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«Je ne tiendrai pas jusqu’en septembre» : quand les transports de substitution déraillent


Tout au long de la journée, près de 200 bus transportent les frontaliers.

Depuis samedi, la fermeture de la gare de Bettembourg secoue le quotidien des frontaliers. Les trajets rallongés et une organisation suscitant l’incompréhension créent un mécontentement quasi général.

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En ce lundi soir, les traits sont tirés sur les visages des travailleurs frontaliers. À 20 h 45, ils sont encore des centaines à attendre avec impatience le TER qui doit arriver d’une seconde à l’autre en gare de Thionville.

Ce train leur permettra de rejoindre Uckange, Hagondange ou encore Metz. Ce dernier trajet, d’une vingtaine de minutes, vient s’ajouter aux nombreuses heures de transport de la journée, désormais nécessaires afin de rejoindre le Grand-Duché.

Pour la plupart, ce premier jour de la semaine a donc été long, très long. Alors, lorsque retentit l’annonce de la suppression du train, l’atmosphère se crispe. Malgré la pluie diluvienne qui s’abat sur le quai, l’information orale n’a échappé à personne.

Cette fois, c’est la goutte de trop. Les mécontentements grondent dans le hall. L’unique technicien sur place s’attire la foudre des voyageurs en les informant qu’ils devront attendre 60 minutes supplémentaires.

Les réclamations fusent. Quelques noms d’oiseaux sont même prononcés contre les responsables de cette situation. Sous l’orage, certains quittent les lieux et rejoignent les taxis, qui ne cessent d’arriver place de la Gare.

Cette solution semble être la seule qui permettra de sauver ce qu’il reste d’une soirée qui prend l’eau. Les réactions véhémentes des voyageurs ne sont pas anodines. Elles illustrent la frustration générée, dès le matin, par le réseau de substitution proposé par les CFL.

Des frontaliers exaspérés

Annoncé depuis plusieurs mois, l’immense chantier de reconstruction du pont Émile-Hammerel, situé juste au-dessus des voies ferrées à Bettembourg, est entré dans une phase cruciale samedi, qui se poursuivra jusqu’au 11 août.

Plus aucun train ne circulera entre la France et le Luxembourg durant cette période. Le tronçon Bettembourg – Luxembourg restera fermé jusqu’au 15 septembre. Pour y remédier, un service de bus a été mis en place pour les voyageurs. Toutefois, les CFL avaient prévenu leurs clients : il faudra prévoir «entre 30 et 45 minutes de trajet supplémentaires».

Depuis lundi, le service est mis en œuvre à la gare de Thionville. Néanmoins, les promesses affichées par les CFL paraissent quelque peu éloignées de la réalité. «Cinq heures, c’est le temps que j’ai passé pour aller travailler et rentrer chez moi. Avec le train, cela me prend deux heures.»

Sofiane semble exaspéré et ne cache pas sa déception. Électrotechnicien de métier, il travaille au Luxembourg depuis l’été dernier. Lorsque ses collègues l’informent des aménagements à venir en janvier dernier, il refuse de croire aux «mauvaises langues» lui prédisant une période estivale «éreintante».

Une journée aura suffi pour le faire changer d’avis. «Pour moi, c’est impossible d’envisager le télétravail. Mais honnêtement, avec un tel rythme, je ne tiendrais pas jusqu’en septembre. Mon rôle professionnel demande une importante présence sur site, mais avec ces horaires, c’est irréalisable», se désole-t-il. Malgré un profond agacement, Sofiane le sait, il n’a d’autre choix que de prendre son mal en patience, peu importe la pression induite par ce nouveau quotidien.

Salah, lui aussi, paraissait exténué en ce mardi matin. Malgré son énergie débordante, de profondes cernes marquent son visage. Étudiant à l’université de Lorraine, il réalise son stage de fin d’année au Grand-Duché, plus précisément à Foetz. Le lundi de cet habitant de Metz aura été animé par six heures de trajet, train et bus compris. Le tout non sans conséquence.

Pour la première fois, je suis arrivé en retard au bureau, en plus d’être épuisé

Hier, c’est donc à reculons qu’il est de nouveau monté à Thionville dans le bus L90, direction Luxembourg. Quelques mètres derrière lui, Audrey pianote sur son téléphone. La main dans les cheveux, la jeune trentenaire tente, tant bien que mal, d’organiser la journée de son fils âgé de 6 ans.

Pour elle, hors de question de revivre l’angoissante situation de la veille. «On nous annonce un délai de rallonge, très bien. Je m’y suis fiée, à tort. Résultat, je n’ai pas pu aller récupérer mon enfant au centre aéré. C’est inadmissible.» Pour des raisons diverses, la quasi-totalité des personnes interrogées s’accordent pour décrire un système à revoir.

Une organisation à perfectionner

Alors, comment expliquer un tel décalage entre les annonces des CFL et la réalité du terrain? «Lundi, j’ai dû attendre 40 minutes avant de pouvoir monter dans un bus. C’est mal géré, en plus de représenter un véritable gouffre en matière de temps», s’insurge Angelo.

Le chef de chantier est choqué par l’organisation mise en place, qu’il qualifie de «chaotique». Moins virulent, Sofiane n’en partage pas moins son point de vue.

«Annoncer de 30 à 45 minutes de trajet supplémentaires, c’est bien, mais c’est de la mésinformation. Cela ne prend pas en compte le délai pour embarquer et les bouchons sur la route, qui sont pourtant connus de tous.» L’électrotechnicien considère également que les moyens mis en place ont été «largement sous-estimés» par rapport à la demande.

En gare de Thionville, une importante file d’attente pour accéder aux bus. Photo : chrystelle folny

Les événements de la première journée du dispositif semblent avoir marqué les esprits. Audrey y trouve également à redire. «Le personnel paraît dépassé, que ce soit ici ou au Luxembourg.» Elle se dit surprise du travail des employés, qui ne savent pas exactement renseigner sur le parcours des bus et peinent également à répartir les voyageurs par ordre d’arrivée.

«Des dizaines de personnes m’ont doublée alors que je patientais depuis de longues minutes. Cela n’a aucun sens.» Même son de cloche du côté de Salah, qui estime que l’ensemble du système n’a pas été réellement préparé. «Mon chauffeur s’est trompé plusieurs fois de route. Franchement, je me demande : est-ce qu’il y a vraiment eu des phases de test au préalable?»

Nous avons posé la question à Tom Ewert, responsable de la communication des CFL. Le porte-parole assure que l’ensemble de l’organisation a été réfléchi par le biais de l’«expérience des années précédentes». Par ailleurs, en raison des retours du public, mais également du personnel sur place, «une concertation entre les CFL et la SNCF a immédiatement eu lieu pour améliorer la durée de l’embarquement à bord des bus».

Enfin, conscient de l’inquiétude des voyageurs et du caractère irritant de la situation, le communicant appelle au calme et à la patience et souligne qu’une phase d’adaptation est nécessaire, étant donné l’implication de différentes parties prenantes. Les prochains jours seront porteurs de réponses à propos d’un éventuel ajustement organisationnel.

La ligne 551, solution idéale pour Esch-Belval?

Pour les travailleurs qui partent de Thionville et qui veulent se rendre à Esch-sur-Alzette ou à Belval directement, il y a une possibilité pour éviter l’étape Bettembourg et la longue attente près des bus de substitution. Ils peuvent en effet emprunter la ligne 551 du réseau RGTR. Il aurait été appréciable de rappeler son existence sur le site de la SNCF ou sur celui des CFL durant cette période de grands travaux.

La ligne dépend du ministère de la Mobilité et des Travaux publics. «Sur une journée, 650 voyageurs empruntent nos transports», rapporte Yan Steil, chef de service du réseau. Au départ de l’arrêt Foch-Kiosque à Thionville, la ligne permet de rejoindre Belval en passant par la Métropole du fer. Le tout en 60 minutes maximum.

Un départ par heure – dans les deux sens – est prévu de 5 h à 23 h. Petit plus pour les frontaliers, l’abonnement SNCF y est valable, uniquement jusqu’au 11 août. De quoi aborder ces quatre prochaines semaines avec davantage de sérénité.

3 plusieurs commentaires

  1. Cyril HAZOTTE

    « Au départ de l’arrêt Foch-Kiosque à Thionville, la ligne permet de rejoindre Belval en passant par la Métropole du fer. Le tout en 60 minutes maximum. »
    Pourtant on est bien au-delà des 60 minutes. Ce matin, départ à 9h10 et arrivée à 10h40 ! Avec une belle pause de 15 minutes du chauffeur près de Foetz car on est en avance !!
    En plus, pas de climatisation du tout dans ces cars, une soufflerie qui ne rafraichit pas.
    Je reteste les L60/L90 même s’il faut changer de bus et finir en train.

  2. A deux doigts de créer un syndicat frontalier 😡

  3. Un véritable catastrophe cette organisation, la SNFC et la CFL ont total méconnaissance sur le nombre de voyageurs à emprunter le transports en commun.
    Le premier train à thionville arrive à 5h20, surprise pas de bus avant 5h30 même 5h45. Metez des bus à disposition depuis 5h15 (min 3), de cette façon les gens arrivant à 5h20 peuvent directement monter au lieu de descendre du train et faire une file pendant 20 min pour que même pas la moitié des gens puissent monter.
    L’arrêt hettange est innecesaire il y a des buses mises en place qui partent directement d’hettange. Également L’arrêt Howald est innecessaire depuis le 07 juillet le tram arrive dans moins de 10 depuis la gare.
    Petits point à réfléchir qui pourraient améliorer beaucoup cette organisation.