Kylian Mbappé l’a dit, d’emblée, il ne répondra pas à la moindre question sur son transfert au Real Madrid. Ce qui ne l’a pas empêché de revenir très largement, avant l’Euro, sur le long chemin de croix qu’a été la saison 2023-2024. Pour lui, c’est dans ces moments-là qu’on apprend le plus.
Il a commencé par un monologue, s’excusant auprès de tous les journalistes qui étaient venus pour l’interroger sur son transfert au Real Madrid, la veille : «C’est un rêve qui se réalise, je suis libéré, soulagé, extrêmement fier, mais je ne répondrai à aucune question sur le Real parce qu’il faut retourner à quelque chose de plus rationnel. Cela a mis de l’ombre sur la sélection et c’est injuste. Mais on a un grand été devant nous».
Que veut faire la France contre le Luxembourg, ce mercredi soir?
Kylan Mbappé : Les respecter, c’est la meilleure façon de se préparer. Le but, c’est de gagner et d’avoir des repères, de peaufiner.
Ce n’est pas parce que j’ai le sourire que je vais forcément faire de bons matches.
On vous voit souriant pour la première fois depuis longtemps?
C’est un grand soulagement et je crois que cela se voit sur mon visage. Tout le monde sait pourquoi j’ai moins joué cette saison et j’ai eu des difficultés à le surmonter. Mais j’essaie de retrouver la meilleure forme possible pour qu’on rentre avec la coupe à la maison. Après, je pense qu’un homme heureux a plus de chances de bien jouer qu’un homme malheureux. Mais ce n’est pas parce que j’ai le sourire que je vais forcément faire de bons matches.
Mais… étiez-vous malheureux cette saison au PSG?
Je n’ai aucun souci à venir baisser la garde ici pour vous le dire, mais je n’étais pas malheureux, non. Ce serait cracher au visage de tous ceux qui m’ont aidé cette saison au club. Et puis je n’ai pas le droit : je suis un leader, un meneur, comment aurait-on envie de suivre quelqu’un qui dit qu’il est malheureux? On ne suit pas un gars qui traîne son spleen! Et de la même manière, ce serait bâtard de cracher sur le PSG aujourd’hui, maintenant que j’ai un nouveau club. Par contre, je peux dire que des gens du club m’ont rendu malheureux, ça oui. Par contre, je suis très grassement payé pour jouer au football. Je n’ai pas à me lever tous les matins pour aller travailler à l’usine. Alors pour ça aussi, cela aurait été déplacé de se plaindre. Vous pensez que j’aurais dû le faire? Si c’est une erreur que j’ai commise, alors je l’assume.
Mais quel bilan dressez-vous de votre saison parisienne au moment de vous lancer dans l’Euro?
Cette saison, je l’avais attaquée avec un jugement différent et des exigences différentes. Je pensais même que je n’allais pas jouer. Alors oui, statistiquement, on peut dire que j’ai eu de meilleures saisons que celle-ci. Et pourtant, moi j’estime que c’est la meilleure saison de ma carrière pour tout ce que j’ai dû endurer.
Vous pensiez vraiment que vous n’alliez pas jouer?
Oui parce qu’on me l’a fait comprendre, par médias interposés mais aussi directement. On me l’a dit violemment, face-à-face, que je n’allais pas jouer. Et si j’ai pu quand même être sur le terrain, c’est grâce à Luis Enrique et Luis Campos (NDLR : respectivement coach et directeur sportif du PSG). Ce sont eux qui m’ont sauvé. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais remis un pied sur le terrain.
Cela fait 24 ans qu’on attend, c’est énorme pour un pays comme nous
Place à l’Euro désormais, comment se fait le switch entre ce que l’on vous demandait de faire au PSG et ce qu’on vous demande en équipe de France?
Ah ce sont deux visions totalement différentes du football. Pour Enrique, il n’y a qu’un ballon et l’avoir, c’est déjà la meilleure façon de défendre alors que pour Deschamps, ce n’est pas grave de ne pas l’avoir mais il y a des choses à faire quand on ne l’a pas. Ça, ça ne parle pas à Luis Enrique! Mais on en revient du coup à un débat plus large sur ce qu’on a le temps de mettre en place en club et pas en sélection.
Vous allez jouer votre quatrième grand tournoi. Que vous ont appris les trois premiers?
En 2018 (NDLR : la Coupe du monde en Russie), je n’ai pas appris grand-chose parce qu’on a directement gagné. On n’apprend pas quand on gagne. À l’Euro, juste derrière (NDLR : défaite en 8es contre la Suisse, aux tirs au but), j’ai pris une baffe! Cela m’a suivi jusqu’au Mondial d’après et c’est là que j’ai le plus appris même si cela restera comme une grosse tache noire sur mon CV. Mais l’Euro-2020 m’a beaucoup servi. Et celui-là, on veut le gagner. Les gens sont impatients, cela fait 24 ans qu’on attend et pour un pays comme nous, c’est énorme.
Recueilli par Julien Mollereau
Demandez lui ce qu’il va faire en 10 ans en retraite et quel sponsor paie le plus. Jamais les bonnes questions.