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La seconde vie des fresques de 1939-1945


Réalisées en 1945 par Marcel Gautreau, les fresques accrochées au mur du bistrot montrent la première stèle érigée en France en l’honneur des libérateurs. (Photo : afp)

Un bunker transformé en gîte, une fresque accrochée dans un hôtel… En Normandie, des vestiges de la Seconde Guerre mondiale laissés à l’abandon retrouvent une seconde jeunesse, relayant les témoins qui disparaissent à 80 ans du Débarquement.

Des milliers d’Américains débarqués à Utah Beach le 6 juin 1944 sont passés devant le café du village de Sainte-Marie-du-Mont. «Le plus important, c’est la transmission de la mémoire. On est en train de basculer de la mémoire vive avec les habitants et les vétérans qui sont en train de partir, vers une histoire qui est racontée», estime Jérémy Dubois, patron de l’établissement qui s’appelle aujourd’hui «Bar du 6 juin». Le trentenaire a conscience que les fresques dans son bar sont exceptionnelles et tient à tout prix à les préserver, «pour que ça reste un témoin».

Réalisées en 1945 par Marcel Gautreau, cousin des propriétaires de l’époque, les fresques accrochées au mur du bistrot montrent la première stèle érigée en France en l’honneur des libérateurs, des parachutistes devant le clocher si reconnaissable du village et le débarquement sur la plage. «Ça donne un peu l’idée de ce qui s’est passé, relate Cécile Osmont, 14 ans en 1944. On a connu tout ça. En réalité, c’était pire. Tout le monde tremblait, tout le monde priait, on se demandait si une bombe n’allait pas nous tomber sur la tête. C’était l’horreur!»

«Nous ne voulons pas que l’histoire disparaisse»

À deux pas du bar, dans l’ancienne kommandantur, une fondation américaine accueillant des vétérans a fait rénover des fresques… allemandes : des scènes folkloriques avec cigognes et bières, des officiers ou encore une illustration de la chanson Lili Marleen.

Les Américains, qui en ont fait leur quartier général à la Libération, tenaient à les conserver, estimant qu’ils avaient «fait assez de destructions en Europe et durant la guerre». «Nous ne voulons pas que l’histoire disparaisse», rapporte le président de The Greatest Generations Foundation, Timothy Davies.

Ça demande une prise de conscience qu’une fresque faite par des Allemands, c’est du patrimoine

Jusqu’à présent, 70 fresques sont recensées par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), principalement allemandes mais aussi américaines, style «comics», ou britannique avec une carte de l’Europe de l’Ouest. Elles font partie des 8 000 éléments répertoriés depuis dix ans en Basse-Normandie, y compris ceux détruits.

Cette base de données sera accessible sur internet en juin. Y figurent un hangar pour missiles qui abrite aujourd’hui bateaux et habitations, une station de pompage pour arroser les aérodromes couverts de poussière transformée en résidence secondaire, tout comme un bâtiment d’urgence pour le relogement d’après-guerre à Langrune-sur-Mer. Une piscine allemande est même utilisée pour un trail près de Cherbourg.

«Rdonner une visibilité à des choses qu’on ne voyait presque plus»

Mais le plus souvent, habitants, entreprises ou collectivités recouvrent les fresques de peinture ou de plâtre, laissent à l’abandon ces vestiges, comme la maison canadienne, à Brouay, ou les détruisent. Jusqu’aux années 1990, toute trace de l’occupant est facilement éradiquée : cuisines en brique, sanitaires, théâtre, garages ou autres guérites construites par les Allemands, ont été détruites. «Ça demande une volonté de la part des propriétaires, une prise de conscience qu’une fresque, des soutes à munitions… faites par des Allemands, c’est du patrimoine. Ce n’est pas évident pour tout le monde», reconnaît Cyrille Billard, coordonnateur du recensement de ces vestiges à la DRAC.

Quant aux bunkers, souvent trop chers à détruire, ils sont laissés à l’abandon. Certains sont cependant devenus un gîte, un centre nautique à Ver-sur-Mer ou encore un abri pour vaches à Saint-Martin-de-Varreville. Les graffeurs du Cotentin y voient un terrain de jeu artistique. Sur la plage de Biville, où il n’y a eu aucun débarquement, Blesea termine une énorme tortue.

Le graffeur, qui s’amuse à peindre des personnages de Star Wars ou Dragon Ball sur les bunkers, reconnaît que «le fait de faire des peintures dessus, les gens s’arrêtent, prennent des photos». «Ça peut être aussi l’opportunité, selon lui, de redonner une visibilité à des choses qu’avec le temps, on ne voyait presque plus.»

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