Murs délabrés, fenêtres condamnées, portes rouillées : dans une atmosphère volontairement angoissante s’est ouvert un musée d’État sur la terreur stalinienne à Moscou vendredi. Jour du souvenir des victimes des répressions de l’époque soviétique qui ont fait des millions de morts.
Le visiteur passant par des portes blindées rouillées, récupérées dans différents camps de « l’archipel du goulag », des Solovki (Nord) à Kolyma (Extrême-Orient), entend les verrous qui claquent et l’aboiement des chiens de garde.
Dans l’obscurité totale, les fenêtres étant drapées de tissus noir, on se sent coupé du reste du monde. « Comme ceux qui se trouvaient complètement isolés après leur arrestation », explique Egor Laritchev, le directeur adjoint du Musée du Goulag.
Des écrans interactifs retracent l’histoire d’ex-détenus et de leurs proches, mais aussi celles de leurs gardiens. « A son apogée en 1937, la terreur a touché quasiment chaque Soviétique, qu’il soit victime, délateur ou gardien », poursuit Egor Laritchev.
Un espace audiovisuel permet au visiteur « d’assister » aux obsèques de l’artisan de la terreur, Staline, mort le 5 mars 1953, auxquelles ont pris part cinq millions de Soviétiques et qui ont donné lieu à des scènes d’hystérie collective entraînant la mort de centaines de badauds.
« Ne pas taire notre histoire »
Avec ses 2 500 photographies, témoignages, objets personnels et documents historiques, le nouveau musée s’établit dans un bâtiment de quatre étages non loin du centre de Moscou, nettement plus que le précédent qui n’occupait que quelques pièces. On peut aussi observer la carte de « l’archipel du Goulag », cet immense réseau de camps où ont été broyés 20 millions de détenus entre 1930 et 1956.
Fin 1949, un professeur de l’université Lomonossov à Moscou dénonce un cercle étudiant dont son propre fils est membre. Les statuts du groupe n’ont rien d’anti-soviétique mais après interrogatoire, les jeunes gens avouent leurs « activités contre-révolutionnaires ». Tous iront au goulag, à l’exception du fils. Selon la loi toujours en vigueur en Russie, le nom du dénonciateur est gardé secret. Son fils enseigne aujourd’hui dans la même université », raconte Galina Ivanova, directrice adjointe scientifique du musée.
« On ne peut pas taire ou nier notre histoire et notre musée doit combler cette lacune », estime-t-elle.
AFP/A.P