Le bilan statistique de la criminalité en 2023 montre certes une baisse des vols avec violence et des cambriolages, mais, en général, les infractions contre les biens et les personnes sont en hausse.
Inauguré il y a quasiment un an jour pour jour, le commissariat de Differdange a accueilli la présentation des statistiques de la criminalité 2023 de la police grand-ducale.
Un lieu symbolique pour le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, qui a entamé son discours en évoquant les trois piliers de sa politique pour les forces de l’ordre : «Plus de personnels, des moyens techniques adéquats et de bonnes infrastructures, à l’image de ce commissariat.»
Des promesses motivées par une hausse du nombre d’affaires traitées en 2023, au nombre de 40 293, soit +6,4 % en un an.
L’augmentation est moindre, mais tout de même significative, si on retire les frontaliers et les non-résidents : le nombre d’affaires est passé en un an de 5 730 à 5 996 pour 100 000 habitants (+4,6 %).
Rappelons toutefois que ces données ne prennent en compte que les infractions constatées et les plaintes déposées. Toujours est-il que cela permet à la police et à son ministre d’analyser le travail accompli et de dresser un bilan de la criminalité de l’année écoulée.
Quelques chiffres positifs
«Commençons par les messages positifs. Il y a eu moins de vols avec violence, il y a eu moins de grandes violences, moins de cambriolages, et donc c’est un effet positif sur le sentiment de sécurité.» Pour le premier point, les statistiques démontrent qu’il y a eu, en un an, 25 affaires en moins de vols avec violence (566).
Les vols à main armée contre les établissements commerciaux ont eux aussi baissé (de 16 à 7 affaires), tandis que la catégorie cambriolages regroupe 117 affaires de moins (-3 %).
Pour la grande violence, la police est intervenue sur quatre meurtres ou assassinats, cinq de moins qu’en 2022, tout en notant qu’«il s’agit de cas isolés, où un certain lien existait entre l’auteur présumé et la victime».
«Par contre, il faut constater que, de façon générale, le nombre d’infractions a augmenté contre les personnes et contre les biens», note le ministre. Les coups et blessures volontaires ont augmenté de 12 %, les interventions pour violences domestiques de 8 % et les menaces ou injures de 21 %.
Les policiers ne sont pas épargnés, puisque 382 actes de rébellion et outrages à agent ont été commis, contre 344 en 2022. À noter que les hausses de ces faits de violence peuvent s’expliquer par les déclarations sur l’e-commissariat de la police, «qui connaît une popularité croissante» et qui simplifie les dépôts de plaintes.
C’est également le cas pour les vols simples, première catégorie d’infraction avec 12 647 affaires, dont 1 323 affaires supplémentaires en un an. «Rien qu’en 2023, 5 177 vols d’essence à la pompe furent ainsi déclarés par voie électronique» note le bilan statistique.
Des recrues attendues
Les escroqueries et tromperies occupent, elles, la deuxième place du classement des affaires enregistrées (6 143) et connaissent la plus forte croissance parmi toutes les infractions, avec une hausse de 31 %.
«On recrute du personnel spécialisé pour identifier les auteurs de ces arnaques», annonce Pascal Peters, le directeur central de la police administrative. L’enjeu est de taille, car c’est un nouveau genre d’infractions. Pour les policiers, il s’agit d’«un changement par rapport à ce qui se faisait encore il y a cinq ou dix ans».
Le recrutement est donc un autre cheval de bataille de Léon Gloden afin de poursuivre la politique des «4P» : «Plus de personnel pour plus de présence, plus de proximité sur le terrain et plus de prévention». Le ministre a notamment évoqué le projet attendu d’unités locales à Luxembourg et Esch-sur-Alzette qui devrait être détaillé dans une conférence de presse début juillet.
Pour le directeur central de la police administrative, le recrutement doit également permettre de renforcer les effectifs dans les commissariats afin «d’assurer la présence policière dans l’espace public».
Très mobilisée dans la lutte contre le trafic de drogues, l’une des priorités du ministère (lire ci-dessous), la police judiciaire a besoin de bras, sachant qu’elle doit aussi faire face à une hausse des menaces, diffamations, calomnies et injures, qui sont passées de 3 735 infractions en 2022 à 4 525 en 2023, à cause notamment «du basculement de ces faits délictueux sur le vecteur informatique». Léon Gloden affiche sa confiance : «Je reste convaincu que la nouvelle politique de recrutement contribuera à assurer la sécurité dans ce pays.»
ANPR, comparution immédiate et écoutes
Le bilan annuel des statistiques offre l’occasion d’aborder les axes d’amélioration possibles pour la police. Dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants, l’Automatic number-plate recognition (ANPR) a été évoquée. La lecture automatisée de plaques d’immatriculation par caméra «fonctionne très bien pour démanteler les organisations criminelles», selon Sophie Hoffmann, de la police judiciaire.
Cette dernière réclame également la mise en place de la comparution immédiate pour les flagrants délits ainsi que l’autorisation de procéder à des écoutes téléphoniques dans les voitures ou domiciles. Elle souhaite aussi une coopération transfrontalière plus fournie. Un point sur lequel Léon Gloden se montre favorable : «Il faut un échange d’informations accru entre les autorités nationales.»
La police judiciaire sur le front
La police judiciaire a réalisé 1 040 saisies et 187 arrestations en 2023, selon les chiffres présentés par Sophie Hoffmann.
Bien que le nombre d’affaires liées aux stupéfiants ait diminué de 457 cas entre 2023 et 2022, le service de police judiciaire (PJ) n’a pas pour autant chômé.
En un an, 187 personnes ont été arrêtées dans le cadre de «la lutte contre les stupéfiants, qui est une priorité de la police grand-ducale», assure Sophie Hoffmann, du service de police judiciaire. Sur la quantité de drogues saisies, les chiffres sont biaisés, puisque, en janvier 2023, un énorme coup de filet, un «coup de chance», a eu lieu avec une saisie par la douane de 290 kg dans un camion remorque. Cette prise représente 91 % du haschich saisi dans l’année (318,5 kg), bien loin devant les 25,9 kg de marijuana, les 3 kg de cocaïne et les 7,7 kg d’héroïne saisis.
Dans cette lutte, la police judiciaire n’est pas seule. Le service compte 35 agents qui «agissent en civil, font des enquêtes de plus ou moins longue durée» et sont épaulés par «tous les policiers en uniforme qui travaillent quotidiennement dans la lutte contre les stupéfiants». Ces derniers réalisent notamment le contrôle des personnes, se chargent des flagrants délits ou réalisent des actions coups-de-poing, comme à la gare à Luxembourg.
Coopération transfrontalière fructueuse
Les membres de la PJ, eux, sont mobilisés sur des enquêtes «beaucoup moins visibles par le public». «Notre but n’est pas de prendre de petits trafiquants de rue, mais vraiment l’organisation criminelle, les grands trafiquants.» La saisie de 290 kg de haschich a par exemple été suivie d’une enquête sur l’Espagnol qui organisait le trafic depuis son pays. «Les autorités espagnoles nous l’ont remis il y a environ trois semaines et maintenant il est en prison ici, au Luxembourg.»
La policière cite en outre une collaboration avec la PJ de Metz : «On a réussi à démanteler une bande avec, d’un côté, les grands trafiquants, les distributeurs et, de l’autre, les petits dealers qui vendaient de la drogue, principalement près de l’Abrigado à Luxembourg.» Résultat de l’enquête : 13 blocs d’héroïne de 500 grammes, 800 grammes de cocaïne et l’arrestation de huit trafiquants au Luxembourg et un en France.
La coopération transfrontalière fonctionne très bien, selon Sophie Hoffmann, mais «ne se fait pas assez souvent» à son goût, bien qu’il existe la coopération Hazeldonk entre les pays du Benelux et la France. Établie depuis 2006, elle a donné lieu en 2023 à l’action «Étoile», qui a mobilisé 4 209 policiers et douaniers belges, néerlandais, luxembourgeois et français.