La Cour constitutionnelle a rendu un arrêt qui rend caduque une disposition du Code de la sécurité sociale. Que l’on exerce une activité salariée ou indépendante, la retraite anticipée est due.
La retraite anticipée ne signifie pas forcément un arrêt de toute activité. Ceux qui en bénéficient, peuvent occuper une fonction rémunérée en tant que salarié, ou non-salarié. Attention, cependant, le Code de la sécurité sociale institue une différence de traitement entre les deux statuts, qu’un arrêt de la Cour constitutionnelle a jugé, il y a trois mois, contraire à la norme suprême.
La Chambre des métiers s’en était réjouie, elle qui défend l’équivalence du statut d’indépendant par rapport à celui de salarié. Cette fois, la justice lui a donné raison et cet arrêt allait dans le sens d’une revalorisation du statut d’indépendant à travers une meilleure protection sociale.
De quoi s’agit-il ? Le Code de la sécurité sociale dispose que la pension anticipée est retirée, ou refusée, si le bénéficiaire exerce une activité indépendante accessoire, rapportant un revenu qui dépasse le tiers du salaire minimum par an. En revanche, cette même pension anticipée est simplement réduite si l’activité accessoire est exercée en tant que salarié, et que le revenu cumulé ne dépasse pas un certain plafond, fixé à la moyenne des cinq salaires ou revenus annuels cotisables les plus élevés de la carrière d’assurance de l’assuré.
La députée socialiste Claire Delcourt s’est préoccupée du sujet et a interrogé la ministre de la Sécurité sociale, Martine Deprez, sur les conséquences de cet arrêt. Si différence il y a, encore faut-il la justifier alors que deux catégories de personnes se trouvent dans une situation comparable. Sinon, l’article incriminé n’est pas conforme au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution. Et c’est bien le cas en l’espèce.
La ministre Martine Deprez est donc sommée de réagir dans les plus brefs délais, car l’article du Code de la sécurité sociale n’est plus applicable, à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle. Les adaptations nécessaires «constituent une priorité», assure-t-elle. Le projet de loi sera déposé dans les meilleurs délais.
En 2023, 20 cas de demandeurs ou de bénéficiaires d’une pension de vieillesse anticipée étaient concernés. Ils avaient généré un revenu non salarié en excès du tiers du salaire social minimum luxembourgeois, une dizaine d’entre eux ayant leur activité à l’étranger. Un seul assuré poursuivant une activité non salariée à l’étranger comptait une carrière luxembourgeoise récente. Ces onze assurés se sont vu refuser leur pension de vieillesse anticipée de la part de la Caisse nationale d’assurance pension.
Difficile cumul
Le ministère estime que le nombre de refus ou de retraits d’une pension vieillesse anticipée en raison de l’exercice en parallèle d’une activité non salarié est «plus qu’insignifiante». Les concernés s’arrangent pour rectifier le tir dès l’apparition d’un potentiel refus ou retrait. «Les assurés essaient de régulariser leur situation et de diminuer ou d’arrêter, le cas échéant, l’exercice de leur activité non salariée simultanée au bénéfice de l’obtention de leur pension de vieillesse anticipée», affirme le ministère de la Sécurité sociale.
Parmi les neufs résidents luxembourgeois poursuivant une activité non salariée significative recensés en 2023, quatre assurés ont renoncé à leur demande d’une pension de vieillesse anticipée. Les montants des revenus professionnels de deux assurés étaient tels que les pensions payées indûment dans le passé ont dû être remboursées, ajoute le ministère.
Les trois assurés restants se sont vu retirer leur pension de vieillesse anticipée par une décision susceptible d’un recours. Aucune décision concernant un éventuel remboursement des montants indûment payés n’a cependant été lancée au vu de la question préjudicielle posée à la Cour constitutionnelle.
Pour la Chambre des métiers, cet arrêt marque une étape importante en faveur d’une meilleure reconnaissance de l’équivalence de traitement au regard du principe constitutionnel d’égalité qui doit être légalement consacrée entre l’activité comme indépendant avec l’activité exercée en tant que salarié.