervenir donc ils attendent à la sortie». «Mais parfois, la police arrive sauf que les gens les bloquent et ils continuent de faire des drifts.»
Pour les clubs, il est urgent de régler la situation et que le tuning regagne ses lettres de noblesse. «À part le tuning, on organise aussi des soirées ou des grillades entre nous. C’est un peu une famille», lance Mauro Gomes. «Peu importe si la personne a une Fiat 500 ou une Ferrari, ce n’est pas la voiture que l’on respecte.»
Les rassemblements officiels, un rendez-vous calme et familial
Alors que les rendez-vous illégaux se produisent sur des ronds-points ou des parkings qui sont le théâtre de courses et de drifts enfumés, le pendant officiel est bien différent. Par exemple, lors de l’évènement de Tuning Scene Lëtzebuerg sur la piste de l’aéroport de Bitburg, la vitesse était limitée à 15 km/h, les courses et la musique trop forte interdites.
Après avoir eu l’accord de la commune, de la police, les clubs communiquent, préviennent les voisins, réalisent des flyers et trouvent des sponsors. Des stands de restauration et des jeux pour enfants sont disponibles, en plus des concours sur les meilleures jantes, meilleur intérieur ou meilleur extérieur.