En grande difficulté et ne parvenant pas à sortir de la crise, les artisans ne sont pas optimistes quant à l’avenir.
Les temps sont durs pour l’artisanat au Luxembourg. Le secteur est touché de plein fouet par la crise économique avec d’importantes conséquences au sein des entreprises.
Si les acteurs du milieu espèrent voir le bout du tunnel, les prévisions présentées par la Chambre des Métiers ne vont pas dans ce sens. Ce mardi 7 mai, l’institution a tenu une conférence de presse en présence du ministre de l’Économie, Lex Delles, afin de présenter la situation économique et les perspectives de l’artisanat.
Les crises se greffent les unes aux autres
De cette présentation, il ressort que le secteur de l’artisanat ne s’est jamais vraiment remis de la crise amorcée par le Covid-19 et fait face à de nombreux défis structurels depuis 2022. Pandémie, pénurie et hausse des prix des matériaux, inflation, hausse des taux d’intérêts, tensions géopolitiques… Les crises se sont greffées les unes aux autres et entraînant la chute du secteur.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis le deuxième trimestre 2022, l’indice de conjoncture du secteur artisanal dans son ensemble a chuté lourdement, passant de +9 à -18 points.
Un climat orageux qui se fait ressentir au sein des entreprises. Pour 66% d’entre elles, le chiffre d’affaires progresse moins vite que l’inflation. Ce qui entraîne une stagnation, voir une réduction effective des revenus.
En 2023, 44% des entreprises ont subi une baisse de leur rentabilité dont de nombreuses petites entreprises, 43% une stagnation et seulement 13%, une hausse. Pour 2024, elles sont 92% à anticiper un scénario similaire et une entreprise sur quatre prévoit une réduction de son effectif.
Puiser dans ses ressources
Cette situation a déjà contraint, en 2023, 48% des entreprises à puiser dans ses réserves financières. Un chiffre qui monte à 68% dans le secteur de l’alimentation ou à 54% dans le milieu de la mécanique. 20% des entreprises compte réaliser cette opération en 2024. Cette action a pour conséquence d’exacerber encore un peu plus la pression économique sur le secteur.
Symbole de cette crise, le secteur de la construction a été confronté, au premier trimestre 2024, à un nombre record de faillites depuis 2011. Au total, 71 entreprises ont mis la clé sous la porte durant cette période, soit 18% de plus par rapport au 1ᵉʳ trimestre 2023. Depuis le début de l’année, environ 660 employés ont donc perdu leur emploi et vu leur vie changer.
Avec une demande qui ne cesse de diminuer, les perspectives sont peu favorables à court terme pour le secteur de la construction. S’ajoute à la baisse de la demande, une reprise ralentit par les tensions géopolitiques et l’inflation.
Aussi, plus de la moitié (54%) des acteurs du secteur trouvent que les mesures gouvernementales sont insuffisantes pour relancer la demande à court terme. «Moment du retour de la demande est impossible à définir. Tout dépend de l’évolution des taux», note la Chambre des Métiers dans sa présentation.
De nouvelles perturbations
Malgré ce contexte de crise et ces prévisions pessimistes, la Chambre des Métiers enregistre une augmentation nette de 356 nouvelles entreprises entre juillet 2022 et juin 2023. Un chiffre révélateur d’une «réalité complexe».
Il souligne en effet la volonté d’entreprendre dans des activités accessoires, mais aussi le désir d’entrepreneuriat de la part demandeur d’emplois devenant ainsi indépendants. Il marque également le souhait d’entreprises étrangères ou issues d’autres secteurs économiques cherchant à saisir de nouvelles opportunités dans l’artisanat au Grand-Duché. Enfin, il induit une hausse de la concurrence dans le secteur de l’artisanat.
«Ces tendances mettent en évidence que, dans le contexte incertain actuel, l’accentuation de la concurrence sur un marché national sous pression, marqué par une demande moindre, risque de créer des perturbations supplémentaires à terme», s’inquiète Tom Oberweis, président de la Chambre des Métiers.
Côté emploi, le secteur a connu un rythme de croissance au ralenti à la mi-2023 avec 2 212 nouveaux emplois. Si l’on zoome sur le secteur de la construction, celui-ci a réussi à stabiliser son niveau d’emploi entre juillet 2022 et juin 2023, notamment à travers une réduction des heures supplémentaires et le recours à des travailleurs intérimaires.
Toutefois, les données de l’Inspection générale de la Sécurité sociale montrent qu’entre juin et décembre 2023, ce secteur a subi une perte de plus de 2 000 salariés. Une diminution qui laisse présager une réduction plus substantielle de l’emploi dans l’artisanat en 2024.
Le frein des coûts d’investissements initiaux
«Je suis convaincu que l’artisanat joue un rôle clé pour relever les défis actuels, le plus grand enjeu étant certainement la transition énergétique. Il convient de noter que l’artisanat dispose des compétences nécessaires pour jouer un rôle significatif dans cette transition», appuie le ministre de l’Économie. Un constat que corroborent les données récoltées par la Chambre des Métiers : le développement durable se dessine en effet comme un axe stratégique majeur pour les entreprises artisanales.
Dans les chiffres, 26% des entreprises indiquent avoir un bon niveau de compréhension et 57% possèdent des notions sur ce thème. 55% des entreprises ont mis en place des initiatives liées au développement durable. Parmi ces dernières, 95 % des grandes entreprises prennent des initiatives et même déjà 46% des micro-entreprises. Toutefois, les coups initiaux freinent considérablement la mise en œuvre d’initiatives de durabilité.
Une situation à laquelle le ministère de l’Économie est «déterminé» à répondre via «une série de mesures et de régimes d’aides telles que le «SME Packages – Sustainability», l’aide temporaire «impact environnemental» et la bonification d’impôt dans le cadre d’un projet de transition énergétique».