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Accident en Gironde : à Petit-Palais, seuls et soudés face au deuil


Devant la salle polyvalente de Petit-Palais, les habitants du village ont tous perdu un proche, un ami, un parent. « On se sent peu soutenus, mais on reste soudés » dit Christian. (photo Pascal Jalabert)

Quelques heures après la tragédie de Puisseguin, le village voisin de Petit-Palais d’où sont originaires nombre de victimes est sous le choc. Vendredi après-midi, le bilan de la dramatique collision entre un bus et un camion, survenu dans la matinée, s’élevait à 43 morts. Un des pires accidents de la route qu’ait connu le pays.

Sur le fronton de la mairie de Petit Palais, au-dessus du drapeau tricolore en berne, la pendule marque 14 heures. Par petits groupes, en couple ou en famille, les habitants de ce bourg de 756 âmes lové dans les vallons couverts des vignes de Saint-Emilion convergent vers la place centrale. Des voitures sont impeccablement alignées face à la salle polyvalente où se réunissent les associations.

« Ce sont les voitures de nos morts » pleure Sylvie, gérante d’un domaine viticole. « J’ai perdu une amie d’enfance et une tante. Ils ont laissé les voitures là pour prendre l’autocar et partir visiter la région de Jurançon près de Pau. Ils en faisaient souvent des voyages à la journée comme celui-là ». A huit heures, elle raconte avoir croisé des voitures de gendarmes et de pompiers. « Quand je suis arrivé au domaine, un ouvrier m’a raconté qu’il a vu depuis les vignes du coteau une fumée noire immense du côté de Puisseguin à 5 kilomètres. J’ai allumé la radio ».

«C’est une tragédie. Ici on se connaît tous»

Elle se tait et accueille une dame engoncée dans son manteau rouge. Fabienne Veyssère, formatrice au lycée agricole, vient d’apprendre le décès de son père Michel Rogerie, 84 ans, ancien maire du village dans les années 1990 : « Je me doutais qu’il irait à cette journée. Je ne réalise pas, c’est une tragédie. Ici on se connaît tous.»

Rino Raichini a perdu ses trois sœurs : « Quand j’ai su la gravité de l’accident, je ne me faisais plus d’illusion ». (photo Pascal Jalabert)

Rino Raichini a perdu ses trois sœurs : «Quand j’ai su la gravité de l’accident, je ne me faisais plus d’illusion».

Au milieu de la place, tout le monde entoure Rino, 67 ans, l’époux de Patricia Raichini, la maire de Petit-Palais. Ce solide gaillard en tenue de chasseur craque face aux caméras. « Ma femme vient de m’appeler depuis Puisseguin. Mes trois sœurs étaient dans l’autocar. Elles sont toutes mortes. Je ne savais pas qu’elles étaient parties à ce voyage ». Il pleure, repousse les micros, s’engouffre dans la salle communale du village entouré de trois copains et de quelques jeunes. Le grand hall paraît vide. Pas un gendarme pour barrer l’entrée à la presse, pas un soutien psychologique. Juste devant, Marcel, 68 ans retraité, s’énerve. Il attend des nouvelles de sa tante et de sa cousine. Les conseillers municipaux tentent de filtrer l’entrée, disposent eux-mêmes des tables.

« Personne ici alors que les victimes sont presque toutes du village»

Christian Bordas s’agace : « Personne ici alors que les victimes sont presque toutes du village. Le Premier ministre est venu à cinq kilomètres et n’a pas daigné faire un crochet. On a l’habitude dans nos villages d’être délaissés, d’avoir le portable qui ne passe pas partout, mais là, dans la douleur… Heureusement, les élus, les amis répondent présents ». Deux jeunes, un garçon en bleu de travail et une jeune femme, entrent dans la salle communale, visages rougis de douleur, épaule contre épaule. « Ils sont cousins. La maman du gamin était dans le bus. Lui a déjà perdu son père dans un accident. Ils n’avaient qu’elle ».

Sylvie et Marie-France, proches de victimes : « Dimanche, on aurait dû tous se retrouver pour le loto. Il y avait deux générations de retraités dans l’autocar, des gens de 60 à 88 ans ». (photo Pascal Jalabert)

Sylvie et Marie-France, proches de victimes : « Dimanche, on aurait dû tous se retrouver pour le loto. Il y avait deux générations de retraités dans l’autocar, des gens de 60 à 88 ans ». (photo Pascal Jalabert)

Dans cette ambiance que l’éclairage faiblard et le carrelage froid de la salle rendent encore plus pesante, arrive Serge Bourdichoux, le premier adjoint. Il prend la parole, annonce un recueillement dans une chapelle ardente à Puysseguin à partir de 17 heures pour les familles, se tourne vers les familles rassemblées. Le préfet lui a donné quelques identités de victimes du village « mais pas toutes » : « On n’a qu’un survivant, Raymond. Il a pu sauter à travers une fenêtre. Il a essayé de sauver des personnes. Il est blessé mais il s’en sortira».

L’adjoint au maire demande à la presse de sortir : « On a besoin d’être entre nous».

À Petit-Palais, Pascal Jalabert (Le Républicain lorrain)