Karen Marin, attaquante du SC Bettembourg, a remporté vendredi dernier le trophée de meilleure joueuse de la saison. Une première au Grand-Duché. Rencontre avec une privilégiée.
À quoi ressemble la vie de la lauréate du tout premier trophée de joueuse de la saison ?
Karen Marin : Je suis au lycée de Bonnevoie, en 11e.
On en dit quoi, là-bas, de votre titre ?
Le directeur et le sous-directeur ont posté un message de félicitations sur le site de l’école. Même des profs m’ont glissé un petit mot.
Bref, vous devenez un peu connue.
À la Nuit du football, j’ai croisé plein de gens que je ne connaissais pas. Et qui ne me connaissaient pas pour la plupart. Mais ils se présentaient et on discutait. C’était sympa.
Ils vous connaissaient au moins de la façon dont Paul Philipp vous a présentée sur scène : elle joue comme Cristiano Ronaldo. Forcément, ça intrigue.
Ça m’a fait beaucoup rire. Parce que moi, Cristiano Ronaldo, je ne l’aime pas plus que ça. Moi, je suis Barça. Et donc Messi. En travaillant ma technique, disons que je ressemble un peu à Messi de ce côté, mais que j’ai la rapidité de Cristiano Ronaldo. Je suis un mix des deux (elle rit).
Le foot, vous êtes tombée dedans comment ?
Eh bien, en fait… pour ce titre, je dois remercier mon équipe, mes coaches et surtout un en particulier : mon père. Il a commencé avec moi dès que j’ai eu six ans et il ne m’a jamais lâchée. À chaque fois que je changeais de catégorie, il me suivait. Soit il était coach, soit assistant coach ou même simple assistant, toujours sans être payé. Il n’avait pas de compétences particulières. Il a juste joué au foot pendant 18 ans, a dû s’arrêter après avoir eu les ligaments croisés, mais a continué à regarder les matches à la télé. Je regardais avec lui. C’est comme ça que ça m’a pris. Quand je lui ai dit que je voulais commencer, il était super content. Quand j’ai appris qu’il y avait une équipe à Bettembourg, j’ai dit à ma mère que je voulais essayer. Elle s’est dit que ça me passerait. Et comme ça ne passait pas, elle a fini par accepter pour ne pas être celle qui me l’avait défendu. Et elle ne regrette pas.
Mais votre père, qui est adjoint dans votre équipe de Bettembourg, il a fait comment pour que vous le supportiez toutes ces années, à une période de la vie d’une jeune fille où on a plutôt envie de voir son paternel le plus loin possible ?
Moi, j’ai été habituée à le voir tout le temps avec moi dès l’âge de six ans. À un moment où on m’appelait Ronaldinho, parce que j’avais les cheveux longs et les dents toutes amochées. Depuis, j’ai eu un appareil et on a tout rafistolé. Et aujourd’hui, je peux parler de tout avec lui. Il me comprend. Il est toujours là pour me motiver et ça me donne de la force.
Et votre mère ?
Elle est fière. Elle voit bien que le foot, ça me fait avancer et ça me rend heureuse.
Vos parents étaient présents à la Nuit du football. Comment votre soirée à tous les trois s’est-elle passée au moment de l’annonce des vainqueurs ?
En fait, dix minutes avant l’annonce du trophée de la meilleure joueuse, quelqu’un est venu me trouver pour me dire comment ça allait se passer. Où je devais aller, ce que je devais faire… C’est à ce moment que j’ai commencé à me dire que cela pourrait être moi. Quand mon nom a été annoncé, c’est ma mère qui m’a embrassée la première, car mon père était en train de discuter avec des connaissances. Quand il nous a rejointes, il a commencé à pleurer.
C’est un beau cadeau.
Maintenant, j’attends Noël pour qu’il m’achète une étagère, afin que j’y mette mon trophée.
Où la rejoindrait une médaille de champion au printemps prochain ?
On est très bien pour l’instant. On est premières (NDLR : avec quatre points d’avance sur Junglinster après sept journées de championnat). Vu que l’année dernière on avait échoué tout près du but, on veut essayer de corriger nos erreurs. On avait encaissé des buts débiles, pardon pour le langage. On manquait d’expérience.
Vous-même en avez gagné en sélection.
J’ai été avec les A lors de cette présélection en Moldavie. C’était chouette. J’ai appris qu’ils n’avaient jamais pris une joueuse aussi jeune. J’avais 15 ans. Je me disais que jamais je ne jouerai. Et puis le coach (NDLR : Ray Pye) m’a fait rentrer contre la Lettonie et j’ai donné une passe décisive une minute après mon entrée en jeu. J’ai rejoué au deuxième. Et j’étais carrément titulaire au troisième.
La prochaine étape ?
Ne pas s’arrêter là. Aller à l’étranger.
Entretien avec Julien Mollereau