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La Grande Grève de 1942 commémorée


Une cérémonie était aussi organisée devant le monument dédié aux victimes de la Seconde Guerre mondiale à Schifflange.  (Photos : claude lenert )

À Wiltz et à Schifflange, des cérémonies ont évoqué la mémoire du geste héroïque du peuple luxembourgeois qui s’est élevé contre l’occupant nazi.

C’est une date qui restera gravée dans l’histoire du Grand-Duché. Pour toujours. Des cérémonies de commémoration de la Grande Grève ont eu lieu samedi devant l’ancienne tannerie Ideal et le monument national de la Grève à Wiltz et, en fin de journée, devant le portail de l’ancienne aciérie d’Esch-Schifflange. Des cérémonies qui ont symbolisé l’élan de résistance qui s’est emparé du pays ce 31 août 1942 du Grand-Duché. Du nord au sud du pays, dans les usines ou les administrations.

Le moment de recueillement a débuté samedi à Wiltz. Après un service religieux en l’église, les sirènes ont résonné dans la ville alors que les participants à la cérémonie se trouvaient devant la plaque commémorative de l’ancienne tannerie Ideal, lieu de départ de l’acte de résistance il y a 82 ans exactement. Mais en fait, tout avait commencé la veille. Le 30 août 1942, le Gauleiter Gustav Simon, le nazi dirigeant la «province» luxembourgeoise du Reich allemand, annonce, place Guillaume-II, l’introduction du service militaire obligatoire pour les jeunes Luxembourgeois nés entre 1920 et 1924. Dans la population, c’est la consternation. Mais le Gauleiter imagine que les habitants du Grand-Duché annexé deux ans auparavant, est un peuple soumis. Il envoie le jour même une communication au quartier général de la Wehrmacht de Wiesbaden : il annonce qu’il souhaite l’incorporation de dix classes au lieu de quatre. Tous les Luxembourgeois âgés de 20 à 30 ans devront se battre pour le régime nazi. C’était compter sans le courage d’un résistant.

Edmond Goergen, membre de la Lëtzeburger Volleks Legion (LVL), intercepte le message alors qu’il travaille à l’émetteur Radio-Luxembourg de Junglinster. L’homme s’inquiète en apprenant la nouvelle. Il prend son vélo et file à Wiltz sonner l’alarme. Le 31 août, la grève est décrétée à l’entreprise Ideal de Wiltz. La nouvelle des incorporations se propage, la colère gronde dans la population et le mouvement de contestation se propage jusqu’au sud du pays dans les aciéries du Bassin minier.

Élus, syndicalistes et sidérurgistes se sont recueillis devant le portail de l’ancienne aciérie d’Esch-Schifflange.

Une terrible répression

Samedi, en fin de journée, devant l’ancienne aciérie d’Esch-Schifflange, puis devant l’hôtel de ville, les habitants du Sud ont pris le relais de ce devoir de mémoire. Le 31 août 1942, la sirène de l’usine sidérurgique avait retenti. Il était alors 18 h 02 et un crochet pendait sur une poignée qui a enclenché le long hurlement. Il va durer 15 minutes et tous les ouvriers vont quitter leur poste de travail.

C’est la panique chez l’occupant. La loi martiale est décrétée. À Esch-Schifflange, la Gestapo arrive sur place à 18 h 30 : le directeur de l’usine, M. Koener, est arrêté, tout comme les ouvriers Eugène Biren, Jean-Pierre Wieshoff, Léon Bordez et Venant Schmit. Le 8 septembre, dans la nuit, ils sont jugés et Eugène Biren est même exécuté le lendemain matin. Pour sauver les autres, un ouvrier, Hans Adam, apatride d’origine allemande et marié depuis 30 ans à une Luxembourgeoise, se dénonce. C’est lui qui a placé le fameux crochet pour actionner la sirène. Il sera décapité à Cologne le 10 septembre. La répression s’abat sur les grévistes, mais la contestation ne faiblit pas. L’usine de Differdange se mettra aussi en grève. Une cérémonie de commémoration sera organisée aujourd’hui.

Le triste bilan de la répression nazie, démesurée et arbitraire, était la condamnation à mort et l’exécution immédiate de 21 Luxembourgeois, dont Hans Adam. Presque 200 personnes furent arrêtées, dont 83 furent traduites devant le tribunal d’exception, puis remises à la Gestapo. Deux cent quatre-vingt-dix jeunes lycéens, garçons et filles, quarante apprentis de l’ARBED, sept jeunes postiers – tous mineurs – furent arrêtés et transférés en Allemagne dans des camps de rééducation. Près de 4 000 personne ont été déportées en Silésie et dans le pays des Sudètes. Le peuple luxembourgeois a payé cher son acte de résistance. Mais il a montré qu’il était un peuple toujours debout malgré l’occupation.