Luis Montenegro, nommé jeudi au poste de Premier ministre du Portugal, est un parlementaire chevronné sans expérience gouvernementale, arrivé au pouvoir en tant que chef de l’opposition de centre droit grâce à une persévérance qui a compensé son manque de charisme.
« Je sais que les gens attendent davantage de moi que ce que j’ai été capable de montrer jusqu’ici », reconnaissait en novembre cet homme de 51 ans à la carrure solide, les yeux bleu-vert et fossette au menton, lors du lancement de sa campagne pour les législatives du 10 mars dernier.
Perçu comme honnête et compétent, selon les enquêtes préélectorales, cet avocat de formation a pourtant essuyé de nombreux échecs au cours de sa longue carrière politique, et la plupart des commentateurs le croyaient voué aux seconds rôles.
Devenu président du Parti-social démocrate (PSD, centre droit) quelques mois après que le Parti socialiste d’Antonio Costa remporte une majorité absolue aux élections de janvier 2022, Luis Montenegro risquait de passer deux années supplémentaires dans l’opposition.
Et, comme il ne faisait pas l’unanimité dans son propre camp, certains pensaient même qu’il jouerait sa carrière aux européennes de juin.
Mais la démission surprise d’Antonio Costa, éclaboussé par une affaire de trafic d’influence, lui a permis de disputer des élections plus tôt que prévu, face à des socialistes ayant eu peu de temps pour se regrouper autour d’un nouveau leader.
Défenseur de l’austérité
Élu député à 29 ans, Luis Montenegro a fait ses gammes de tribun et pris du galon au sein du PSD jusqu’à devenir chef de son groupe parlementaire lors de son dernier passage au pouvoir entre 2011 et 2015.
Pendant cette période, il a défendu la mise en œuvre d’un rigoureux programme de rigueur budgétaire négocié par le Portugal en échange d’un plan de sauvetage financier international.
« La vie des gens ne s’est pas arrangée, mais le pays va beaucoup mieux », a-t-il affirmé, s’attirant les foudres de ceux qui y ont vu un manque de sensibilité qu’il dément.
Né à Porto, la grande ville du nord du pays, c’est à Espinho, station balnéaire située une vingtaine de kilomètres plus au sud, qu’il a grandi et vit toujours aujourd’hui avec sa femme et ses deux enfants.
C’est à Espinho aussi, où le jeune Luis Filipe travaillait l’été comme maître-nageur, que ce footballeur amateur et supporteur du FC Porto a débuté sa carrière politique chez les jeunesses du PSD.
Conseiller municipal dès 24 ans, la politique locale ne lui a pourtant pas réussi, puisqu’il a échoué deux fois à se faire élire maire de Espinho, en 2001 et en 2005.
« Non, c’est non »
Très impliqué dans les luttes intestines qui ont longtemps déchiré son parti, il s’est plusieurs fois retrouvé dans le camp des vaincus.
Après avoir quitté le Parlement en 2018, il a tenté une première fois de prendre la tête du PSD en 2020. Il a fini par y parvenir en mai 2022, soutenu par la mouvance fidèle à l’ex-Premier ministre Pedro Passos Coelho.
Les deux hommes se sont depuis éloignés au sujet du défi posé par la montée de l’extrême droite, Luis Montenegro refusant pour sa part tout accord avec le parti antisystème Chega.
« Non, c’est non », a-t-il martelé tout au long de la campagne qu’il a menée à la tête de la coalition Alliance démocratique, formée avec deux petites formations conservatrices.
Après la très courte victoire remportée sur les socialistes et la confirmation d’une forte progression de Chega, Luis Montenegro a réaffirmé qu’il tiendra sa parole.
Décrit par ses proches comme aimant décider seul, et parfois entêté, il a dit un jour que « le pouvoir s’exerce avec une certaine discrétion et parfois dans une grande solitude ».
Au-delà des démêlés judiciaires qui ont fait tomber le gouvernement socialiste sortant, Luis Montenegro est, lui aussi, visé par une enquête concernant les avantages fiscaux dont il a bénéficié lors de la construction d’une luxueuse villa à Espinho.