The Vince Staples Show
de Vince Staples, Maurice Williams et Ian Edelman
Avec Vince Staples, Andrea Ellsworth…
Genre comédie
Durée 5 x 26 minutes
Netflix
Vince Staples ne le sait pas, mais il vit dans les pages du Quotidien sans payer de loyer : depuis son premier – double – album, Summertime ’06 (2015), chaque skeud du Californien a reçu dans ces mêmes pages les louanges de deux critiques semblant de fort bon conseil.
Le MC de Long Beach est né en 1993 – année de Doggystyle (Snoop Dogg) et Strictly 4 My N.I.G.G.A.Z… (2Pac) – et son rap, qu’il commence à pratiquer jeune, souffle sur les braises du gangsta rap, relevé à l’attitude piquante de la génération South Park et Dragon Ball Z.
Le décalage comme marque de fabrique, donc, ainsi qu’en témoignent ses amitiés fortes auprès du collectif Odd Future (Earl Sweatshirt, Syd, Tyler, the Creator). Ou bien la série qui porte son nom, imaginée en 2019 sur YouTube sous la forme de vignettes comiques, comme une façon originale de diffuser sa nouvelle musique.
Si la mouture originelle du Vince Staples Show n’est jamais allée au-delà de l’épisode 2, le principal intéressé en a gardé le ton, l’humour loufoque et l’identité visuelle pour son passage inattendu, une poignée d’années plus tard… sur Netflix. La différence majeure étant que le «show» concocté par Vince Staples pour le géant du streaming n’est plus celui du rappeur, mais du comédien.
L’artiste de 30 ans joue bel et bien son propre rôle – une version évidemment déformée, mettant l’emphase sur son jeu de sourcils, le regard tenace, quelque part entre l’incrédulité et la colère contenue –, mais le rap est laissé hors champ tout du long.
S’il n’était pas arrêté par ce policier fan (qui lui chante, en se moquant, le refrain de sa chanson signature Norf Norf, «je n’ai jamais fui devant personne sauf la police»), tout laisserait supposer que Vince Staples n’est guère qu’un simple citoyen de la classe moyenne afro-américaine de «the Beach». Qui finit toujours par se retrouver dans des situations rocambolesques.
De la même façon que le Vince Staples rappeur trouve son bonheur dans les formats hybrides – à l’image de son album FM! (2018), conçu comme un piratage d’une station de radio, où chansons, jingles, sketches et interludes s’enchaînent à un rythme effréné, pour une durée plafonnant à une toute petite vingtaine de minutes –, son alter ego de comédie épouse le format sitcom, mais se limite à cinq épisodes.
Comme un goût d’EP, parfaitement abouti néanmoins, pour celui qui, à chaque nouveau chapitre de cette minisérie, dévoile une autre facette de sa ville – aussi réelle que lui, mais qui semble tout droit sortie d’un cauchemar de Jordan Peele.
De la prison aux «cousinades», jusqu’aux retrouvailles avec un ancien camarade de classe peu amical, la vie normale de Vince Staples est hantée par un danger difficile à cerner, mais omniprésent. Des ombres qui planaient déjà sur les paroles de ses raps…
Il ne faudra que quelques dizaines de secondes, au lancement du premier épisode, pour que Vince Staples se retrouve derrière les barreaux. Pour avoir fait un demi-tour en pleine rue (déserte, à une voiture de police près), il est jeté en cellule, entre un néonazi et un titan obsédé par l’idée de broyer le crâne du jeune rappeur.
D’une manière similaire à celle d’Atlanta, série référence créée par un autre rappeur ami de notre héros, Donald Glover (alias Childish Gambino), The Vince Staples Show explore par l’absurde ce que l’on appelle «l’expérience noire» aux États-Unis.
Le meilleur exemple tient dans le deuxième épisode, lorsque Vince essuie un refus de prêt dans une grande banque, pour se retrouver au milieu d’un braquage… perpétré par ses propres homies!
La série insuffle un vent de satire à chaque coin de dialogue, dans les regards, les attitudes et les clins d’œil incongrus… à l’instar de l’oncle ostracisé parti cuisiner son barbecue à l’écart des retrouvailles familiales, et qui partage une ressemblance troublante avec O. J. Simpson – tandis que les autres tontons, véritables hustlers à l’ancienne, prodiguent leurs conseils à leur neveu préféré, si tant est qu’il sache leur rendre service en retour.
Ce qui frappe par-dessus tout, c’est la façon dont le rappeur-acteur, qui s’est encanaillé auprès des gangs de Los Angeles dans sa jeunesse, joue avec l’image du gangster, intelligemment prise à revers avec sa bouille sympathique et son physique gringalet.
Même la violence dépeinte dans la série a une finalité humoristique. Et c’est réussi : immédiatement s’installe une connivence entre Vince Staples et le spectateur, qui comble l’espace entre la réalité crue des sujets traités et le décalage du protagoniste avec son monde.