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Berlinale : le documentaire « Dahomey » de Mati Diop remporte l’Ours d’or


Mati Diop ajoute son nom à une jeune garde de réalisatrices françaises qui cumulent les prix majeurs ces dernières années: Julia Ducournau (Palme d'Or à Cannes en 2021), Audrey Diwan (Lion d'or à Venise la même année), Alice Diop (deux prix à Venise en 2022) et bien sûr Justine Triet. (Photo AFP)

La Berlinale a sacré samedi une réalisatrice franco-sénégalaise de 41 ans, Mati Diop, pour un documentaire sur la question brûlante de la restitution par les anciennes puissances coloniales d’oeuvres d’art volées en Afrique.

En récompensant un film qui aborde frontalement la question post-coloniale, le jury présidé par l’actrice mexicano-kényane Lupita Nyong’o, première personnalité noire à occuper ce poste prestigieux, est resté fidèle à la tradition politique de ce festival.

« Nous pouvons soit oublier le passé, une charge désagréable qui nous empêche d’évoluer, ou nous pouvons en prendre la responsabilité, l’utiliser pour avancer », a déclaré Mati Diop en recevant son prix, après avoir cité l’intellectuel martiniquais Aimé Césaire. « En tant que Franco-Sénégalaise, cinéaste afrodescendante, j’ai choisi d’être de ceux qui refusent d’oublier, qui refusent l’amnésie comme méthode », a-t-elle poursuivi.

Dahomey raconte la restitution en novembre 2021 au Bénin de 26 oeuvres pillées en 1892 par les troupes coloniales françaises. Un mouvement amorcé ces cinq dernières années par les anciennes puissances occidentales, dont la France, l’Allemagne et la Belgique. Mati Diop, fille d’un musicien sénégalais, Wasis Diop, et d’une mère travaillant dans l’art, qui est née et a grandi à Paris, avait déjà remporté à Cannes en 2019 pour Atlantique le Grand prix, la plus haute distinction après la Palme d’Or. La réalisatrice a confié à l’AFP qu’elle aimerait que son film soit « vu dans un maximum de pays africains », « dans les écoles et les universités ».

Il s’agit du deuxième film africain à recevoir l’Ours d’or (après le sud-africain U-Carmen e-Khayelitsha (Carmen de Khayelitsha) de Mark Dornford-May en 2005). Mati Diop succède au Français Nicolas Philibert, Ours d’or l’an dernier.

Mati Diop ajoute aussi son nom à une jeune garde de réalisatrices françaises qui cumulent les prix majeurs ces dernières années: Julia Ducournau (Palme d’Or à Cannes en 2021), Audrey Diwan (Lion d’or à Venise la même année), Alice Diop (deux prix à Venise en 2022) et bien sûr Justine Triet, qui vient de dominer les César après avoir remporté la Palme d’Or l’an dernier à Cannes et est en lice pour les Oscars.

Du quai Branly à Cotonou

Pour raconter l’histoire de 26 oeuvres pillées en 1892 par les troupes coloniales françaises au royaume du Dahomey, dans le centre-sud du Bénin actuel, composé alors de plusieurs royaumes, Mati Diop fait parler en voix off la statue anthropomorphe du roi Ghézo.

Dans la langue du Bénin, le fon, il se plaint de ne plus porter de nom, seulement un numéro, « le 26 », dans les réserves du musée du quai Branly à Paris. Il décrit son arrachement à sa terre, sa vie en exil, puis son récent rapatriement dans un musée de Cotonou, la capitale du Bénin.

Les présidents français Emmanuel Macron et béninois Patrice Talon, à l’origine de cette restitution qui a eu lieu le 10 novembre 2021, n’apparaissent pas dans le film. La réalisatrice insiste sur le fait que seuls ces 26 oeuvres avaient été rendues « par rapport aux 7 000 oeuvres encore captives au musée du quai Branly » à Paris.

Le jury de la 74e Berlinale a également récompensé l’acteur roumano-américain Sebastian Stan (A Different Man), prix de la meilleure interprétation. Il a décerné son Grand prix du jury à un grand habitué du festival, le réalisateur sud-coréen Hong Sang-soo pour un film avec Isabelle Huppert (A Traveller’s Needs), et son prix du jury à L’Empire de Bruno Dumont.