Les agriculteurs belges mettent la pression sur les enseignes de la distribution, alors qu’en France une sortie de crise est attendue. La colère des paysans s’est exprimée hier à Bruxelles.
Les conséquences des blocages des agriculteurs à nos frontières commencent à se faire sentir dans certains supermarchés grand-ducaux. C’est surtout le cas de l’enseigne Aldi dont le centre logistique est actuellement encerclé par des tracteurs belges du côté de Molinfaing. Les camions passent au compte-goutte pour livrer les supermarchés et les 11 magasins Aldi du Luxembourg ne sont pas épargnés par ces retards dans les arrivages. Certaines étagères semblent bien vides en attendant peut-être une solution aujourd’hui. Responsables de l’enseigne et agriculteurs discutent d’une sortie de crise pour alimenter les supermarchés. Mais la perturbation risque de durer quelques jours, le temps que les magasins fassent le plein. En Belgique, la mobilisation des agriculteurs lancée lundi ne faiblit pas et aucune sortie de crise n’est attendue. Deux magasins Colruyt ont même dû fermer à Marche-en-Famenne par mesure de sécurité en raison des actions des agriculteurs.
En France, par contre, les leaders syndicaux de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs ont demandé la levée des barrages. La Confédération paysanne a quant à elle demandé de poursuivre la lutte. Ces annonces ont été faites après le dévoilement par le gouvernement français de nouvelles aides, de dérogations concernant des produits phytosanitaires, d’initiatives concernant la simplification des démarches et de déblocages plus rapides des aides européennes ou nationales.
Hier, en Lorraine, le barrage dans le prolongement de l’A30 (entre Metz et Longwy) était toujours en place. Une action coup-de-poing à la frontière luxembourgeoise au niveau de l’A31 à partir de 11 h a provoqué une sacrée pagaille dans le secteur. Les agriculteurs ont voulu contrôler le chargement des camions entrant en France et se sont installés sur l’aire de repos Porte -de-France. Les «contrôles» ont eu lieu jusqu’à 16 h. Selon nos confrères du Républicain lorrain, un camion lituanien frigorifique transportait des objets de collection. Lors d’un autre contrôle, des burgers, dont l’origine n’était pas mentionnée, ont été trouvés. Un camion transportant des patates douces sans sigle CE a aussi été stoppé… Les actions côté lorrain devraient cesser aujourd’hui après l’appel des syndicats.
Grande manifestation à Bruxelles
En sommet à Bruxelles, le président français, Emmanuel Macron, a réclamé hier une série de mesures européennes en faveur des agriculteurs, qui manifestent dans une grande partie de l’UE, dont des simplifications «tangibles» de la PAC et une force sanitaire spéciale pour «éviter» la «concurrence déloyale» entre États membres. La Commission européenne va préparer une proposition pour «réduire le fardeau administratif» pesant sur les agriculteurs, a aussi annoncé hier sa présidente, Ursula von der Leyen, pour tenter de répondre à la colère du secteur. Dans le même temps, la capitale belge a été le théâtre, hier, d’une grande manifestation d’agriculteurs venus de toute l’Europe.
«On ne peut pas attendre 2027, c’est demain qu’il faut que ça change!» : des milliers de manifestants de différents pays – et plus d’un millier de tracteurs – ont envahi les rues de Bruxelles aux abords d’un sommet des Vingt-Sept, sur fond de colère du monde agricole. «C’est un symbole important : pour faire changer les choses, il faut venir ici», a expliqué Pierre Sansdrap, éleveur laitier du Brabant wallon, membre de la Fédération des jeunes agriculteurs, près d’une longue file de véhicules agricoles à l’arrêt. Devant les bâtiments bruxellois du Parlement européen, sur la place du Luxembourg, dont l’accès est bloqué par des centaines de tracteurs, une foule dense réunit des manifestants belges, français, espagnols, italiens, portugais ou encore allemands.
Revenus insuffisants, «surcharge administrative», législations écologistes complexes ou importations ukrainiennes «déloyales» : tous partagent ces revendications. «Pas l’Europe que nous voulons», «Stop UE-Mercosur. Sortons l’alimentation du libre-échange», «moins de normes» : accrochées à l’avant des tracteurs ou brandies par les manifestants, les banderoles résumaient le message. La grogne paysanne se répand sur tout le continent et touche aussi l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Pologne, les Pays-Bas. Une colère qui n’est pas encore près de retomber.