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[BD] Neuf : les vertiges du temps


Pionnier du futur mais orphelin du passé, un jeune astronaute profite de failles spatiotemporelles pour réécrire son histoire et celles des siens. Une aventure en haute altitude.

C’est l’écrivain français René Barjavel, connu et apprécié pour ses romans d’anticipation à la sauce fantastique et science-fiction, qui a les honneurs de Neuf, lançant l’ouvrage avec une citation tirée de son essai Si j’étais Dieu (1976), bien que le sujet abordé préférerait une autre de ses œuvres, pour le coup plus ancienne, Le Voyageur imprudent (1944).

«Le temps est le même pour tous mais différent pour chacun. C’est l’illusion des illusions, et c’est pourtant la base du réel.» Histoire d’apporter de la consistance et du concret à la doctrine, le scénariste Philippe Pelaez y va fort et, dès les premières pages, imagine son héros d’abord grisonnant, puis jeune garçon et enfin dans la trentaine. Plusieurs états et plusieurs époques pour une seule ambition, la même défendue par les films métaphysiques qui prennent l’espace pour décor (Interstellar en tête) : confronter un homme à son destin.

On découvre ainsi John Cyrus Hubel, astronaute de la NASA égaré sur Titan, satellite de Saturne et terre de poussière inhospitalière sur laquelle il semble errer depuis bien trop longtemps. Ses calculs en attestent : il en est à son 3 285e jour de mission… Juste après, c’est à l’âge de neuf ans qu’on le retrouve, assistant impuissant à l’explosion en plein ciel de la fusée qui transporte son père, façon Challenger.

Enfin, c’est comme pionnier de la conquête spatiale qu’il renfile la combinaison, en route pour l’hypothétique planète Neuf, point connu le plus éloigné du monde des hommes. Seulement, son vaisseau lâche subitement et prend feu. Mais tel un phénix qui «se consume» pour mieux «renaître», il se retrouve projeté dans le passé, au volant d’une voiture et aux côtés de sa copine d’alors, Astrid. Chose étrange : il a déjà vécu cette scène, dans les moindres détails, une vingtaine d’années plus tôt.

Le temps, c’est l’illusion des illusions

Comme Michael J. Fox dans Back to the Future, la DeLorean et une certitude en moins, Johnny C. Hubel ignore par quel miracle il a effectué ce bond vers le passé. «Immaculé et neuf», il comprend vite qu’il va pouvoir remodeler son destin et, surtout, changer celui des autres qui l’entourent. Car en dépit des allers-retours aux confins de l’univers, la vie reste avant toute chose une tragédie du temps qui passe, faite de promesses non tenues et de rendez-vous manqués.

Il a donc là l’occasion de les réécrire et, par exemple, de sauver son amour de toujours d’un accident de voiture ou un camarade lors d’un entraînement à l’US Space Force. De prendre soin, aussi, de son mentor (le professeur Sirius) ou mieux, d’éviter à son père de monter dans cette navette qui, trop jeune, fera de lui un orphelin. Toutefois, s’amuser à jongler entre le passé, le présent et le futur peut avoir de graves conséquences, pour lui comme pour son entourage…

Malgré une chronologie assez claire (toutefois non datée), il faut un minimum d’attention pour suivre Neuf et ses ellipses temporelles, parfois soutenues d’une simple voix off. Si Philippe Pelaez (Six, Noir Horizon) s’inscrit ici dans la tradition de la grande épopée spatiale, il pousse l’envie plus loin en y ajoutant une bonne dose d’anticipation et de questions existentielles, dont une, majeure : que ferions-nous si nous avions la possibilité de remonter le fil de notre propre histoire et de la changer? En mixant scènes d’action et moments intimistes, l’auteur arrive à ne pas se perdre en route.

Il aurait même pu étoffer son récit, contenu à 80 pages. Avec lui, avec ses traits à l’encre qui rappellent Largo Winch, le dessinateur Guénaël Grabowski (Nautilus) rend pour sa part une copie classique, en dehors de ses doubles pages détaillées et de son découpage dynamique. Au bout, tous deux prouvent une nouvelle fois que, du chaos du multivers aux failles spatiotemporelles, il existe une constante dans l’approche : celle de souligner toute l’importance de la transmission et de l’amour filial. Deux sentiments qui, eux, savent transcender l’espace et le temps.

L’histoire

Johnny C. Hubel est un astronaute hors pair. À bord d’une navette spatiale, il est sur le point de se poser sur la planète Neuf, étape ultime de l’exploration spatiale, dont l’existence est longtemps restée hypothétique. Soudain, pris dans une tempête magnétique, son vaisseau s’enflamme. Comme par miracle, John échappe de peu à la mort… pour se retrouver au volant d’une voiture. À ses côtés se trouve Astrid. John a déjà vécu cette scène, vingt ans plus tôt. Ce jour-là, il n’avait pu éviter la collision avec un camion, ce qui avait provoqué le décès de sa petite amie. Cette fois, il a le bon réflexe : il évite l’accident. Il comprend alors qu’il est sur le point de revivre ses vingt dernières années. Ce retour vers le passé lui offrira la possibilité de donner une direction différente à sa vie, et peut-être de sauver d’autres de ses proches…

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