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Violences conjugales : le prévenu ne trompe pas le tribunal


Le prévenu a tenté de minimiser son geste en prétendant que les blessures infligées n’étaient pas graves. Ce qui impliquerait qu’il n’a pas frappé fort. (Photo : archives lq)

On ne frappe pas sa femme. Un point c’est tout. Même sans causer d’effusion de sang, de fractures, de blessures graves ou le pire. Soliman l’a appris à ses dépens ce vendredi matin.

À trois reprises, les 29 avril, 29 mai et 5 juin 2023, Soliman aurait fait subir des violences à celle qui est depuis devenue son ex-épouse. Youssra a confié à la police et au juge d’instruction avoir été empoignée par le cou et traînée à travers leur logement, avoir été jetée sur le lit conjugal ainsi qu’avoir reçu des coups de poing au visage et un coup de coude dans les côtes. Des violences qui lui ont occasionné des ecchymoses, des éraflures et une blessure à un pouce.

«Il était un très bon mari, mais notre vie a basculé quand j’ai découvert qu’il m’avait trompée», a raconté la jeune femme à la barre de la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg vendredi matin. «Cela m’a rendue triste. Nous avions été tellement heureux jusque-là.»

«Je ne voulais pas la voir chez moi»

Soliman aime une autre femme et souhaite divorcer. La situation a envenimé sa relation avec Youssra dont le monde s’est écroulé. Le couple se dispute de plus en plus souvent et l’Égyptien de 38 ans a, selon la jeune femme du même âge, du mal à retenir ses coups. Le 29 mai, notamment. Youssra explique s’être emportée en apercevant son ancien époux sortant «en pyjama» de la voiture de sa maîtresse alors qu’il aurait dû s’occuper de ses enfants. «Je ne voulais pas la voir chez moi. J’étais fâchée. Il m’a poussée sur le lit, s’est mis sur moi à califourchon et m’a frappée » Idem le 5 juin 2023. Le prévenu n’aurait pas apprécié que Youssra lui apporte un sac sur son lieu de travail.

«Je ne comprenais pas ce qui nous arrivait. En seulement quatre mois, tout a changé. J’avais peur, je ne savais plus quoi penser. Nous nous connaissions depuis l’école», témoigne Youssra. «Nous ne sommes pas européens. Nous sommes égyptiens. Nous ne savions pas comment faire pour nous séparer.» Depuis, les tensions sont retombées, a assuré la jeune femme, et Soliman veillerait au bien-être de ses enfants. Le couple divorcé s’entendrait à nouveau.

Des blessures accidentelles

Cette sérénité retrouvée entre les anciens époux n’excuse pas les gestes que Youssra accuse Soliman d’avoir commis. Seul face aux juges sans avocat pour le défendre, il nie avoir frappé son ex-épouse, mais dit avoir voulu la bâillonner. «Si je l’avais réellement frappée, avec la taille de mes mains, elle aurait eu plus que des ecchymoses. Je la tenais pour essayer de la calmer et l’empêcher de crier devant les enfants. Je lui ai peut-être pincé les lèvres un peu trop fort, mais je ne l’ai pas battue intentionnellement», a-t-il assuré à la barre. La présidente de la chambre correctionnelle a du mal à croire les justifications du prévenu.

«Je ne pense pas qu’un coup de coude dans les côtes arrive juste comme ça dans une dispute», lui lance-t-elle. «Les blessures n’étaient pas graves», lui répond Soliman. «Vous ne semblez pas comprendre qu’il ne faut pas nécessairement de sang ou de fractures pour que les blessures soient sérieuses.»

18 mois de prison requis

La juge essaye de lui faire comprendre que l’acte de lever la main sur quelqu’un est en soi répréhensible, peu importe ses conséquences, et que frapper quelqu’un peut être fatal pour la victime. «Pourquoi n’avez-vous pas esquivé la situation ou essayé de calmer le jeu?» «Je ne pouvais pas laisser mes enfants seuls», tente Soliman. «Votre femme n’était pas fâchée après eux et cela ne vous a pas dérangé pour aller retrouver votre maîtresse», a constaté la juge. Soliman dit regretter. «Si vous regrettiez vraiment, vous reconnaîtriez avoir porté des coups à votre ex-épouse», conclut la juge, agacée par l’attitude du prévenu.

Pour le procureur, Soliman «essaye de minimiser ses actes et affirme que les blessures sont arrivées par accident durant les disputes. Je ne partage pas cet avis». Le dossier montrerait, selon le magistrat, que les blessures de Youssra ne peuvent être le fruit d’accidents. «Le prévenu essaye de se protéger.» Au vu de l’attitude du prévenu à la barre et «parce qu’il ne semble pas avoir réalisé la gravité des faits», le procureur a requis une peine de 18 mois de prison et une amende appropriée à l’encontre de Soliman.

Le prononcé est fixé au 30 mai prochain.