Après la plainte de Greenpeace à l’OCDE contre «les investissements non durables du Fonds de compensation» luxembourgeois, deux ex-ministres s’interrogent sur la position du nouveau gouvernement dans ce dossier.
Après des mois de mobilisation de Greenpeace pour dénoncer les investissements du Fonds de compensation (FDC) jugés «sans garanties suffisantes pour le climat», un débat à la Chambre des députés avait abouti, le 9 février 2023, au vote d’une motion censée remettre la stratégie de l’organisme sur les rails.
Portée par trois députés de la majorité DP-LSAP-déi gréng, elle avait été largement soutenue, y compris par l’opposition : un signal fort de la part des élus pour davantage d’efforts en matière de transition écologique, qui n’a malheureusement pas été suivi d’effets, selon Greenpeace.
En mars dernier, l’ONG publiait en effet un nouveau rapport accablant. «Le FDC investit dans plus de 1 200 entreprises exclues par d’autres investisseurs institutionnels en raison de leurs impacts négatifs sur la société et l’environnement», pouvait-on y lire. «Ces entreprises représentent une valeur d’investissement totale de plus de 4,5 milliards d’euros, soit 36 % du portefeuille d’actions et d’obligations d’entreprises du Fonds et 20,6 % du portefeuille total», précisait encore Greenpeace, qui avait porté plainte dans la foulée, pour «non-respect des principes directeurs de l’OCDE pour une conduite responsable des entreprises».
De quoi pousser les députés et ex-ministres déi gréng, Joëlle Welfring et François Bausch, à demander des explications à la ministre de la Santé et de la Sécurité sociale, Martine Deprez, pour éclaircir la position du nouveau gouvernement, tandis que l’accord de coalition 2023-2028 reste muet sur le sujet.
Elle rappelle d’abord que le gouvernement précédent avait décidé de suivre la position des députés, l’ancien ministre Claude Haagen, confirmant lui-même que les représentants de l’État dans les organes décisionnels du FDC suivraient cette ligne et appliqueraient la motion précitée. Joëlle Welfring dit pourtant «constater que la nouvelle directive ne contient pas de stratégie de désinvestissement explicite visant l’énergie nucléaire et les objectifs de l’accord de Paris», mesures figurant dans la motion.
Martine Deprez rétorque qu’à la suite de la motion, le FDC a implémenté une nouvelle stratégie d’investissement et que «100 % des mandats actifs sont désormais gérés avec une approche durable». En parallèle, un nouveau compartiment obligatoire à gestion indexée (passive) aligné avec l’accord de Paris a été lancé pour 500 millions d’euros. Selon elle, le dernier «Sustainable Investor Factsheet», publié fin 2023, montre une réduction jusqu’à 14 % de l’empreinte carbone et autres gaz à effet de serre par rapport à l’exercice antérieur. Elle mentionne également l’adhésion du FDC au réseau Institutional Investors Group on Climate Change et à l’initiative Climate Action 100+ en 2024.
La ministre consulte son agenda
La liste d’exclusion a, quant à elle, été revue, écartant les entreprises qui ne respectent pas les normes internationales du pacte mondial des Nations unies – qui couvre notamment l’environnement – ainsi que les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales, soutient-elle.
Ces prochains mois, le FDC «analysera l’ensemble de ses investissements sur base de critères ESG et effectuera une étude sur son alignement à l’accord de Paris, à l’instar de l’étude du rapport d’investisseur responsable de 2020». Cette étude permettra de juger l’efficacité des mesures entreprises par le FDC en matière d’investissements durables, commente Martine Deprez, qui annonce par ailleurs qu’elle recevra Greenpeace prochainement, «selon les disponibilités à son agenda».
Zoom sur le FDC
Alimenté par les cotisations des salariés du privé et censé garantir la pérennité du système de retraite, le Fonds de compensation commun au régime général de pension (FDC) est chargé de gérer une réserve d’environ 24 millions d’euros (2022) et de la faire fructifier. La directive qui guide ses investissements est révisée tous les cinq ans par le conseil d’administration, qui compte notamment des représentants des assurés et des employeurs.