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[BD] «La Diplomatie du ping-pong» : petite balle et grande Histoire


Retour sur l’histoire vraie d’un pongiste hippie américain qui en 1971, après quelques échanges de balles, permettra la reprise des relations entre la Chine et les États-Unis.

L’auteur, Alcante, n’est pas qu’un passionné d’Histoire, même si son «plus grand succès» jusqu’alors reste l’excellent La Bombe (2020), livre-référence sur l’arme atomique. Car il est également fan de tennis de table, et à ce titre, il ne pouvait pas passer à côté de cette folle aventure connue aujourd’hui sous le nom de la «diplomatie du ping-pong», brièvement popularisée par Robert Zemeckis dans une scène de Forrest Gump (1994). Mais contrairement au film, le personnage n’est ni fictif, ni simple d’esprit, mais un grand dadais dont la naïveté n’a d’égal que son charisme et son égocentrisme. En fin d’ouvrage, une photographie, réalisée en 1971 à Shanghai, montre le phénomène, dominant une marée de jeunes Chinois : chapeau de paille, pantalon à pattes d’éléphant et sourire candide, Glenn Cowan détonne dans le paysage. Pourtant, dans ses pas mal assurés, c’est le monde entier qui est en marche.

Retour en arrière : alors que les États-Unis et la Chine ne se parlent plus depuis 1949 et la prise de pouvoir de Mao Zedong, entre les deux pays, un rapprochement semble toutefois nécessaire en pleine guerre du Vietnam et des tensions partagées avec l’URSS. Mais qui pour l’incarner ? Seule une «perle rare», fin diplomate et expert en relations internationales, pourrait y parvenir, précise le président Richard Nixon, qui n’imagine pas un seul instant que l’élu, au même moment, fait le pitre sur scène lors d’un concert à Atlanta, lâchant un «Fuck Oncle Sam» à un parterre de hippies. Non, Glenn Cowan n’est pas le bienfaiteur rêvé des républicains : il fume de la marijuana, aime l’amour libre et rêve de «devenir une star afin d’œuvrer pour la paix dans le monde». Une grande gueule qui, quand il ne s’amuse pas au tribun, enfile son bandeau rouge et son mini-short pour jouer… au ping-pong, discipline dans laquelle il se débrouille plutôt bien.

La petite balle a fait rouler la grande balle

Mais contrairement à la Chine où ce sport est incontournable et où ses champions sont des ambassadeurs de toute une nation, outre-Atlantique, il est vu comme un «bête jeu» qui n’intéresse personne, ni la presse, ni le public qui lui préfère le catch. N’empêche! Les États-Unis débarquent au Japon, à Nagoya pour les 31es championnats du monde, avec une formation bariolée. Dans ses rangs, en effet, deux lycéennes, un ingénieur, un documentaliste à l’ONU, un étudiant en sociologie, un employé de banque, un gérant d’une salle de billard et le «lunaire» Glenn Cowan. Ce qui fait dire à Tim Boggan, membre de la délégation, et Graham Steenhoven, le président de la fédération : «Ce n’est sûrement pas cette équipe qui va marquer l’histoire du ping américain.» Mais ils se trompent tous les deux, la faute à un concours de circonstances.

Il y a eu d’abord cette séance d’entraînement où le jeune garçon, 19 ans et sans gêne, demande d’échanger quelques balles avec le jeune prodige Liang Geliang. Puis, pas pressé de regagner l’Aichi Stadium où se déroule la compétition, Glenn Cowan va monter dans la dernière navette restante : celle de la délégation chinoise. Gros malaise et silence pesant à bord avant que Zhuang Zedong, triple champion du monde (et victime de la Révolution culturelle, lancée en 1966) ne se lève pour lui parler et lui donner une étoffe de soie, sérigraphie des montagnes du Huangshan. Le pongiste américain rendra la pareille à son «ami», sous les flashes des journalistes, en lui offrant un tee-shirt blanc avec dessus, un symbole de paix et le titre des Beatles Let It Be. À partir de là, la machine politique se met en marche : l’équipe des États-Unis sera la première à poser les pieds en Chine depuis plus de vingt ans pour y jouer des «matches de l’amitié» aux forts échos diplomatiques. Ce qui permit à la Chine d’intégrer l’ONU et à Richard Nixon d’aller visiter Mao Zedong le 21 février 1972. Lors de leur poignée de main, le leader chinois lui dira : «La petite balle a fait rouler la grande balle.»

Sur un ton léger et à travers un dessin au style classique signé Alain Mounier, La Diplomatie du ping-pong déroule les faits avec un maximum de sincérité bien qu’en épilogue, Alcante avoue avoir «un peu triché avec la réalité» (dans la seconde partie du livre), car après tout, il est «scénariste et non historien». Cela n’enlève rien au charme de cette étonnante histoire qui, si elle se termine mal pour ses deux principaux protagonistes (Glenn Cowan, diagnostiqué schizophrène, mourut en 2004 à 51 ans, tandis que Zhuang Zedong, un temps ministre des Sports, sera désavoué et emprisonné à la mort de Mao), rappelle qu’elle fera des petits, à l’instar du rapprochement entre l’Iran et les États-Unis en 1998 lors de la Coupe du monde de football. Mais le livre peut être aussi apprécié comme un bel hommage au tennis de table, histoire de s’échauffer deux mois avant les Jeux olympiques.

L’histoire

Mars 1971. Lors des championnats du monde de tennis de table, Glenn Cowan, joueur américain farfelu, sportivement moyen, rate son bus et se retrouve par hasard dans celui de la délégation chinoise. De là naît la rencontre avec Zhuang Zedong, triple champion du monde chinois. De cette improbable amitié découlera la poignée de main entre Mao et Nixon, ainsi que le début du dégel Est/Ouest.

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