Ouvert depuis janvier 2023 à Belvaux et composé de personnes atteintes de trisomie 21 ou d’un autre handicap, le restaurant Madame Witzeg a su démontrer l’efficacité de l’inclusion par le travail.
Manger chez Madame Wizteg est tout sauf un hasard. D’une part, sa localisation au fond de la place qui borde la Résidence op der Waassertrap de Belvaux restreint le nombre de curieux qui pourraient entrer. Et si tant est que cela arrive, s’asseoir dans le restaurant implique un certain contrat entre les clients, habitués ou non, et le personnel.
Lancé en janvier 2023, l’enseigne emploie des personnes atteintes de handicap dont la trisomie 21, au cœur de ce projet inclusif financé par l’ASBL Trisomie 21 Lëtzebuerg. Alors, «on attend une certaine tolérance des clients envers notre personnel qui fonctionne autrement», prévient la présidente de l’association Martine Eischen. «Surtout que l’on a commencé sans réelle expérience, parfois il pouvait y avoir des retards ou des petites erreurs.»
Depuis, la machine semble réglée. Une heure avant le début du service de midi, nulle différence avec n’importe quel autre restaurant. En cuisine, au comptoir, en salle ou encore à la plonge, les trois personnes porteuses d’une trisomie 21 ainsi que les quatre autres avec des traumatismes ou des retards mentaux travaillent harmonieusement et efficacement. Les couverts sont même polis comme dans les grandes maisons. «Nous sommes un peu comme une école hôtelière», sourit Geoffrey, à la fois cuisiner et éducateur spécialisé.
Accompagner, pas diriger
«Dans l’idéal, le grand but ici c’est qu’ils intègrent le premier marché du travail mais tout de même, on ne peut pas travailler comme dans un restaurant classique», ajoute celui qui s’est formé en tant qu’encadrant après avoir travaillé dans des restaurants étoilés au Luxembourg et à Amsterdam. Afin de ne pas brusquer le personnel, les porteurs de trisomie étant notamment très émotifs, Geoffrey et Manon, la seconde encadrante, veillent à la gestion du stress de chacun. Une pièce de stockage a été transformée en «chill room» avec un lit afin de pouvoir s’isoler et gérer ses émotions lorsqu’elles débordent. «Parfois, ils se passent la clé et se suivent et certaines semaines pas du tout, c’est très variable.»
Madame Witzeg fonctionne aussi avec deux pauses par jour, ainsi qu’avec une salle divisée en trois couleurs afin que le nombre de tables ne dépasse pas cinq pour faciliter le service. «Les plats de la carte changent tous les 3 ou 4 mois afin qu’ils aient une routine et qu’ils puissent les mémoriser», précise Manon, en soutien pour assurer le service de 40 couverts maximum. La bienveillance est également le mot d’ordre pour Geoffrey : «Je leur dis qu’ils peuvent me demander mille fois, je leur expliquerai mille et une fois.»
«On veut un échange vers le public»
Le restaurant ayant été créé afin d’employer des personnes souvent exclues de la société et du monde du travail, la cuisine et la plonge sont visibles grâce à deux larges vitres et les desserts sont réalisés sur un comptoir dans la salle. «Notre idée, c’est la visibilité vers l’extérieur. On veut un échange vers le public», souligne Martine Eischen. En tant que client, rien ne dénote hormis la commande des plats qui se fait sur un tableau à cocher, toujours afin de faciliter le service.
De qualité et de saison, la cuisine propose «des petits plats, un peu comme des tapas» réalisés à partir de produits frais afin que le personnel avec le statut de travailleurs handicapés travaille le plus possible. «Pour les cafés gourmands, nous faisons les biscuits nous-mêmes», illustre Geoffrey, toujours là pour veiller mais sans diriger. «S’ils oublient de me dire qu’il n’y en a plus alors il n’y en a plus, c’est leur responsabilité.»
Bien qu’intégrer le premier marché de l’emploi reste compliqué, notamment avec le stress de la restauration classique, Madame Wizteg permet à son personnel de faire trois métiers en une journée. «On tourne tout le temps, chacun fait la cuisine, la plonge et la salle. Parfois, certains font même les clients.» Surtout, cet atelier d’inclusion révèle une nouvelle confiance en eux et «cela permet de les valoriser comme ils ne l’ont jamais été dans leur vie».
Encore cinq postes à pouvoir
Lancé par l’ASBL Trisomie 21 Lëtzebuerg, soutenue par les ministères de la Famille et du Travail, la commune de Sanem et l’Adem, le restaurant a tout de même connu des problèmes d’embauche à ses débuts. «Nous sommes un atelier d’inclusion, il nous fallait des personnes avec le statut de travailleur handicapé et qui sont porteuses de la trisomie 21», raconte Martine Eischen, la présidente. «Mais on n’en trouvait pas donc on a dû embaucher des personnes avec un autre handicap.»
Ouvert uniquement le midi, le restaurant souhaiterait assurer un service trois soirs par semaine mais, pour l’instant, le personnel fait encore défaut. Cinq postes seraient à pourvoir. «Idéalement, pour des personnes avec une trisomie car la conception du départ repose sur le potentiel particulier des personnes porteuses et aussi car elles vivent beaucoup dans le moment, avec une énorme empathie et cela se ressent dans la bonne ambiance du restaurant.»
Restaurant Madame Witzeg
60, rue Waassertrap, 4408 Belvaux
Tél.: 26 59 40 83
https://www.madame-witzeg.lu/de/
Réservations : zenchef.com