LES JUGES LUXEMBOURGEOIS AUX JO Finale masculine par équipes : Chine – Suède. Sur l’une des deux chaises d’arbitre : le Luxembourgeois Pol Pierret !
Ils ne sont qu’une vingtaine d’arbitres gold badge dans le monde et Pol Pierret en fait partie. Du coup, pas étonnant qu’il soit à Paris!
La vie de Pol Pierret a basculé un jour lors d’un banal voyage scolaire : «Comme tous les garçons, j’ai joué au foot. Et un jour, lors d’une excursion avec l’école, je me suis acheté une raquette de tennis de table. J’ai demandé à ma mère d’aller sur un entraînement. C’est ainsi que j’ai commencé à 12 ans.» Fasciné par la vitesse du jeu, il voulait y goûter.
Il a donc commencé à taper la balle à Bonnevoie puis à l’Union. Mais au fil des ans, il s’est rendu compte qu’il avait plus de chance de faire carrière à côté de la table plutôt que raquette en main : «J’ai arrêté ma carrière à 24 ans. Mon meilleur niveau était C3. Rien de spectaculaire.»
Ce qui l’est, en revanche, c’est son parcours en tant qu’arbitre. Au début, c’était pour rendre service à son club qu’il a accepté de suivre la formation : «Je n’ai pas hésité une seconde.»
Mais le jeune homme est ambitieux : «Tout de suite, j’ai su que ça ne me suffisait pas. J’ai toujours été intéressé par le haut niveau. Je savais que c’était impossible d’y arriver comme joueur. Et comme j’ai toujours aimé prendre mes responsabilités, je me suis dit que j’allais me lancer dedans.»
D’abord arbitre national, il devient ensuite juge-arbitre national. Et quand il a l’occasion d’arbitrer en compagnie de Sonja Huberty, qui rentrait des JO de Pékin en 2008, les choses deviennent claires : «Là, je me suis dit que je pouvais peut-être me fixer pour objectif d’arbitrer aux JO.»
Pour avoir une chance d’y parvenir un jour, il doit évoluer sur le plan international. Après deux ans de cours, il obtient son white badge, le premier niveau international. Il fait ses gammes et grimpe petit à petit dans la hiérarchie. Il prend part à un quart de finale de Ligue des champions à Chartres puis est convoqué en 2017 aux championnats du monde, à Düsseldorf : «Je me suis demandé si je n’étais pas trop jeune. Mais c’est comme le loto : si tu ne joues pas, tu ne peux pas gagner!»
Paris, rapidement en tête
Et il a déjà une idée en tête : «J’ai dit à mon père que je visais les Jeux de Paris. Pas ceux de Tokyo, qui arrivaient trop près mais ceux de Paris. Et il m’a répondu : « Vas-y mon gars!« »
Dans la foulée, il obtient son blue badge, en 2018. Il continue sa progression et peut ensuite prétendre au plus haut niveau de l’arbitrage mondial, le gold badge.
Pour ce faire, il doit avoir son blue badge depuis au moins deux ans, il doit avoir passé les examens sur les réglementations en anglais lors des trois dernières années et avoir au moins trois performances notées en moyenne à 85 % sur les deux dernières années.
Comme il remplit toutes ces conditions, Pol Pierret atteint le plus haut échelon de la hiérarchie internationale de l’arbitrage et décroche son gold badge en août 2022. Il intègre ainsi un cercle très fermé puisqu’ils ne sont qu’une vingtaine d’arbitres gold badge sur la planète!
Évidemment, on n’atteint pas un tel niveau par hasard. Et à l’instar des joueurs qu’il juge, Pol Pierret s’astreint à un véritable entraînement de sportif de haut niveau : «Il faut être préparé. Tous les jours, je m’entraîne aux gestes. Une fois par semaine, je regarde les règles. Je visionne des matches en vidéo. Il faut être prêt à réagir face à n’importe quelle situation.»
Un travail qui paie puisque le juge luxembourgeois, qui avait, à l’époque arbitré un certain Félix Lebrun, alors âgé d’une douzaine d’années et évoluant avec une prise porte-plume lors d’un tournoi mondial junior à Metz, a depuis fait bien du chemin.
Il a arbitré dans de très gros évènements même s’il refuse généralement les tournois WTT, trop éloignés : «Je préfère rester en Europe. Cette année, j’ai déjà fait le top 16 à Montreux, les demi-finales et finale de la Ligue des champions, le Youth contender au Luxembourg, ça fait déjà beaucoup de journées.»
Heureusement, son employeur – il est chargé de direction de la maison relais à Canach gérée par Caritas Jeunes et Famille – lui permet de s’absenter plusieurs fois par an pour officier dans les plus grands évènements planétaires.
Et s’il est tenu à un strict devoir de réserve – il n’a, d’ailleurs aucun contact avec quelque joueuse ou joueur que ce soit et il ne peut pas non plus évoquer ses préférences – il a, en revanche, le droit de s’exprimer sur les manifestations qui l’ont fait vibrer : «Spontanément, je dirais les championnats d’Europe à Munich. J’étais assistant en finale. Il y avait 5 000 personnes dans le hall. La chaise vibrait à cause du bruit des spectateurs, c’était magnifique.»
Et il retient également les Jeux européens de l’an passé, en Pologne : «J’avais deux finales (NDLR : simple masculin et équipe masculine). Pour moi, c’était le premier moment où j’ai vraiment un peu ressenti le feeling olympique.»
«Quand j’ai vu « Luxembourg », je me suis dit : « C’est moi ! »»
À l’époque, il était encore dans l’attente. Celle de savoir s’il allait ou non avoir l’occasion de vivre ses premiers Jeux olympiques. Mais la nouvelle s’est faite attendre : «J’étais le seul arbitre au Luxembourg à avoir le niveau pour postuler. J’ai demandé à la commission des arbitres de me nommer. Ils l’ont fait. Ensuite, le choix revient à l’ITTF (NDLR : la fédération internationale). On nous avait promis qu’on recevrait la sélection au plus tard à la mi-juin 2023. Finalement, je ne l’ai eue que le 16 septembre!»
Forcément, l’un des plus beaux jours de sa vie : «Tous les arbitres reçoivent le même mail avec les noms. J’ai vu qu’il y avait d’abord quatre femmes, ensuite un Anglais. Et après j’ai vu « Luxembourg« , je me suis dit : « C’est moi!« . Il faut savoir qu’il n’y a que 20 arbitres, dont 3 Français et une parité totale femmes-hommes. Si je ne faisais pas partie des cinq meilleurs au monde, je ne serais pas là!»
Lorsqu’il reçoit le mail, il est seul à la maison et s’apprête à envoyer un mail : «Je crois qu’il n’est jamais parti! J’ai tout de suite prévenu ma femme et mes parents. J’ai envoyé aussi des SMS à mes collègues arbitres. Et le soir, on a ouvert une bonne bouteille au restaurant.»
Avec cette participation aux Jeux, Pol Pierret estime qu’il a «fait tout ce que je voulais. Je ne ressens plus la pression de devoir faire quelque chose. Ça ne veut pas dire que je vais arrêter. Mais continuer à évoluer au plus haut niveau possible. Seulement, sans pression!».
S’il était enthousiaste avant de partir. Sur place, son sourire en disant long sur le plaisir qu’il prenait : «C’est encore mieux que ce que j’imaginais. C’est full house. Ça fait un bruit, c’est de la folie !»
Et c’est au milieu de ce vacarme que Pol Pierret a arbitré, vendredi, la finale des JO ! Quel parcours !