Les chats errants sont invisibles et pourtant ils pullulent avec leur lot de souffrances. Des associations leur viennent en aide. Dépassées par la tâche, elles souhaitent plus de soutien.
Le 27 mars dernier, le ministère de l’Agriculture invitait les propriétaires de chats à faire stériliser ou castrer leurs compagnons. «La castration ou stérilisation est un outil de lutte et de prévention contre l’abandon des animaux et les atteintes à leur bien-être.» Les associations comme Een Herz fir Streuner restent cependant sur leur faim. Elles reprochent à la loi de protection des animaux de ne pas prendre en compte les chats de ferme et une certaine frilosité au ministère qui propose peu de solutions concrètes. Nadja Burg, présidente de l’association, et Laurence Schreiner illustrent la problématique.
La loi n’impose pas de stérilisation aux chats de ferme. Sont-ils nombreux et à qui appartiennent-ils ?
Nadja Burg : En fait, 65 % des chats que nous stérilisons chaque année proviennent de fermes, 22 % se trouvent à proximité de fermes et 15 % se trouvent sur des terrains privés. Actuellement, la loi n’oblige pas les agriculteurs à les faire stériliser ou identifier. S’ils n’ont pas de puce, on considère que les chats n’ont pas de propriétaire. Les agriculteurs les nourrissent car ils en ont besoin pour se débarrasser des nuisibles, mais ils sont de plus en plus dépassés par le nombre. Ils nous contactent alors pour les attraper et les faire stériliser.
Nous intervenons dans l’intérêt des animaux. Cela évite la propagation de maladies, la consanguinité ou la mort des chatons. Une chatte non stérilisée met bas deux fois par an à partir de l’âge de 6 mois. Ce n’est pas une vie pour les femelles.
Cela permet aussi de mettre fin aux combats entre mâles non castrés.
N. B. : Oui, ils se terminent souvent en bains de sang. Les mâles non castrés sont plus portés à se battre entre eux. Ils sont beaucoup plus susceptibles de propager des maladies et de souffrir de blessures causées par leurs combats, comme des abcès.
Quelles sont les maladies typiques des chats errants ou harets ?
N. B. : Les parasites, les puces, les vers ainsi que les infections dues à des plaies. Ces chats sont aussi dénutris, ont des problèmes de dentition ou sont porteurs de virus comme le sida des chats ou des leucoses. Quand ils commencent à montrer des signes de maladie, il est souvent déjà trop tard. La consanguinité est également la cause de problèmes de santé ou de handicaps.
Laurence Schreiner : Les chattes mettent bas des petits qui n’ont aucune chance de survie. Ils naissent avec des difformités. Certains meurent dans l’utérus – ce qui peut être fatal pour la mère – ou leurs organes ne sont pas suffisamment développés.
D’où viennent les chats que vous récupérez dans les fermes, les jardins, les campings ou les sites industriels ?
N. B. : Les gens abandonnent leurs chats dans la nature. Ils redeviennent sauvages au bout de deux ans et donnent naissance à des générations de chats qui ne connaissent pas l’Homme. Les gens déménagent, meurent ou trouvent tout un tas d’excuses pour s’en débarrasser. Beaucoup de propriétaires de chats les ont adoptés de manière peu responsable auprès de fermiers, à l’étranger ou en répondant à une annonce sur les réseaux sociaux alors que les chatons n’étaient pas encore sevrés. C’est plus simple et cela ne coûte rien. Au moindre problème, on s’en débarrasse. Certains critères doivent être respectés en vertu de la protection des animaux. Adopter un animal, c’est accepter de s’en occuper pendant de longues années, de veiller à son bien-être et à sa santé.
Si nous, les bénévoles, n’intervenons pas, personne ne bouge
Le problème des chiens errants a été réglé. Pourquoi n’est-ce pas le cas des chats ?
N. B. : Les chats errants se cachent. Les gens ne réalisent pas à quel point il y en a. Nous en attrapons plus de 1 000 par an. Ils voient un chat, s’imaginent que c’est celui du voisin et ne se posent pas plus de question. Un chien se remarque plus facilement. Il erre sur la route.
Nous ne pourrons pas y arriver sans l’aide de l’État. Je ne parle pas d’une aide financière. Pour le moment, nous nous débrouillons grâce aux dons. À eux seuls, les frais de vétérinaires sont de 160 000 euros par an uniquement pour rendre les chats conformes à la loi. D’autres frais s’ajoutent.
Le ministère de l’Agriculture a publié un communiqué. L’attention est louable, mais il ne propose rien de concret. Que préconisez-vous ?
L. S. : Il faut davantage de synergies et de sensibilisation, contacter les agriculteurs, par exemple. Neuf agriculteurs sur dix sont contents de l’aide que nous leur proposons quand nous faisons du porte-à-porte. La plupart ne savaient même pas que nous existons. Le ministère devrait éditer une liste des associations à contacter au lieu de se contenter d’envoyer un vague communiqué. Il faut aussi plus de gens sur le terrain pour faire en sorte que les chats errants ne remplissent plus les asiles pour animaux. Leur population doit être réduite rapidement.
Un chat qui sort dans la nature doit être stérilisé ou castré et identifiable par une puce pour permettre de retrouver son propriétaire. Si ce n’est pas le cas, le chat est placé dans un asile pour animaux et prend la place d’un chat qui en a plus besoin.
N. B. : Nous manquons de bénévoles. Attraper des chats est difficile. Il faut parfois attendre toute la nuit et ce que nous voyons est parfois insoutenable. Nous atteignons nos limites physiques et psychiques. S’ajoute la pression du financement. Nous devons rassembler au minimum 250 000 euros par an pour pouvoir mener nos actions à bien et ne pas devoir abandonner les chats.
Le plus important reste la sensibilisation. Nous voulons juste aider des animaux avant qu’il ne soit trop tard. La loi est très bonne, mais elle n’est pas transposée comme elle devrait. Il n’y a pas de suivi et pas de permanences téléphoniques. Nous sommes les permanences. Quand quelqu’un a abandonné des chatons sur l’autoroute à minuit, qui se déplace? Nous, les bénévoles! Si nous n’intervenons pas, personne ne bouge.