Les musiciens agréés par le métro londonien jouent devant un public unique : 3,5 millions de passagers par jour. En mars, le «Tube» organise un casting pour trouver les prochaines stars du métro, jugées sur leur originalité, leur technique et leur performance.
Entre deux escalators de la station de métro de Southwark dans le centre de Londres, des candidats déballent leurs instruments et échauffent leur voix au petit matin.
Ils espèrent être sélectionnés pour se produire chaque jour devant les millions de voyageurs du «Tube». Peter Willoughby, 35 ans, est ce jour-là le premier prétendant de ce casting digne d’un télécrochet organisé pour la première fois depuis la pandémie de Covid-19 par l’opérateur des transports de la capitale britannique, Transport for London (TfL).
Accompagné de sa guitare, Peter se lance dans l’interprétation du titre Ironic, de la chanteuse canadienne Alanis Morissette, face à un jury de musiciens professionnels et d’agents du métro, qui prennent des notes et enchaînent sans perdre de temps avec le candidat suivant.
«Pour moi, c’est une occasion de recommencer à faire une chose que j’aime», confie Peter Willoughby, qui a commencé à jouer dans la rue dans sa ville natale d’Ipswich, située à une centaine de kilomètres au nord-est de Londres, lorsqu’il était adolescent.
«Je crois pleinement au pouvoir du spectacle», déclare celui qui est aussi acteur, et espère bien obtenir le sésame pour se produire devant les 3,5 millions de voyageurs quotidiens de la capitale.
Sur les 450 personnes inscrites pour passer les premières auditions, 280 musiciens ont atteint la phase finale, prévue pour durer dix jours. Leur présence dans le métro doit, avant tout, «apporter de la joie aux voyageurs», souligne Justine Simons, adjointe au maire de Londres chargée de la Culture.
Ces auditions doivent permettre d’avoir les meilleurs musiciens possibles dans le réseau souterrain, et décourager au passage les autres artistes qui voudraient s’installer sur les quarante espaces réservés.
Andrew «Sax» Bruell, saxophoniste originaire du comté de l’Essex, directement au nord-est de Londres, tente sa chance avec Purple Rain de Prince et What a Wonderful World de Louis Amstrong. Il voit dans ce casting une occasion de savoir s’il peut rivaliser avec les meilleurs, neuf ans après avoir commencé à jouer de cet instrument.
Cet homme de 62 ans a commencé les leçons un peu par hasard, en même temps que sa fille, au moment où il prenait sa retraite anticipée d’un poste de responsable au sein du constructeur automobile Ford.
Constatant ses progrès fulgurants, les proches d’Andrew lui ont suggéré de se produire de façon professionnelle. Il en a donc fait sa «seconde vie après la retraite», et se produit lors de fêtes, concerts ou dans la rue, reversant une partie de ses gains à des organisations caritatives.
Selon TfL, ces musiciens sont jugés sur la qualité de la musique comme sur leur présence scénique, et les membres du jury peuvent en sélectionner autant qu’ils le souhaitent parmi les finalistes.
Ce système d’auditions et de licences accordées aux musiciens du métro existe depuis une vingtaine d’années à Londres, avec des sessions de recrutement occasionnelles pour renouveler les effectifs.
Selon Angie G, qui joue depuis quelques années dans le réseau londonien, nombre de musiciens ne sont jamais revenus après les confinements de la capitale britannique. Cette chanteuse, elle, a continué d’aller se produire «partout où (elle) pouvait trouver un être humain» : «C’est une bonne chose pour le public, mais aussi pour notre propre santé mentale.»
«La musique fait partie de l’ADN de Londres», rappelle aussi Justine Simons, qui vante la richesse de la scène de la capitale, des grands shows des salles prestigieuses (le Royal Albert Hall ou les stades tels que l’O2 Arena et Wembley) aux concerts amateurs dans les pubs.
Le jury annoncera les noms des musiciens sélectionnés d’ici à la fin du mois de mars, et les Londoniens pourront les croiser au détour d’un couloir de métro à partir de novembre.