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Affaire Caritas : l’État arrête les frais


Le Premier ministre, Luc Frieden, a déclaré aux députés réunis en commission que la fondation Caritas devrait résoudre son problème seule.   (photo Julien Garroy)

Lors du briefing de mercredi, destiné à dresser le bilan du gouvernement avant la pause estivale, le Premier ministre, Luc Frieden, a indiqué que Caritas devait résoudre seule son gros problème.

«Il a été très fort et très lucide, je dois dire que Luc Frieden m’a épatée», déclare Barbara Agostino, députée du DP réputée pour son franc-parler, à l’issue de la commission parlementaire convoquée urgemment à la suite de détournement de fonds chez Caritas. Contrairement à 2008, où ce même Luc Frieden, alors ministre des Finances, s’était empressé de sauver les banques Fortis et Dexia au bord de la faillite en injectant 2,5 milliards d’euros pour leur maintenir la tête hors de l’eau et surtout sauver la place financière, il ne versera pas un euro à Caritas.

L’État arrête les frais tant que l’affaire n’aura pas été élucidée et que la manière dont ce détournement a pu se produire ne sera pas connue. Les lignes de crédit de l’ordre de 30 millions accordées par deux banques à la fondation «n’ont rien à voir avec l’État», précise encore Luc Frieden.

«Caritas, ce n’est pas l’État», argue le Premier ministre qui déclare que la confiance est rompue avec l’ONG, dont la gouvernance pose question. «Caritas a un problème important et doit trouver une solution», poursuit-il en précisant que l’État a payé 21 millions depuis le début de l’année «pour des services qui ont été prestés» en direction des sans-abris et des réfugiés.

Il n’en dira pas plus sur le détournement, l’affaire étant en cours d’instruction. Une possible «fraude au président», évoquée par plusieurs sources, ne serait pas exclue, même si cette éventualité paraît énorme. Comme la définissait la Banque et Caisse d’épargne de l’État pour mettre en garde les entreprises, «il s’agit d’une escroquerie au niveau de virements frauduleux. Ceux-ci sont souvent effectués par les employés d’une entreprise, sans même qu’ils ne puissent se rendre compte qu’ils font partie d’un scénario de fraude». Caritas a demandé l’aide d’une société d’audit pour rechercher d’éventuelles failles dans son système de management.

Pour ce qui est des subventions accordées par l’État, «celui-ci contrôle et constate si le service a bien été rendu», rassure Luc Frieden. «Caritas doit faire en sorte de gérer son avenir», déclare-t-il, en ajoutant, froidement, que si l’ONG n’est plus à même de prester certains services, «d’autres ONG pourraient s’en occuper».

Un peu plus tôt, juste avant le briefing, les députés avaient des questions à poser. Les verts avaient réclamé, dès l’annonce du détournement, que le point soit être mis à l’ordre du jour d’une prochaine commission et les socialistes en avaient fait de même deux jours plus tard. Les députés ont ainsi pu découvrir que le ministère de l’Éducation nationale ne payait les prestations qu’une fois réalisées, contrairement au ministère de la Famille qui anticipe les paiements.

Mais une grande question demeure sans réponse : «Qui est responsable de tout cela ?», interroge Barbara Agostino en pointant du doigt les membres du conseil d’administration de Caritas. «Quand on a 500 salariés dans une boîte, il faut assurer», dit-elle. Et en tant qu’entrepreneure, elle connaît son sujet, elle qui a créé tout un réseau de crèches et de foyers par le passé. «Il faudrait nommer dans les conseils d’administration des gens qui ont une expérience du privé et qui savent gérer l’argent et pas toujours les mêmes noms qui jonglent avec les subventions», estime Barbara Agostino.

L’audit que va réaliser PWC ne sera pas gratuit non plus. Une charge financière de plus pour Caritas qui devra rembourser les banques et surtout les intérêts liés aux 30 millions avancés. Les ministres Gilles Roth (Finances), Max Hahn (Famille) et Claude Meisch (Éducation nationale) ne savent pas qui a bénéficié de cet argent viré sur des comptes en banque en Espagne détenus par des organisations. «Pour moi, il y a des gens qui ont abusé de la confiance de certaines personnes, c’est clair», conclut la députée libérale qui a du mal à croire à la possibilité d’une fraude au président.

En attendant, l’État ne versera plus d’argent à Caritas tant qu’il n’aura pas les réponses à toutes les questions qui entourent ce casse du siècle. Quant aux députés, ils voulaient être rassurés sur le fait que les salariés seraient bien rémunérés et les fournisseurs payés. La fondation a besoin de 4 millions par mois pour assurer ses services caritatifs.