L’artiste australien Nick Cave, dont les derniers albums ont été hantés par la mort de ses deux fils, laisse place à la joie avec son nouvel album, Wild God, sorti vendredi.
«Quand j’écoute ce disque, je souris» : c’est un nouveau Nick Cave qui est apparu jeudi soir à Londres devant la presse et quelques fans pour présenter son album, à la veille de sa sortie. Il reste l’éternel dandy en costume sombre et cheveux longs bruns, mais le rockeur tourmenté plaisante, apparaît détendu et même léger. Wild God est le dix-huitième album de Nick Cave avec ses Bad Seeds. «C’est un disque joyeux», raconte le chanteur-compositeur. «Wild God, c’est le son du rideau qui s’écarte et de la lumière qui pénètre (…) Il y a de l’espoir. De l’émerveillement aussi.»
L’Australien de 66 ans, qui a plus de quarante ans de carrière derrière lui, remplit les salles de concert, sans être pour autant grand public. Son plus grand succès populaire remonte à 1995 et sa ballade d’un romantisme macabre, Where the Wild Roses Grow, avec la star de la pop Kylie Minogue, australienne comme lui. Plus récemment, une autre de ses chansons célèbres, l’inquiétante Red Right Hand, avait été choisie pour le générique de la série Peaky Blinders (2013-2022), sur des gangsters de Birmingham. Sortie en 1994, Red Right Hand était déjà le morceau culte de la saga Scream, au point que Nick Cave en avait enregistré une nouvelle version pour le troisième opus, sorti en 2000.
Nouvelle étape
Il parle de quelques titres de son nouvel album, comme Frogs ou Conversion, qui lui donnent «un putain de grand sourire». La musique est intense, adoucie par des chœurs. Il a failli appeler ce nouveau disque Joy, le titre d’une des chansons. Quel contraste avec Ghosteen (2019), son précédent album avec les Bad Seeds, éperdument triste, qui était imprégné du souvenir de son fils Arthur, mort en 2015 à 15 ans, en chutant d’une falaise à Brighton, dans le sud de l’Angleterre, où vit le musicien. L’accident est arrivé au moment où Cave et son groupe étaient en studio pour enregistrer l’album Skeleton Tree (2016), qu’il a en partie réécrit après la mort d’Arthur. Au printemps 2022, Nick Cave a aussi perdu son fils Jethro Lazenby, âgé de 31 ans. Les causes de la mort n’ont pas été rendues publiques.
Dans les chansons et les concerts, il a raconté sa douleur. Mais Wild God marque une nouvelle étape dans le deuil : quand la vie reprend ses droits. «Le disque ne se détourne pas de certaines choses. Il révèle la capacité de ressentir d’autres émotions», résume-t-il.
Physiquement, Nick Cave semble ne pas avoir changé depuis des années. «L’effet de vingt ans d’addiction à l’héroïne? Et une bonne crème pour le visage», plaisante-t-il, quand il est interrogé sur ce sujet. Mais la double tragédie l’a profondément changé. Sur la télévision publique australienne ABC, mi-août, il a reconnu que longtemps il avait été «en admiration devant (son) propre génie». Sa vie consistait à s’asseoir dans son bureau et à écrire tous les jours. Tout le reste n’était que «périphérique». «Cela s’est complètement effondré et j’ai vu la folie de cela, l’espèce de honteux nombrilisme de cette chose.»
«Regarder dans l’âme de mes fans»
Sa relation avec son public a changé aussi, explique Nick Cave. «Il m’a sauvé d’une certaine manière», dit-il. Il a créé un site internet, The Red Hand Files, une manière de «donner quelque chose en retour» à ses fans. Des gens lui écrivent du monde entier, pour se confier, demander conseil après la perte d’un proche, l’interroger.
Et Nick Cave répond. Comme en juin, quand quelqu’un lui demande ce qui le rend heureux. Il parle alors de son «histoire d’amour avec la nage en eau froide». Il nage à Brighton, et aussi dans des lacs quand il est à Londres. «C’est vraiment étrange ce qui se passe avec The Red Hand Files semaine après semaine (…) C’est comme regarder dans l’âme de mes fans», raconte-t-il. Nick Cave va faire une tournée à l’automne en Europe. Plusieurs concerts affichent déjà complet. «Cela va être génial!», promet-il.
Wild God, de Nick Cave and the Bad Seeds. PIAS.